𝟸 | 𝚌𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚚𝚞𝚊𝚝𝚘𝚛𝚣𝚎

546 114 54
                                    

Bonne lecture !

_______________________

La nuit était sombre et lourde, et en levant la tête, Kuroo remarqua que la lune avait disparu. Sous ses pieds nus, le sol était froid comme de la glace, et une fine pellicule de givre recouvrait le goudron.

Gelé jusqu'au plus profond de lui même, il fit deux pas en avant. Une brume opaque s'échappa d'entre ses lèvres gercées, et Kuroo s'arrêta soudain lorsque sa vision se fit plus nette.

Devant lui, un peu plus loin, bloqué dans le silence le plus complet, Oikawa gisait au sol, presque coupé en deux. L'information mit quelques secondes à lui parvenir tant elle lui parut incongrue. Un haut-le-cœur menaça de le prendre, mais Kuroo déglutit en tremblant et ne put détacher le regard du corps de son ami qui menaçait de se faire avaler par son propre pouvoir. Sa glace furieuse avait envahi la rue, et le dévorait petit à petit. Même de loin, il pouvait voir le sang, intérieur et extérieur, se changer en une matière vide, dur, et figée.

Son âme !

Quelque chose lui attrapa la cheville, et Kuroo se retourna en hurlant : pourtant, ce qui sortit de sa bouche ne fut qu'un cri muet, incapable de se former vraiment. À ses pieds, Iwaizumi ne bougeait déjà plus, le bras tendu comme pour demander l'aide, une expression de pure agonie sur le visage.

Leurs âmes, voulut-il pleurer. Elles ne sont plus...

La vue de leurs corps pâles dont la poitrine ne se soulevait plus menaça de lui faire perdre la raison tant sa gorge était serrée, à deux doigts de se rompre. En relevant la tête vers Oikawa, il fut saisi de constater qu'une silhouette fine et affamée se tenait au dessus de lui. Penchée, à quelques centimètres, prêt à planter ses crocs dans sa nuque, elle semblait saliver, et le sang de Kuroo lui monta à la tête.

– Non !

Mais encore une fois, rien ne sortit. Il n'en tint pas compte et fila vers eux, une colère sourde bouillonnant dans ses veines. Pas eux, se répétait-il. Ses pieds glissèrent plusieurs fois sur le sol de glace, mais à chaque fois il se relevait rapidement pour foncer vers son ami.

Cette chose ne devait pas le toucher. Elle ne devait pas le toucher. Elle ne le toucherait pas.

Mais, alors qu'il se trouvait presque à porté de bras – si proche ! –, une force incroyable le décolla du sol, ses jambes pendant dans l'air, et il se retrouva la tête en bas, poussé de l'autre coté de la rue comme une poupée de chiffon. Son dos s'écrasa contre le mur, et un craquement sinistre retentit.

Dans sa tête, un gémissement de douleur résonna et il ferma les yeux.

Allongé à même le sol, une brume épaisse entourant chacune de ses pensées diffuses, Kuroo sentit soudain une matière douce sous ses doigts. Papillonnant, son regard tomba immédiatement sur quelque chose de sombre et de rouge qu'il prit tout d'abord pour du sang.

Mais ce n'était pas cela. En vérité, il se trouvait allongé au milieu d'une myriade de pétales de rose, délirant sans aucun doute sous l'effet du choc. Une toux brusque lui déchira la poitrine, et lorsqu'il tenta enfin de se redresser, ses doigts tombèrent une nouvelle fois sur quelque chose qui attira son attention.

Un métal froid, sans couleur, qui ne brillait plus.

Les yeux de Kuroo s'écarquillèrent lorsqu'il comprit ce qui se trouvait à ses cotés : une faux, brisée en deux, plantée dans le sol froid et dur de la rue. Nuance de vert et de noir, elle semblait vidée de son énergie, morte, et presque immédiatement, sans qu'il ne sache pourquoi, une sanglot passa ses lèvres.

Qui es-tu ? désirait-il demander. Dis moi qui tu es, je t'en supplie.

Mais l'arme resta inanimée, et Kuroo comprit que c'était trop tard. Les pétales s'humidifièrent, se transformant petit à petit en gouttelettes sanglantes, imbibant ses vêtements, et cette fois ce fut trop : il se mit à hurler.

– Putain, bro', réveille toi !

Des mains puissantes le secouaient avec force et, les joues trempées et la gorge sèche, Kuroo ouvrit les yeux sur le visage inquiet de son meilleur ami. La douceur de ses draps le prit par surprise et il se redressa doucement, toujours maintenu par Bokuto qui continuait de le fixer.

– Je –, tenta t-il mais sa voix avait une intonation étrange, bien trop aiguë.

Son ami le lâcha enfin, puis il se précipita dans la salle de bain. Lorsqu'il revint avec une bouteille d'eau, le brun lui en fut reconnaissant. Il l'avala presque entièrement.

– Je crois bien que tu as du réveiller tout le dortoir, tenta de plaisanter Bokuto, mais sa remarque tomba à plat.

En regardant par la fenêtre, Kuroo vit que la lune était revenu. La chaleur de la chambre le fit frissonner.

– Je suis désolé, Bo'. Je voulais pas te réveiller.

– Dis pas de conneries. Ça va ?

Quand leurs yeux se croisèrent, il vit clairement de l'inquiétude dans son regard.

– Tout roule, affirma-t-il aussi fermement qu'il le put.

Même s'il n'en était pas certain. Au bout de quelques secondes, il releva la tête.

– Va te recoucher, ok ? Tout va bien. J'ai juste rêvé que tu mangeais encore ma mousse au chocolat.

Il tenta un sourire, qu'il espéra assez convaincant.

Une fois son meilleur ami de retour dans son lit, Kuroo se recouchant en silence, mais garda les yeux ouverts jusqu'à ce que le soleil se lève.

_____________________

« Nouvelle victime découverte aux alentours de l'Académie !

Un jeune homme de 22 ans a été retrouvé dans la nuit de lundi à mardi dans l'une des grandes avenues bordant l'école, et il s'agirait apparemment de la treizième victimes du tristement célèbre Soul Eater. Désormais, les parents s'interrogent tout de même : le directeur, Ittetsu Takeda, est-il vraiment capable de protéger tous ses élèves de ce danger ?

Extrait du journal local »

________________________

🌹

Papermoon || KuroShouWhere stories live. Discover now