Chapitre 33: Esquives 2/2

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— Ce qui est fait, est fait Will et puis tu n'es pas le seul fautif, j'ai aussi ma part de responsabilité. Maintenant, sèche tes larmes, et allons voir Lisa, tous les deux, ensemble.

— Non, je préfère y aller seul.

James lui lance un regard suspicieux, Will est triste de constater qu'il ne lui fait pas confiance, il espère ne pas l'avoir complètement perdue.

— Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.

— S'il te plaît, papa, laisse-moi y aller seul, je n'y arriverai pas si tu es là toi aussi.

James hésite encore quelques secondes puis finit par accepter.

— Très bien, je resterai en bas, tu m'appelles si tu en ressens le besoin.

Will acquiesce. Il s'essuie le visage avec la manche de son sweatshirt puis se lève et rentre. Il se sent comme un condamné entamant son ultime marche vers sa fatale destinée.

Le trajet jusqu'à la chambre de Lisa ne lui a jamais semblé aussi court. La porte est entrouverte. Le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, il frappe : pas de réponse. Il réessaie et toujours pas réponse. Il se penche et jette un coup d'œil par l'entrebâillement puis pousse la porte, qui s'ouvre avec un grincement qui lui fait froid dans le dos. Tout est calme, il avance d'un pas et entre. Lisa n'est pas dans la pièce. Il avance davantage, la porte de la salle de bain est ouverte, elle n'y est pas. Will sent que quelque chose ne va pas. Il regarde instinctivement le portant, le manteau de Lisa n'y est pas, il ferme les yeux et tente de la visualiser ce matin.

Elle ne portait pas son manteau, juste un magnifique pull rouge.

L'impensable fait son chemin dans son esprit et il comprend.

— Elle est partie...

D'abord triste, face à ce qu'il considère comme une trahison, Will sent la peur monter en lui, alors que les mots de James lui reviennent en tête :

« Si Lisa va à la police, je finis derrière les barreaux et toi, tu retournes dans le système. »

Sa tristesse et sa peur s'unissent, pour donner vie à une rage. La rage de voir, le peu de bonheur qu'il avait, s'envoler en un clin d'œil. Will sort vite de la chambre de Lisa et court jusqu'à celle de son père.

Il ouvre le tiroir de la table de chevet et récupère le petit coffre. Sur le pavé numérique, il tape les chiffres de la date de naissance de Tristan et un signal significatif lui indique le déverrouillage de la serrure. Il ouvre le coffre et tend une main déterminée sur l'arme de James, dont il s'empare, avant de quitter la pièce en vitesse.

12h23

Seul sous porche, James rumine, il s'en veut de ne pas s'être rendu compte plus tôt de la supercherie. Il se dit qu'il n'a pas été assez attentif, il aurait dû voir que quelque chose clochait dans cette affaire. Il se remémore ce soir, où Will était redescendu, heureux comme un pape, après une soirée passée en compagnie de Lisa.

Confortablement installé près de la cheminée, un livre à la main, James entend Will descendre les marches en sautillant et fredonnant. Il baisse son roman pour l'observer s'approcher, le sourire radieux.

— Eh bien, à quoi doit-on cette joie ?

Le garçon se laisse tomber à côté de lui en lâchant un long soupir de satisfaction, son regard rêveur, perdu dans le vide.

— C'est Lisa, elle a dit que je lui rappelle son petit ami du lycée. Justin, qu'il s'appelait, apparemment on a les mêmes cheveux, le même regard et même certaines mimiques en commun.

— Oh ! s'étonne James. Il y a de grandes chances que ce soit lui ton père.

— Je sais.

— Pourquoi tu n'en as pas profité pour lui dire qui tu es ? Ça aurait été le bon moment.

La bulle de bien-être du garçon explose instantanément, il se redresse et secoue la tête.

— Elle n'est pas prête.

— Non. Toi tu n'es pas prêt, nuance.

James soupire en se demandant si Will n'avait pas fini par croire, lui-même, à son propre mensonge. Assommé par cette révélation, il décide de rentrer à son tour. Trop angoissé par la conversation qu'ont Will et Lisa en ce moment même, il lui faut un petit remontant. Il se sert un verre de whisky et alors qu'il s'apprête à laisser le liquide ambré glisser entre ses lèvres, il entend soudainement des galops à l'étage.

Qu'est-ce que c'est ?

Inquiet que la confrontation se soit mal passée, il se rapproche de l'escalier. Les pas reviennent et Will apparaît en haut des marches, qu'il dévale à grande vitesse.

— Qu'est-ce qui passe ?

— Elle s'est barrée, hurle-t-il, sans arrêter sa course.

— Quoi ? Will attend ! Will !

Mais le garçon ne l'entend pas, il continue sa route, pousse la porte de dernière et bondit en bas des marches. Au moment où il saute, son sweatshirt se soulève légèrement. James a tout juste le temps de reconnaître l'objet chromé, calé à l'arrière de son jean, avant que la porte se referme.

— Oh mon Dieu, Will ! s'écrit-il, horrifié.

Il détale à son tour et se jette sur la porte. Will n'est déjà plus à portée de vu, il repère cependant diverses traces dans la neige, probablement les pas du garçon, se confondant avec ceux de Lisa. Il cavale aussi vite qu'il le peut, il doit à tout prix les retrouver avant que Will n'envenime la situation.

Après plus de cinq minutes de courses, il perçoit de lointains éclats de voix. Il s'arrête et écoute pour mieux en situer la provenance. Ce sont bien les voix de Will et de Lisa qu'il entend. Le cœur battant à cent à l'heure, James reprend sa course dans leur direction, lorsqu'un cri déchirant, à lui glacer le sang s'élève à travers les arbres.

— Will non ! hurle la voix, désespérée de Lisa.

Il accélère l'allure, et court aussi vite que le lui permet la poudreuse, quand soudain, ce qu'il redoutait le plus se produit.

Un coup de feu retentit, faisant fuir les corbeaux des branches où ils avaient trouvés refuge. Le cœur déchiré par l'angoisse, James s'arrête malgré lui, complètement mortifié, alors que les échos de la détonation résonnent encore, couverts par les sinistres croassements des oiseaux. 

Celle que je veuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant