𝟽 | 𝚌𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚚𝚞𝚊𝚛𝚊𝚗𝚝𝚎-𝚌𝚒𝚗𝚚

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Bonne lecture !

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La jeune femme pleure. Cela fait des semaines qu'elle pleure. Lui la regarde avec des yeux secs et éteints, en espérant au fond qu'elle s'arrête, qu'elle cesse de le noyer dans les larmes qu'il n'arrive plus à faire couler. Il l'observe, avec une curiosité sincère, en se demandant si elle se souvient de la raison pour laquelle ils sont là.

La pierre devant eux est froide et silencieuse, ce que lui n'était jamais. Avant, il leur tapait dans le dos en affirmant qu'ils feraient mieux la prochaine fois, qu'ils leur restaient du temps, qu'ils seraient à jamais tous les trois. Avant, il souriait tout le temps, et compensait leurs mines ennuyées par sa présence rassurante et avenante. Avant, il portait tous ces vêtements colorés, se teignait les cheveux dans cet espèce de teinte blanchâtre – pâle tout du moins – et les corrigeait sur leur langage quand l'un deux avait le malheur de dire putain.

Avant, il était là. Maintenant, il n'est plus que cette pierre qui avait été déposée quelques jours plus tôt.

Quand ils étaient jeunes, cela avait commencé avec eux deux : pas de fille, juste deux amis qui se voyaient à l'école et se retrouvaient après les cours. Ils prenaient leurs marques, découvraient le monde, comprenaient leur place. Il avait aimé tous ces moments, n'en avait pas assez profité pourtant, et aurait aujourd'hui voulu y retourner et arrêter le temps pour toujours. Pour rester avec lui.

« Elle pleure tous les jours », pense-t-il en déposant sa fleur sur la tombe. Chez le fleuriste, il a simplement demandé quelque chose de beau. Il mérite quelque chose de beau. « Elle ne pense plus à personne, elle pleure juste ».

Il a l'impression qu'elle lui vole son chagrin. Parfois, il a envie de crier ; sur elle, sur tout le monde, sur ceux qui ne l'ont pas prévenu que son univers arrivait à sa limite, sur ceux qui lui ont dit qu'il avait la vie devant lui, car ce n'était plus le cas à présent – une vie sans lui n'était pas une vie –.

On lui a dit, quelques fois, qu'elle devait être bien plus triste que lui. Que lui s'en remettrait, il était encore jeune après tout. Qu'un Meister et son arme partageait un lien bien plus profond qu'une simple amourette d'adolescents, et que de toute façon il aurait fini par de se rendre compte que c'était elle qu'il voulait, et pas lui. Ils étaient partenaires. Il était un intrus.

Il l'adore et la déteste à la fois. Elle est sa meilleure amie, sa rivale, celle qui a réussi à obtenir cette partie de lui qu'il ne pourrait jamais avoir. Deux Meisters.

Il veut qu'elle arrête de pleurer. Il veut qu'elle reste près de lui, seul souvenir de ce qu'il a perdu. Il regarde ses épaules, ses mains, ses doigts, et tout ce qu'il voit c'est que fut un temps, tout cela – ou tout du moins une partie – lui appartenait.

Partenaires. Elle était à lui, il était à elle.

Je le remplacerai, dit-il soudain. Je sais qu'il t'aidait avec ça – ton problème – mais moi je m'en fous. Je vais t'aider.

Elle relève la tête, les joues humides. Ses yeux sont profonds et brillants, et il sait que sa proposition est idiote. Il veut juste que son souvenir reste avec lui.

Je ne suis pas ce qu'il était.

Mais à deux c'est peut-être moins dur.

Il en doute, au fond. Rien ne sera moins dur.

D'accord, lui répond-elle à sa grande surprise.

Et peut-être est-ce pareil pour elle ? Peut-être voit-elle en lui ce qu'était le meilleur d'entre eux, et alors ce serait une terrible erreur.

Papermoon || KuroShouМесто, где живут истории. Откройте их для себя