Partie III/8

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        -Parle à Mortica !

        Les yeux d'Argos imploraient son frère. Il tentait le tout pour le tout, désespérant de lui faire entendre raison. Le visage d'Artemus se redressa lentement puis perfora le guerrier d'un regard qui en disait long sur la haine qui le putréfiait de l'intérieur.

        -Jamais !

        Le dirigeant aquatilien impulsa soudain son corps vers son frère en brandissant son trident. Les pointes s'intercalèrent ensuite. Les hommes-sirènes résistaient à la pression exercée par l'autre en contractant leurs muscles durs et saillants.

        D'un rapide mouvement circulaire, Argos rejeta net le trident d'Artemus qui n'avait rien pu contrôler. Les deux armes se percutèrent ensuite, à plusieurs reprises. Le dirigeant aquatilien attaqua soudain en vociférant. Argos tendit son trident, bloquant fermement celui d'Artemus. Mais l'homme-sirène n'en démordait pas. Il insista en multipliant les assauts que son adversaire xenorien déjouait systématiquement quand soudain, le manche du trident emboutit le nez d'Argos. Ce dernier s'octroya quelques instants pour encaisser le coup et Artemus en profita. Il fonça, tête baissée, entraînant avec lui le corps de son frère qu'il projeta ensuite à pleine puissance. Le guerrier valsa d'un bout à l'autre de la cavité, jusqu'à la paroi contre laquelle il s'abattit violemment. Le trident lui échappa des mains au moment du choc. Des pierres se décrochèrent au passage, fragilisant la structure.

*

        Monsieur Pinning porta un regard attentif à la scène. Les pirates étaient loin d'avoir rendu les armes. Ils se défendaient remarquablement bien. De nombreux projectiles, aquatiques comme terrestres, jaillissaient de tous les côtés, causant des blessés à la pelle. Pourtant, rien ne pouvait distraire les hommes qui avaient été emportés par l'euphorie du combat. Otto et le Borgne, qui se battaient de concert, y avaient même pris part.

        Les cadavres se comptaient par dizaines, mais il y avait encore des survivants, beaucoup de survivants. Tout espoir de victoire n'était pas perdu.

        Pinning empoigna courageusement son tromblon, puis arbora une frimousse déterminée.

        -Monsieur Luron ! hurla-t-il soudain, secouant son camarade. Faites donc surgir l'affreux pirate qui sommeille en vous !

        Pinning brandit son arme, sous le regard désemparé du Maître Coq. Le Quartier Maître expulsa un cri vaillant, puis s'élança sur le pont. Gai-Luron observa son compagnon avec émotion, convaincu que c'était la toute dernière fois qu'il le voyait ainsi mouvoir sa petite personne. Ses sourcils se dressèrent ensuite d'étonnement quand il le vit abattre une créature du premier coup, et avec style qui plus est.

        Gai-Luron se sentit alors crouler sous le poids de la culpabilité. La mort dans l'âme, il sortit à son tour son pistolet en tremblant de tout son être. Il déglutit, puis quitta la place en lançant un ersatz de cri de guerre qui avait un faux air d'appel au secours tant il sonnait désespéré.

*

        Constantin hurla pour se donner la force de soulever le corps de son père. Il crapahutait ainsi depuis de longues minutes, tout en luttant contre le nombre incalculable d'obstacles que pouvait offrir une forêt. Ses efforts payèrent, une fois encore, mais il devait se rendre à l'évidence... il était épuisé.

*

        Monsieur Pinning s'écarta, esquivant de justesse une lance qui poursuivit sa route jusqu'à la poitrine du pirate qui se tenait derrière lui. Le Quartier Maître ouvrit de grands yeux choqués en assistant à la mort de son compère. La bouille grincheuse, Pinning tendit son tromblon en direction de l'homme-sirène responsable puis appuya sur la détente. Le corps solidifié de ce dernier se renversa, puis s'affala sur le tillac avec fracas.

Aquatilia ~ Le secret de la perditionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant