Je courus à travers le couloir tout en essayant de boutonner ma chemise. Je m'étais réveillée en retard ce matin et ça me mettais de mauvaise humeur par rapport au fait que les filles ne m'aient même pas secouée un peu. Sans compter que j'avais désactivé mon réveil alors il n'avait pas sonné...
Je m'arrêtai, à bout de souffle devant la porte "B231". Au bout de trente secondes de pause, je me redressai et pris l'initiative de frapper d'un mouvement hésitant plusieurs fois contre la porte couleur caramel. Hors de question que je m'arrêtais quelques secondes de plus : j'étais déjà assez en retard comme ça !
La porte qui s'ouvrit me tira brutalement de mes pensées maladroites. Le prof d'italien se tenait dans l'entrebâillement de celle-ci en me dévisageant du regard.
- Vous êtes bien en retard ce matin, Mademoiselle Baker.
Oh, je ne l'avais pas remarqué ! Ce qu'il était con ce prof... Il regarda sa montre sous mes yeux pour bien me mettre un peu plus la pression, mais je me contentai de m'excuser, confuse et morte de honte. Il accepta mes excuses et m'autorisa d'entrer dans la pièce afin de rejoindre une place de libre. A partir de ce moment, je me rendis compte que Tyler s'était installé sur une des tables du fond de la salle d'italien. Il m'adressa un sourire sincère que je me contentai de lui rendre, pourtant j'étais déçue de ne pas pouvoir aller m'asseoir à côté de mon ami : la place était déjà occupée...
Dix minutes plus tard, le professeur nous laissa travailler en autonomie, par rapport à une recherche informatique concernant un peintre Italien. Heureusement que ce n'était pas un travail en binôme où notre partenaire serait notre voisin de table. Le mien n'avait pas l'air très net dans sa tête. Du moins, il ne semblait pas y avoir qu'une seule personne dans son crâne.
Je soupirai intérieurement d'ennui. Il ne me restait uniquement qu'un quart d'heure de cours, ça devrait passer assez vite. Dès que j'entrai le mot de passe de mon ordinateur portable, une icône s'afficha automatiquement pour me signaler un nouveau message.
Je fronçai instinctivement les sourcils en prenant l'initiative de cliquer dessus pour en connaître le destinataire. Je souris immédiatement face au nom de la personne qui me l'avait envoyé.
Tyler.
Je me tournai discrètement dans sa direction. Il était à fond sur l'écran de son ordinateur. Je retournai à mon activité en prenant la peine de lire vite fait le message au passage.
" Vous êtes bien en retard, Mademoiselle Baker. Ha ha, la tête que tu as faite ! "
Je me mise à sourire inconsciemment face à ce simple message grotesque.
" Ce n'est absolument pas drôle, Monsieur Scott ! D'ailleurs, ne croie pas que tu vas t'en tirer aussi facilement. Tu avais quelque chose à me raconter la veille. "
Je relis le message au moins une dizaine de fois avant de me décider de le lui envoyer... J'ignorais si c'était une bonne initiative de remettre ça sur le tapis... Mais, je tenais à le savoir. Autant terminer ce qu'il avait commencé.
Je tournai la tête une seconde fois vers lui, il n'avait pas bougé d'un pouce depuis la dernière fois que je m'étais retournée.
Pour éviter de me faire prendre par le professeur, je m'empressai de me mettre au travail pour pouvoir le terminer avant la fin du cours.
La cloche sonna et ma recherche sur le célèbre peintre Leonard de Vinci était loin d'être achevée... Heureusement que le professeur nous laissait jusqu'au cours prochain pour terminer cette biographie. J'éteignis mon ordinateur pour le ranger dans sa pochette en retenant très bien le vent que m'avait mis Tyler. Il aurait pu me répondre par la négative, j'aurais compris, mais ce n'était pas le cas, donc je trouvais cela lamentable de sa part.
Alors que je sortais de la salle pour me rendre aux toilettes, j'aperçus non loin de là, une fille seule et terrorisée dans son coin, encerclée par deux gars faisant au moins deux têtes de plus qu'elle. Curieuse, je passai à côté d'eux comme si de rien n'était. Cette fille n'avait pas du tout l'air à l'aise. N'importe qui pourrait le remarquer rien qu'à l'expression effrayée sur son visage.
- Rends-nous cet argent et on te promet de te laisser tranquille, ça te va ?
- Je..., bégaya-t-elle , Je ne peux pas...
Serait-ce du raquette ? Du vol ? Je ne comprenais pas ce que c'était réellement, mais une chose était sûre : tout cela n'amenait à rien de bon. Ne voulant pas m'imaginer la scène qui pourrait se dérouler lorsque je partirais, je décidai alors de m'interposer en m'incrustant dans leur drôle de discussion, un peu mal en point.
- Euh, pourrais-je te parler si cela ne dérange personne... ?
Les deux vautours étonnés, se tournèrent dans ma direction. La fille en question eu la même expression, mais elle fut plus ou moins soulagée au moment où elle remarqua que cette question s'adressait à elle et à personne d'autre. Un des jeunes hommes aux mèches rouges se contenta de me toiser avant d'examiner la situation avec son ami pour finalement libérer leur proie qui se hâta de se joindre à moi. En attendant aucune réplique de leur part, on décida de quitter les lieux pour se rendre à la cafétéria. C'était tout de même étrange car j'avais une impression de l'avoir déjà vu quelque part...
- Tu permets que je t'offre quelque chose à boire, en gage de remerciements ?
Sa question me tira brutalement de mes pensées pour me rendre compte qu'on se tenait déjà près du guichet de la cafétéria. Mes yeux se posèrent immédiatement sur son visage qui me souriait de plus belles, puis il fit un aller-retour sur le contenu de boissons enfermé dans une sorte de réfrigérateur à côté du dirigeant de la cafétéria.
- Un simple expresso me suffira, merci.
Ma camarade commanda la même chose avec deux palmiers au chocolat. Le jeune vendeur prit notre commande en note avant de se diriger en direction de la machine à café alors que nous étions en train de nous installer sur une table de disponible. Ce matin il y avait pas mal de monde, je devais dire... Dès que je fus assise, je lui posai la première question qui me vint alors à l'esprit.
- Qu'est-ce qu'ils te voulaient ?
Son beau sourire dévoilant toutes ses dents s'envola aussitôt. Je me sentis soudainement coupable et embarrassée en m'excusant.
- Ne t'excuse pas... Je vais te le dire, mais par pitié garde-le pour toi...
J'acquiesçai pendant qu'on nous distribuait notre commande dont elle paya l'addition. Une fois qu'il parti, j'attrapai ma tasse pour remuer le sucre qui était à l'intérieur. Quant à la jeune étudiante, elle regarda vite fait autour d'elle avant d'avancer son buste près de moi.
- Ils prétendent que j'ai laissé mourir un de leur pote... Donc si je ne leur donne pas la somme d'argent que je leur doit pour leur drogue, ils me dénoncent à la gendarmerie...
Alors que je m'apprêtais à boire une gorgée de mon café, je reposai immédiatement la tasse, surprise par cette découverte. Je ne m'attendais pas du tout à une telle révélation...
- Comment ça ? Ils prétendent ?
Elle se redressa sur son tabouret avant de boire une gorgée de son expresso et de me répondre presque à voix basse.
- Ces gars étaient des amis de mon petit ami... Un soir, lorsqu'on était tous partis camper, avec mon copain nous étions partis à l'écart et étant donné qu'il était bourré, il avait trouvé le moyen de se jeter dans une rivière... Et, elle positionna une main contre sa bouche afin de retenir quelques sanglots, tu connais la suite...
Mes yeux s'étaient arrondis à la fin de cette explication. Son histoire était vraiment moche...
- Changeons de sujet, je t'en supplie...
Je n'étais pas contre sa proposition alors je décidai de lui poser cette seconde question qui me démangeait, bien que son histoire me trottait encore dans la tête.
- J'ai l'impression de t'avoir déjà vue, je me trompe... ?
Elle sembla réfléchir un instant en me scrutant attentivement.
- Ça peut être possible...
La cloche retentit dans l'enceinte de la cafétéria. Elle avala d'un trait son café avant de se lever de sa chaise et d'attraper son sac.
- J'ai été ravie de faire ta connaissance, moi c'est Charlie. J'aimerais bien rester plus longtemps, mais j'ai un cours...
Je me présentai à mon tour avant qu'elle ne me sourisse et qu'elle sorte un stylo de son sac. Je la regardai, incomprise.
- Au cas où on ne se recroiserait pas, je te donne mon numéro et mon adresse mail.
Elle attrapa une serviette en papier qui était sur la table pour y inscrire à l'encre violette ses coordonnées. Une fois terminé, elle se dépêcha de ranger ses affaires et de quitter la cafétéria en me saluant de la main.
J'attrapai le morceau de papier en regardant les différentes informations.
Cette fille était hantée par son passé, je ferais tout pour l'aider et qu'ils cessent de l'embêter. Personne ne méritait une telle vie. Non, personne.