Ce que femme veut - Part 33 - RESPIRE

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Je lavais mes cheveux, recroquevillée, respiration coupée, lorsque j'ai entendu la notification sur mon téléphone. J'ai tout laissé en plan et j'ai mis mes écouteurs.
Il rentrera dimanche soir. Il me l'a annoncé par note vocale.

- Je viens chez toi, il a déclaré sereinement.
- Mais ...
- Je veux rester confiner avec toi, il a dit.
- T'es sûr ? Le mieux c'est la distanciation sociale Erdem, j'ai bégayé en rougissant.
- Les couples restent ensemble.
- Pas tant que ça ... A part les couples mariés.
- Whatever.
- ...
- J'irai chez mes parents alors, il a rectifié gêné.
- Non mais si tu n'as pas peur pour ta santé, ok, viens chez moi. C'est juste que si on apprend dans dix jours que je l'ai t'es foutu.
- Tu sais j'ai moins peur du Corona que de ton tagine amère, il a raillé.
- Ok ça taille, on va voir tes talents de cuisinier.
- Les pâtes ça me connait.
- Je t'attends alors ...
- J'espère être chez toi pour minuit. Mon cousin VTC viendra me chercher.
- Il a une attestation ?
- Oui t'inquiète. Je t'enverrai un message dès que j'aurais atterri.
- T'as un masque ?
- Ouais t'inquiète, je suis équipé, bébé. Détends-toi.

Bébé ? Le premier. D'une longue liste si Dieu nous le permet. Émue j'ai parcouru mon salon du regard en déposant mon iPhone sur la table basse. Est-ce que je suis vraiment prête pour ça? Prête à vivre avec lui ? Avec un homme? Et si ce confinement durait un mois ou deux ?
Des tas de pensées ont envahi mon cerveau ; le bien, le mal, la chair, l'esprit, le cœur, le bide et l'envie.
Contradiction, peur, excitation et toujours cette envie, d'aller plus loin et d'aller mieux ensemble. J'ai très vite ressenti l'urgence de ses sentiments, c'est comme s'il m'avouait à demi-mots qu'il n'y avait que moi, alors que tout n'est que chaos, tristesse et désolation dans le monde entier, là où il veut être c'est chez moi, avec moi. C'est ça tomber amoureux, non ? Ai-je bien fait d'accepter ? N'est-ce pas prématuré ? Illicite ou un peu trop naïf ? c'est ma première fois. Ma première histoire qui sort du chemin tracé de la pudibonderie. Mon premier craquage. Ma première tentation. Ma première évasion. Et quelle évasion ; un journaliste, un Turc, un bel homme ... Ce n'est pas tous les jours qu'on a une seconde chance d'être libre quand on est une femme comme moi. Pour une fois, je suis la seule à décider ce qui est bon pour moi. C'est grisant et effrayant en même temps. J'aimerais presque que le regard réprobateur de mes frères m'empêche de respirer et m'arrache à ce frisson qui parcourt mon échine dès que j'entends la voix d'Erdem.
C'est un peu lâche de vouloir qu'on nous mette des limites. Pourquoi ne pas se les imposer à soi-même ? C'est plus noble, plus sincère et plus digne d'une femme du 21ème siècle. Je pensais à l'ancienne qu'on le ferait quand je serai sienne.
Puis il y a eu ces baisers et ma vision des choses qui a changé.
Pourquoi fuir l'inévitable ? J'ai essayé d'en faire la conclusion de ma première histoire et ça ne m'a pas réussi. Pourquoi ne pas l'intégrer à l'apprentissage ? Pourquoi les femmes y perdraient au change ? N'est-ce pas l'une des plus grosses hypocrisies humaines? Je ne sais pas. Chacune sait mieux ce qui lui convient. Je suis grande maintenant et je ne veux pas être seule. En revoilà une, une peur, celle d'être seule et pas aimée.
On attrape pas les abeilles avec du vinaigre dit le proverbe.
Je recommence à penser comme une bolosse qui quémande une présence masculine.
Terrible gamberge de chromosomes XX.
A moi de faire les choses en respectant mes convictions et mes besoins.
A moi de respirer, toute seule, sans assistance.
A moi de vivre.

Ce que femme veutWhere stories live. Discover now