Partie IV/2

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        L'heure était venue pour Xenoria de partir. Les uns après les autres, guerriers et guerrières franchissaient les portes d'Aquatilia. Ils étaient équipés, lourdement chargés pour certains de matériel et d'attelages qu'ils s'employaient à ramener à bon port.

        Les Xenoriens s'ignoraient. Aucun mot n'était échangé, pas même avec les Aquatiliens qui les observaient en retrait avec une pointe de nostalgie. Ils semblaient pressés de partir. Il y avait là comme un sentiment de rancœur, voire de déshonneur, et ce dans une ambiance de deuil.

        Thelma et Argos s'en accommodaient pour leurs adieux. Ils se tenaient l'un en face de l'autre, près de l'entrée.

        -J'ai quelque chose pour toi, dit-il.

        Le guerrier détacha deux bracelets xenoriens de sa ceinture, avec lesquels il habilla les poignets de la sirène. Cette dernière observait avec attention les gestes délicats de l'homme-sirène. Deux bruits de clipsage s'ensuivirent.

        Thelma amena spontanément les armes xenoriennes à ses yeux, les admirant tour à tour. Les bracelets étaient articulés. Aussi légers qu'ergonomiques, ils épousaient parfaitement la forme de ses petites mains. La sirène caressa ensuite du bout des doigts le Trident qui était gravé sur le métal.

        Argos lui prit l'avant-bras.

        -Garde ta main bien droite.

        Le guerrier posa son pouce sur le bouton-poussoir à l'intérieur du poignet droit de Thelma puis pressa. Une micro-secousse surprit la sirène qui assista dans la foulée à la sortie soudaine d'une petite lame du bracelet.

        -Même chose pour la rabattre.

        Argos appuya à l'identique et l'arme métallique disparut en un éclair.

        -Et si le temps presse, regarde.

        Il croisa aussitôt ses propres poignets, dégainant simultanément les deux lamelles. Un large sourire apparut sur le visage de Thelma qui l'imita l'instant d'après.

        -Nous ne les utilisons qu'en combat au corps à corps, expliqua-t-il en rangeant les pointes, tandis que la sirène faisait de même. En dernier recours. J'espère que tu ne t'en serviras pas.

        Le dirigeant décrocha sa ceinture. Il se rapprocha ensuite de Thelma, puis plaça l'accessoire autour de ses hanches. Un lance-filet y était logé.

        -Utilise plutôt ceci.

        -Merci Argos.

        Les yeux du guerrier paraissaient peinés bien qu'ils fussent rivés sur les sangles en acier qui venaient tout juste de s'emboîter.

        Il se redressa ensuite, puis posa ses paumes sur les épaules de la jeune fille.

        -Tu as tout d'une Xenorienne.

        Elle le dévisagea longuement d'un air tendre. Il la frotta ensuite doucement, d'un geste réconfortant. Mais le regard d'Argos trahissait sa mélancolie et Thelma la ressentait.

        -Argos, je suis désolée pour votre peuple. Sincèrement désolée.

        -Je sais Thelma. Et je sais aussi que tu as tenté d'empêcher ce qui est arrivé. J'en suis touché.

        Elle lui sourit tristement, très émue.

        Plusieurs secondes s'écoulèrent. L'un comme l'autre, ils voulaient que ce moment perdurât.

        -Es-tu certaine de vouloir y aller seule ?

        La sirène répondit aussitôt par un hochement de tête. Elle avait pris sa décision.

        -Dans ce cas, sois très prudente Thelma.

        Ils plongèrent dans les bras l'un de l'autre, puis s'enlacèrent chaleureusement.

        -Merci pour tout Argos, lui murmura-t-elle.

        La main d'Argos caressa la base des cheveux de Thelma gonflés par l'eau. Il mit ensuite délicatement fin à l'étreinte.

        -Ce fut un privilège de te connaître.

        Il approcha son visage puis déposa un baiser sur le front de la jeune fille.

        -J'espère que nous nous reverrons, dit-elle.

        L'émotion était palpable.

        -Je l'espère aussi.

        Ils comprirent ensemble que les adieux étaient terminés. L'attention de la sirène se porta sur l'entrée, puis elle s'y s'engagea. Mais contre toute attente, elle freina, prise d'une frayeur soudaine. Tout se bousculait en elle. Brutalement, elle venait de réaliser qu'elle serait seule désormais. Elle se sentit d'une telle vulnérabilité que des larmes commencèrent à monter. Mais quand elle se retourna, le regard du Xenorien lui donna la force de continuer. Elle battit de la nageoire puis s'élança, abandonnant Aquatilia.

        Les traits d'Argos s'étaient affaissés. Il se retenait de pleurer avec grande peine. Ce qu'il restait de son cœur venait de lui être arraché.

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Aquatilia ~ Le secret de la perditionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant