Je relève la bouteille pour éviter qu'elle se déverse entièrement sur le sol et la pose sur sa table de nuit.
« — Au moins on aura pas à la finir. » Me fait remarquer Leith en riant.
Je lui fais un sourire et rebouche la bouteille.
Cette chaleur intense qui m'a poussé à agir a complètement disparu, ne laissant que la honte et l'angoisse s'insinuer dans mes pores.
J'essaye d'éviter son regard, je n'ai jamais eu affaire à une telle situation et même si je suis encore alcoolisée, mon sens moral a refait surface, plus fort que jamais pour me punir.
Je jette des coups d'œil un peu partout dans la pièce puis prends mon courage à deux mains.
« — Je... Je vais aller dormir, je pense. » Lui dis-je en faisant des gestes nerveux en direction de la porte.
Il hoche la tête et je lui jette un dernier regard, le silence ne rendant la situation que plus embarrassante, puis me dirige vers la porte.
Il n'a pas l'air prendre réellement conscience de la situation puisqu'il agit la plus décontracté qui soit.
De toute façon il n'est jamais lui-même quand il est saoul.
Le suçon n'aurait jamais pu arriver s'il avait été dans son état normal comme ce baiser.
J'ouvre la porte de sa chambre et murmure un « bonne nuit » avant de refermer la porte derrière moi.
J'ai l'impression d'être dans la même situation que Jane, un baiser voler lors d'une nuit alcoolisée que je ne risque pas d'oubliée.
Je n'aurai jamais l'audace de lui en parler demain ni un autre jour, je le sais et pourtant j'ai tellement peur de ma réaction quand je serai à nouveau dans mon état normal.
Pour le moment j'ai juste l'impression que tout ceci n'est pas réel, que je suis dans un autre monde où il se passe des choses qui ne sont que le fruit de mon imagination.
Mais c'est juste le pouvoir de l'alcool de rendre les pires situations aussi belles qu'un jour d'Eté.
Pourtant comme un chien qui fonce toujours et encore dans le même mur pour pouvoir passer à travers même s'il s'est à chaque fois que ça ne marche, je continue de boire comme un trou en sachant qu'il n'y a rien de bon à la clé.
D'un autre côté j'ai peur d'en parler à Perla puisque je lui ai promis d'être prudente et me voilà en train de l'embrasser quelques heures plus tard.
Puis Jane, même si elle est plus disposée à m'écouter vu que nous sommes dans la même situation, je ne pense pas avoir le courage de lui en parler. C'est son frère tout de même et elle aussi n'a fait que m'avertir pourtant je ne les ai pas écouté.
En soit je ne regrette pas de l'avoir embrassé, j'ai saisi l'opportunité et je suis plutôt fière de moi d'avoir fait preuve d'autant de courage.
Qui aurait cru Hailey Pears, la fille la plus coincée de l'univers puisse faire le premier pas ?
Mon Dieu, qu'aurais-je fait si je n'avais pas été saoule.
Alors que je reste immobile dans le couloir, je touche mes lèvres encore sensible et me remémore la sensation de celles Leith sur les miennes.
Je ferme les yeux et soupire.
« — Hailey ? » Me demande quelqu'un.
J'ouvre les yeux et rougis de m'être fait prise d'en cette situation.
Je tourne ma tête pour voir Jane qui se frotte les yeux en bâillant.
Elle a les cheveux tous ébouriffés et plisse les yeux pour me regarder.
« — Qu'est ce que tu fais là ? » M'interroge-t-elle.
« — J'avais besoin d'air, boire ne me va pas très bien à ce que je vois. » Lui dis-je en essayant de feindre un sourire.
Elle hoche la tête puis s'approche un peu.
« — Il y a des médicaments dans la cuisine en bas, si tu veux je peux aller te les chercher. » Me propose-t-elle.
« — Non ça ira, retourne te coucher, je vais aller prendre l'air un peu. » Lui dis-je.
« — Comme tu voudras. » Me répond-elle avant de retourner dans sa chambre.
Je soupire et dévale les escaliers pour me diriger vers la porte d'entrée.
Je crève de chaud.
Lorsque je me réveille dans le lit de Jane, je remarque je suis seule.
De toute façon vu l'heure à laquelle je me suis couchée et la quantité d'alcool qui circulait dans mon sang tout à l'heure, c'est sûr et certain que je ne dois pas avoir une belle tête.
Je me redresse dans le lit et jette un coup d'œil au réveil qui affiche 13 heures 47.
Je porte ma main à mon front brûlant et sors du lit.
Je descends les escaliers et remarque je porte encore les vêtements de la veille.
La seule chose que je me rappelle de la veille c'est cette bouteille d'alcool qu'on se passait de main en main pendant toute la soirée.
Je rumine dans ma barbe tant ma tête me fait mal.
« — Oh la marmotte est enfin réveillée ! » S'exclame Perla en riant.
Je lève ma main et la fusille du regard pour lui montrer mon certain mal en point.
Elle referme sa bouche et se contente de sourire en lançant un regard à Jane.
« — Vite un truc pour faire taire ses marteaux-piqueurs dans ma tête ! » Les suppliais-je en m'affalant sur un fauteuil.
Jane réprime un rire et attrape un verre ainsi qu'un comprimé.
Elle se lève et me tend les objets qui vont me délivrer de cette douleur.
En deux, trois mouvements j'avale le comprimé et repose ma tête contre le fauteuil.
Faites que ce médicament agit vite.
« — Qui peut me rappeler ce qu'il s'est passé hier ? »Demandais-je en soupirant.
« — On a bu énormément et nous avons joué, je crois. » Commence Perla.
« — Oui, à Action ou Vérité. » Précise Jane.
« — Dites-moi que nous n'avons pas fait de choses stupides. » Les suppliais-je.
Elles se lancent des regards complices.
« — A vrai dire, Jane a fait quelque chose. » Explique Perla.
Je me tourne vers la concernée.
« — Ce matin j'ai reçu un message de Travis qui me disait : nous devons en parler. Je n'ai pas compris au début puis j'ai lu le message que je lui ai envoyé et... » Commence Jane.
« — Ah oui ! Tu devais lui parler du baiser de l'autre jour ! » M'exclamais-je.
Elle hoche la tête.
« — Donc les choses avancent à ce que je vois. » Lui dis-je en souriant.
Elle me sourit en retour et je vois que ça la rend heureuse.
Des semaines que ça la hante et elle va enfin pouvoir mettre les choses au clair.
« — Il s'est passé d'autre chose ? » Demandais-je.
Elles secouent la tête négativement.
Je m'apprête à me lever lorsque Jane me dit :
« — Ah si, t'étais debout en plein milieu de la nuit dans le couloir parce que tu ne te sentais pas bien. »
Je fronce les sourcils.
« — Ah bon... » Murmurais-je surprise.
Je devais sûrement avoir mal au cœur ou quelque chose de ce type.
« — En tout cas t'as vraiment mauvaise mine. Je trouvais qu'on était des cas désespérés mais en fin de compte tu es pire que nous. On dirait que t'as bu plus que nous ! L'alcool ne te réussit vraiment pas. » Se moque Perla en riant.
Je lève les yeux au ciel en l'insultant intérieurement puis m'enfonce confortablement dans le fauteuil.
J'avais peur de croiser Leith hier soir mais finalement j'ai passé une bonne soirée, enfin d'après ce qu'elles m'ont racontée, ça avait l'air d'être amusant.
Je me relève pour aller prendre quelque chose à manger mais c'est le geste de trop et je me dirige rapidement vers la première porte que je vois en espérant que ce soit des toilettes.
J'ai à peine le temps de remarquer que ce sont heureusement des toilettes que je régurgite tout ce que j'ai dans mon estomac.
Je ferme les yeux et j'ai l'impression que ma tête va exploser.
J'entends des voix derrière moi et dans d'autres circonstances la honte aurait pris le dessus mais cette fois-ci c'est juste du soulagement.
Je toussote au dessus de la cuvette et finis par me relever pour attraper du papier de toilette.
Je m'essuie la bouche et tire ensuite la chasse d'eau.
J'attache mes cheveux avec l'élastique accroché à mon poignet et me tourne vers mes deux amies.
« — Je ne boirai plus jamais. » Soupirais-je en sachant pertinemment que c'est faux.
Je me tourne ensuite vers Jane.
« — Je peux rester un peu plus longtemps chez toi, je n'ai pas envie que mes parents me voient dans cet état là. » Lui demandais-je.
« — Oui bien sûr. » Me répond-elle en posant une main sur mon épaule.
« — Aller, viens on va commander des pizzas. » Me dit-elle.
« — C'est ouvert un Dimanche ? » Dis-je en me tournant ma tête vers elle.
« — Y'en aura bien une d'ouvert dans cette foutu ville. » Me répond-elle.
Je hoche la tête.
Je rabats mes jambes contre mon torse en soupirant.
« — C'est beaucoup mieux le ventre plein. » Murmurais-je en souriant.
Perla est partie et je suis maintenant seule avec Jane, nous enchainons les films et je vais beaucoup mieux.
Je ne comprends pas pourquoi j'étais aussi mal en point tout à l'heure.
Pourquoi j'avais l'impression d'avoir bu beaucoup trop ?
Pourtant je n'ai pas franchi ma limite, nous n'avions qu'une bouteille et je ne me rappelle pas que Jane soit allée en cherchant une autre.
« — Qui s'est servi dans ma réserve ! » Crie quelqu'un en déboulant dans le salon.
Je me bouche les oreilles avec les paumes de mes mains.
Je vais mieux que tout à l'heure, ça ne veut pas dire que je suis guérie.
Je me tourne vers la personne qui vient de m'assommer le crâne en criant comme un dégénéré.
Leith.
Il ne manquait plus que lui, la personne que j'évite depuis que je suis entrée dans cette maison. Je pensais que je ne le verrai pas mais en réalité vu qu'il habite ici c'est un peu improbable que je ne le croise pas au moins une fois.
Lorsque son regard se pose sur moi, il me fixe comme un ovni.
Je détourne le regard beaucoup trop troublé par son regard insistant.
Je pense que l'alcool ne lui va pas non plus. Je me rappelle que Jane m'ait dit qu'il est allé à une fête, il n'a pas du se priver d'alcool non plus.
« — C'est moi ! » S'exclame Jane coupant court à mon monologue intérieur.
« — Et de quel droit ? » Demande-t-il en s'installant sur un fauteuil sans pour autant lâché son air énervé.
« — On voulait s'amuser et vu l'alcoolique tu es je savais que tu cachais des bouteilles dans la maison. Si je peux me permettre, tes cachettes sont vraiment merdiques. » Lui dit-elle accompagné d'un clin d'œil.
Il presse ses lèvres entre elles et essaye de rester calme.
Je fixe sa bouche sans le vouloir.
Pourquoi je fais ça ?
Je secoue la tête et baisse le regard.
« — N'ose même pas refaire un truc pareil, achète-toi tes propres bouteilles. » La menace-t-il.
Je fixe la scène et je ne me sens soudainement plus à place.
Je me sens aussi coupable puisque j'ai bu dans cette bouteille volée, j'ai l'impression d'avoir fait quelque chose de mal alors que ce n'était pas volontaire.
Il n'a pas l'air de m'en vouloir mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il m'insulte secrètement dans sa tête.
« — L'amour fraternel. » Me murmure Jane en riant.
Je lui souris en retour, mal à l'aise.
« — Vous regardez quoi sinon ? » Nous demande tout naturellement Leith.
Je déglutis.
Il pose son regard sur sa sœur puis sur moi et j'ai l'impression que quelque chose à changer, je ne sais pas pourquoi mais quelque chose est différent et je n'arrive pas à mettre le doigt dessus.
Il est vraiment étrange et je mets ça sur la cause de la gueule de bois mais je ne peux m'empêcher de chercher quelque chose qui aurait pu provoquer ce soudain changement de comportement.
Alors que Jane lui répond, je décide de me lever.
Je suis en meilleur état que tout à l'heure et l'attitude étrange de Leith me perturbe plus qu'autre chose.
Ils me fixent tous les deux, attendant que j'explique ce que je compte faire.
« — Je... Je pense que je vais rentrer chez moi. » Dis-je en désignant la porte d'entrée.
« — Oh, oui bien sûr. » Me répond Jane en se levant à son tour.
J'ignore totalement Leith, tant que je n'ai pas trouvé ce qui cloche chez lui je préfère ne pas trop m'avancer.
Je me dirige vers la porte et salue une dernière fois mon amie pour ensuite prendre mes affaires et quitter le domicile.
Je monte dans ma voiture et soupire un bon coup.
Je fixe le volant, je suis sûre que j'ai oublié un truc.
Il s'est forcément passé quelque chose pour qu'il paraisse aussi étrange.
Après c'est peut être juste mon imagination qui me joue des tours mais ça m'étonnerait.
C'est sûrement juste mon esprit farfelu à tendance narcissique et égoïste qui tente de me retourner le cerveau.
Puis de toute façon Leith a toujours été bizarre.
Voilà, c'est tout simple.
Je démarre et me dirige vers la route pour rentrer chez moi.
Je chantonne au son de la musique qui se diffuse dans l'habitacle et mes yeux croisent un couple d'adolescents qui se dévore la bouche sans retenu.
La première chose qui me passe par la tête en les voyant est tout simplement le peu d'amour propre qu'ils doivent avoir. Je peux tolérer un baiser mais pas un lavage de bouche intégral.
Puis soudainement autre chose me frappe de plein fouet.
Merde.