Dans le chapitre précédent :
Je souris contre son dos alors qu'il serra ses mains sur les miennes. Soudain, Thaumas s'arrêta. Surprise, notre course se figea aussi. De manière désorientée, il balaya les arbres du regard. Adonis demanda ce qu'il se passait, mais tout de suite après des hommes nous encerclèrent. Thaumas soupira avant de s'avancer vers eux. Avec de grands yeux, je le voyais discuter avec l'ennemi.
Tous ces hommes avaient des armes brandies contre nous.
« Thaumas ? » demandai-je, bouche-bée, mais il garda la mâchoire serrée.
Il nous avait vendus à l'ennemi. On allait tout droit vers le repère du père d'Eugène ou pire. L'extermination des centaures allait commencer. Je n'espérai qu'une chose, qu'Onyx ne soit pas tomber dans le piège de Thaumas... Parce que si mon frère mourait, je partirai aussi de ce monde et ce serait la fin étant donné que Zircon et Agathe n'étaient plus là pour aider les centaures.
***
Les gouttes tombèrent une à une des stalactites. Je tournai le regard de ce spectacle ennuyant et le reportai sur Thaumas. Le centaure restait les bras croisés contre la paroi gelé. Il attendait et nous aussi. Il observait la cascade d'eau claire qui barrait l'entrée de la grotte. Heureusement que j'étais liée à Adonis ; je ne ressentais pas le froid qui lacérait ma peau. Au contraire, la chaleur de mon corps couplait à celui de mon amant suffisait à être confortable.
« Je croyais que Thaumas était un homme loyal ? pestai-je par notre lien.
– Je le croyais... soupira doucement Adonis. Es-tu certain qu'Onyx est ton frère ?
– Absolument. Il n'y a pas de doute là-dessus. Thaumas est un traître. Ce qui est étonnant c'est qu'il n'était pas dans la liste d'acronymes alors que Régis y était. »
Toute cette situation me dépassait. Je n'arrivais pas à démêler le faux du vrai. Chaque être pouvait être un jour un allié et un autre jour un ennemi. C'était le propre de la nature humaine. Les coups bas et la traîtrise, c'était la jalousie qui orchestrait ces actes. Une jalousie qui vous grignotait de l'intérieur petit à petit jusqu'à ce qu'il vous avale en entier. Pris dans ses filets, il était presque impossible d'en sortir indemne.
« Qu'attendons-nous Thaumas ? »
Il se retourna vers moi en serrant la mâchoire. Il resta impassible, ne révélant rien. Je soupirai avant de regarder Eugène. Ses manteaux de fourrure le cachaient presque entièrement. Je compatissais à son état.
Soudain, je sentis le dos d'Adonis se tendre. Il fixa la cascade avec insistance tandis que je posais mes mains sur ses épaules. Sur son dos, je me levai un peu pour regarder dans sa direction, mais après plusieurs secondes rien n'apparut.
Adonis tourna la tête vers Thaumas. Ils échangèrent un regard étrange avant de baisser la tête.
« Qu'est-ce qu'il se passe ?
– Adélaïde vient de me communiquer que ce piège faisait partie de leur plan.
– Quoi ? Du plan de qui ?
– De ton frère, répondit-il. Il voulait que nous nous fassions capturer pour pouvoir rencontrer le père de l'humain alors qu'il retrouve Léandre.
– Mais alors Thaumas ? demandai-je avec confusion.
– Il est toujours notre allié. »
Je soupirai de soulagement, mais je sentis le regard d'Eugène me titiller l'arrière de la tête. Il devait être perdu. Je lui envoyai un clin d'oeil, mais il semblait encore plus décontenancé.
Nous attendîmes encore plusieurs minutes avant d'entendre des bruits de sabots frappant la pierre avec les hennissements caractéristiques des chevaux. Je descendis du dos d'Adonis même si ma main voulait que j'y reste, mais je l'en empêchai. Il m'envoya un regard noir cependant mon regard était rivé vers la cascade. Le bruit de l'eau tombante couvrait celle des hommes qui parlaient derrière ce rideau.
Adonis me barra le passage avec bras pour me dire de rester où j'étais au lieu d'avancer vers le danger. Je me pinçai les lèvres en restant sagement campée à ma place.
Plusieurs hommes se plantèrent devant nous. Ils enlevèrent leurs capuches et j'entendis Eugène souffler le mot père. Étonnée, je reconnus l'homme barbu qui était aussi au bal. Il gardait cet air menaçant et vil. Il ordonna à ses hommes de nous exécuter de suite. Les centaures grognèrent en serrant les poings tandis qu'Eugène s'écria de ne pas faire cette folie.
« S'il-vous-plaît, Père ! Ce n'est pas nécessaire, ils ne sont pas nos ennemis !
– Tu as tort mon garçon. Ils le sont. Des monstres qui n'apportent que la mort partout où ils passent.
– Ce n'est pas vrai ! Vous ne les connaissez pas. »
Le père d'Eugène retourna vers moi.
« Crois-moi Ambre. Je les connais bien... Tu ressembles bien à ta mère, ajouta-t-il.
– Quoi ? demandai-je, surprise.
– Alexandre ne te l'a pas dit ? dit-il en levant un sourcil. Tes parents ne le sont pas en réalité. Ils ne sont que des personnes qui t'ont élevée. Quand ma femme est morte en donnant naissance à une fille, je t'ai envoyé dans la famille d'Alexandre. Ils se sont occupés de toi que leur propre enfant...
– Père... Comment avez-vous pu faire cela ? demanda Eugène aussi choqué que moi.
– Que voulais-tu que je fasse d'une fille ? Si faible et inutile. Elle serait devenue une bonne catin. Finalement, elle est mariée à un putain de monstre. »
Ses mots crachés avec hargne firent monter la colère d'Eugène qui hurla sur son père. Je restai abasourdie près de mon mari. J'étais la fille de cet homme et la sœur d'Eugène. Je me demandais comment la véritable Ambre aurait réagi si elle avait appris cette nouvelle. Aurait-elle pleuré ? Se serait-elle donné la mort ?
« Comment vous appelez-vous ? »
Il leva un sourcil, étonné par ma question, mais y répondit tout de même.
« Régis.»
Choqué, Adonis me regarda. Le Régis de l'acronyme serait en réalité le père d'Eugène et pas le trésorier d'Adonis. C'était une bonne nouvelle, mais cela n'arrangeait pas la situation. Onyx avait fait exprès de nous vendre à l'ennemi pour qu'on rencontre Régis. Mais à partir de là, que pouvions-nous faire ? Nous ne savions pas si Onyx et Adélaïde avaient réussi à sauver Léandre.
« Pourquoi cette question ? demanda Régis.
– Juste pour information. Je préfère savoir à qui j'ai à faire. Où est Léandre ?
– Le petit garçon va bien. Pour l'instant. »
Le sourire de Régis fit grogner Adonis qui était prêt à se jeter sur cet homme, mais les armes brandies contre lui le dissuadaient d'avancer d'un pas.
« L'enfant n'a rien à voir avec cette histoire. Si je comprends bien vous haïssez les centaures parce qu'ils sont inhumains. Mais vos actions sont tout aussi barbares. Vous les massacrez sans ménagement.
– Il le mérite après tous les morts qu'ils ont laissés derrière eux ! cria-t-il en serrant les poings. Nous n'avons pas besoin de ces espèces de monstres !
– Que vous ont-ils fait pour que vous vouliez les tuer ? demandai-je, curieuse.
– Ils ont tué la seule femme que j'aimais. »
Son aveu tremblant me fit agrandir les yeux. Alors c'était donc cela la raison. Une vengeance sur les centaures parce qu'il y avait plusieurs années un centaure parmi tant d'autres avait tué sa bien-aimée ? Cet homme gardait avec lui une quête de rétribution.
« Et vous pensez réellement qu'en les tuant vous serez en paix ? Elle est morte, elle ne reviendra pas. Jamais. Tuer toute une espèce pour ce fait est exubérant. »
Je voyais le visage de Régis devenir rouge avant qu'il ne se calme. Il respira un bon coup avant de lâcher un rire.
« Tu n'es vraiment qu'une idiote... En tuant tous les centaures, je m'assure d'être un Roi pour tous et pas seulement pour un petit bout de terre. Je serais adulé par des milliers, que dis-je des millions de personnes ! Et ce parce que les monstres auront disparu grâce à moi. »
Ses prunelles étaient pétillantes de joie. Une lueur malsaine qui me dégoutait.
« Allez mettez-vous en position, ordonna-t-il à ses hommes. Vous tirerez à mon commandement. »
Malgré mes objections, les hommes se mirent en place avec leurs armes. Adonis têtu comme il était se plaça devant moi pour me protéger. Je vis les autres centaures se mettre devant Eugène. Même Thaumas hurlait contre les humains montrant qu'il était de notre côté. Finalement, les choses ne se passaient pas comme Onyx l'avait espéré.
J'entendis la panique dans la voix d'Eugène ainsi que les battements de coeur irrégulier de mon amant. Je regardai partout en tentant de trouver une échappatoire à cette mise à mort. Mais Régis avait bien choisi l'endroit des exécutions des centaures : une grotte avec aucune porte de sortie que la chute d'eau derrière les ennemis.
Réfléchis !
Régis s'apprêta à baisser sa main quand d'un coup il se fit transpercer par une flèche. Abasourdis, nous restâmes les yeux grands ouverts devant ce spectacle macabre. Le sang doucement du trou qu'avait fait la pointe tandis qu'il tomba au ralenti au sol.
Dans cet instant de silence, un murmure fut entendu.
« Père... »
Mais avant qu'Eugène n'aille rejoindre son père mourant, Adonis se lança sur les humains armés. Il les balança contre la paroi rocheuse et humide. Je déglutis puis m'approchai du corps de Régis. Malgré l'acte qu'il allait commettre, il était vrai que c'était le père d'Eugène. Celui-ci pleurait silencieusement, n'en croyant pas que ce soit fini ainsi.
Triste, je mis une main sur son épaule en signe de réconfort puis levai la tête quand j'entendis des bruits de pas.
« Ambre ? »
Étonnée, je vis Alexandre traverser la chute d'eau tout en jurant que ces vêtements étaient trempés. Les yeux agrandis de stupeur, je laissai un sourire étirer mes lèvres. Il donna son arc à un de ses hommes et me fixa inquiet.
« Tu vas bien ?
– Oui, tu n'es pas mort ?!
– Comme tu le vois, je suis parfaitement vivant. »
Je ris avant de me jeter dans ses bras. Peut-être qu'il était bel et bien le héros de cette histoire. Après tout, les Moires ne nous avaient pas spécifié qu'on devait être près du héros pendant toute la durée où ne serions dans un monde.
Soudain, il mit une feuille sous mon nez et ma vision commença à se brouiller.
« Qu'est-ce que... ? »
Je n'arrivais plus à parler, je voulais fermer les yeux et m'endormir. Alexandre me retourna et je sentis une lame près de ma gorge.
« Attaque-nous centaure, et je la tue. »
Ce fut les dernières paroles d'Alexandre, celui qui j'avais cru être le héros, avant que la drogue ne m'endorme.
Sacré révélation dans ce chapitre ! Régis est le père biologique d'Ambre et d'Eugène alors que les parents d'Alexandre ne le sont pas. N'oubliez pas que c'est le père d'Alexandre qui a capturé et torturé Adonis, alors que vient faire Régis dans cette histoire ?
Et maintenant Alexandre se joint à la partie ! Héros de l'histoire ou ennemi ?