Ce que femme veut - Part 60 - Cocue deux fois

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Marseille était une bonne idée. Je suis revenue à Paris requinquée, le cœur léger et avec la ferme intention d'aplanir les choses avec mon mec. Seulement dès que j'ai mis un pied chez moi j'ai senti la lourdeur de l'atmosphère pas seulement dû aux 34 degrés dehors. Après avoir échangé sur mon voyage on a diné dans le silence dimanche soir, j'ai mis ça sur le compte de la fatigue de la semaine, il avait de nombreuses interviews à mener mais c'était sans compter sur sa prise de distance soudaine, je lui touchais les cheveux, il se tordait comme un chat, je me collais à lui, il faisait un pas de côté. Toutes ses tentatives d'évitement corporel laissaient présager quelque chose de mauvais. C'est son « il faut qu'on parle » lancé entre deux portes lundi matin avant de s'engouffrer dans la masse des travailleurs qui a fini de m'achever.
Je survole la journée de merde que j'ai passé à cause de cette formulation sibylline. On ne dit pas à une meuf cérébrale « il faut qu'on parle » c'est comme lui planter un couteau dans le crâne. En rentrant ce soir-là, je l'ai découvert dans le salon, son sac de sport près de ses pieds enfermés dans des Reebooks blanches. Il affichait une mine soucieuse mais décidée.
Il n'a pas tergiversé longtemps, il me l'a dit, comme on se libère d'un mensonge qui a trop duré :
- Je t'ai trompé avec Derya. Je vais t'épargner les « je suis désolé, je voulais pas » parce que je sais que ce sont des choses que tu as déjà entendu. J'ai merdé, je l'ai fait bêtement et évidemment que je m'en veux mais je sais que tu me le pardonneras pas, alors je préfère accepter cette idée et affronter mon erreur.
Je l'ai regardé, sonnée, calmement je lui ai demandé de m'expliquer ce qui s'était passé:
- Ma mère lui a donné mon adresse, elle est passée un soir pour venir chercher un livre, chez moi et c'est parti en sucette.
Il a insisté sur le fait que ce n'était qu'un one-shot et qu'ils ne sortaient pas ensemble. Grande consolation n'est-ce pas ? Je ne l'ai pas lâché du regard, incapable de dire s'il me mentait ou s'il disait vrai. On a discuté pendant encore une dizaine de minutes puis il s'est levé. Je me suis poussée pour qu'il atteigne la porte et sur le palier il a répété qu'il s'excusait. J'ai refermé la porte, triste mais pas larmoyante. Je me suis assise machinalement sur mon canapé et j'ai attendu qu'elles viennent : la peine, la rage, la rancune. Aucune d'elle n'a daigné faire irruption.
Je le savais. Je l'ai toujours su au fond de moi, qu'il me ferait du mal. Je ne saurais pas dire pourquoi, mais je le savais. Il a au moins eu la décence de me le dire, en face. Karima est venue me rejoindre à minuit, avec des mouchoirs et des choco bn, persuadée que je serai effondrée, à l'article de la mort.
- Tu as vraiment compris ce qui vient de se passer ?
- Oui je suis libre.
- Inès... Erdem t'a trompée.
- Oui.
- C'est grave ...
- Oui je sais.
- Il t'a trahie.
- Je le sais.
- Pleure !
- Non.
A Marseille, j'avais déjà pris la décision de le quitter, j'avais au fond de moi le pressentiment que cette relation pleine de cabossages ne pouvait pas durer, il me fallait une raison plus forte qu'un pressentiment et son infidélité me l'a offerte. Comme la loi de la synchronicité. Évidemment, sa trahison me fait mal mais elle ne me tue pas, pas comme celle de Yanis, car elle me libère du fardeau d'un autre mariage raté. Ça y est j'ai atteint ce point dont parlent toutes ces femmes qui ont enchainé les déceptions, les frustrations relationnelles et les misères : je dois cesser de chercher l'amour et la loyauté chez les autres et me les donner à moi-même, au moins le temps que je cicatrise.
J'ai couru après l'amour, comme un démuni court après des piécettes. J'ai vu des red flags et j'ai fait semblant de ne pas les voir, je me suis dévaluée, je me suis vendue pour pas cher à des hommes pingres en valeur.
Je ne sais pas ce qui me permet de tenir le coup, cette prise de conscience forcée ou simplement une maturité passagère.
Karima a passé la nuit avec moi. Et je n'ai pas pleuré.

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