𝟾 | 𝚌𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚌𝚒𝚗𝚚𝚞𝚊𝚗𝚝𝚎-𝚎𝚝-𝚞𝚗

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Bonne lecture !

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La pièce est à chaque fois trop sombre ; avant chaque cours, son père ferme les rideaux et allume quelques bougies qu'il pose sur le bureau. La petite fille doit plisser les yeux pour voir les feuilles posées devant elle, et cela lui donne toujours mal à la tête. Au bout d'une heure, sa vision devient floue. Au bout de deux, les larmes lui montent aux yeux et elle est obligée de se mordre la lèvre pour ne pas qu'il les voit.

À chaque fois, elle appréhende ces séances. Ce ne sont que des cours, lui dit souvent sa mère, mais elle ne comprend pas ; elle n'est pas là, avec eux.

La voix de son père l'a toujours effrayée. Grave et sérieuse, sans chaleur, elle tonne des ordres et des réprimandes. S'il ouvre la bouche, c'est soit pour reprocher, soit pour poser une question. Pourtant, elle veut encore qu'il lui dise que ce qu'elle fait est bien. Du bon travail. Des paroles rassurantes. Elle en est presque assoiffée.

Aujourd'hui, c'est de l'histoire. Debout juste à côté d'elle, il l'observe d'un œil critique et ouvre son livre à la page de la leçon. Tout est toujours trop dur, elle le sait : ses mains commencent déjà à la picoter.

Son père baisse les yeux et pose une question. La petite fille déglutit en fixant le bois de la table, une boule grandissante dans la gorge. Elle ne sait pas. Elle ne l'a pas appris. Elle va se faire gronder.

Tu ne sais pas ? demande-t-il en serrant ses doigts autour de la règle en fer qu'il a toujours avec lui.

Elle sent les larmes monter et hoche la tête.

Pose-les à plat.

Ses mains se soulèvent d'elles-mêmes pour écarter légèrement ses feuilles, puis elle fait ce qu'il lui a ordonné : elle les pose sur le bois et ferme les yeux.

Le premier coup est le plus douloureux ; elle s'y attend, mais pleure quand même en silence. Le deuxième vient plus soudainement, et il lui donne en même temps la réponse à la question qu'il vient de poser.

C'est toujours trois coups, et une fois le dernier passé, il lui repose la même question.

Cette fois, elle sait répondre.

Bien, dit-il. Tu vois quand tu veux.

Elle hoche la tête. Elle doit être d'accord avec lui, c'est la règle.

Dans la famille Akaashi, il n'y a pas de perdant ou d'idiot, c'est compris ?

Nouveau hochement de tête. Pas de perdant, pas d'idiot. Elle ne serait ni l'un ni l'autre.

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Une ombre avançait dans les couloirs de l'Académie. Rapide et silencieuse, elle connaissait à présent tous les couloirs de son école par cœur. À droite, les salles de classe. À gauche, la porte menant au bâtiment de la cafétéria. Même dans cette obscurité inquiétante, elle savait quand tourner, quand s'arrêter, et où se rendre.

Ittetsu Takeda était le directeur de cette Académie depuis des années maintenant. Il paraissait jeune, très certainement, mais au fond il en était venu à presque oublier son propre âge. Sa mémoire commençait doucement à décliner, les visages glissaient devant ses yeux sans qu'il ne puisse les reconnaître ou les apprendre, et il aurait très certainement dû se chercher un successeur depuis déjà un moment. Mais il ne l'avait pas fait, persuadé de pouvoir assumer ce rôle qui lui tenait à cœur pendant encore quelques années — ses élèves en payaient à présent le prix. S'il avait pu se souvenir plus tôt, si toute cette histoire, pas si vieille que ça en plus, était remontée à la surface un peu plus tôt, alors peut-être que tout ça ne serait pas arrivé.

Papermoon || KuroShouWhere stories live. Discover now