Ce que femme veut - Part 23 -Limonade

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J'ai plus l'âge de me coucher à 4 heures du matin! J'ai passé un dimanche d'après soirée de grosse feignasse. Entre sieste et Netflix, thé à la menthe puis grosse envie de cordon bleu et de frites huileuses, j'ai oscillé.
La vieillesse s'insinue tout doucement dans mon corps et reprendre le sport et une alimentation plus saine ne seraient pas de mauvaises résolutions.
Entre deux crocs dans des cookies au chocolat, j'y ai pensé sincèrement.
Ma très chère Karima m'a téléphoné vers 15 heures, elle voulait un retour sur cette immersion dans une famille turque. J'ai été franche :
- Ils m'ont bien accueillie.
- Et genre avec sa sœur ça va mieux ?
- Ouais c'est une fausse méchante. Elle est juste froide quand elle ne connait pas trop quelqu'un.
- Et entre Erdem et toi il y a eu de l'évolution ou tu le considères toujours comme un ami ?
- Je dois reconnaître qu'il m'a super bien traitée et que c'est agréable de passer du temps avec lui ... mais je ne sais pas, quelque chose me bloque, meuf !
- La peur de débuter une nouvelle relation alors que t'es divorcée depuis moins d'un an ?
- Oui déjà. Puis le fait qu'il soit si « parfait » dans son comportement avec moi je trouve ça louche.
- Alors quand ils font les chiens comme ton ex, tu n'y vois que du feu et quand ils sont normaux comme Erdem, ça cache quelque chose ? Paie ta logique.
- ...
- Moi je te conseillerai de tenter, une bonne fois pour toute, et si un truc te déplait, tu le jettes. T'es plus mariée Inès. Il n'y aura pas d'avocat, de divorce, de réunion de famille, c'est entre vous deux, avant tout. Tu te mets trop de pression, meuf.
- Je sais ... Puis je pense que si je ne tente pas avec lui, d'autres saisiront leur chance. Un groupe de meufs lorgnait sur lui sans pression. Lara les surnomme les Pussy Cat Dolls, s'il te plait!

On a un peu joué les langues de vipères sur ces femmes qu'on trouve dans tous les mariages et qui viennent soulever des témoins ou des frères des époux puis avant de raccrocher Karima m'a rassuré sur son état, sa bronchite commence à guérir.
Dans le fond de mon lit, j'ai regardé les photos qu'Erdem, Lara et moi avons prises. Karima a raison, ça vaudrait le coup de se lancer dans une petite histoire avec lui. Le seul truc qui me fait peur c'est qu'il me la fasse à l'envers, comme Yanis. Mon cœur est fragile. Je ne peux pas tolérer une nouvelle trahison. Je veux du sûr, du tout cuit, du gagné. On est restés plus d'une heure à discuter dans sa voiture, Erdem a été franc, il m'a à nouveau confié que cette amitié n'était qu'un pis-aller.
- Je ne vais pas te forcer la main. Si tu ne veux pas, tu ne veux pas, mais il faut cesser d'être hypocrite. Je ne te veux pas comme amie. Et j'aimerais qu'il en soit pareil de ton côté. Je sais que tu viens de divorcer, je respecte mais on n'a plus 20 ans, il faut aussi penser à l'avenir.
J'ai trouvé cette démarche courageuse parce que je n'arrête pas de lui donner puis de lui reprendre. Seulement c'est compliqué pour moi de me lâcher et de laisser les choses se faire. Je crois que je suis atteinte du syndrome post-traumatique. Souvent les personnes qui ont subi un choc : attentat, viol, agression, deuil soudain, accident ou rupture inattendue se retrouvent avec ce syndrome. Une peur presque panique de revivre la même situation. Mon cœur est attendri par Erdem mais dans mon cerveau, il y a des signaux d'alerte : c'est un homme, il peut m'humilier, à nouveau ...
Pour nous aider à avancer, on a conclu qu'il fallait qu'on essaie mais sans me mettre aucune pression. Du coup, mercredi soir, on a un date. Un date officiel. On va dîner tous les deux et peut-être qu'à la fin du repas on s'embrassera et tout.
Enfin dans le "et tout" il n'y a rien d'autre.
Je suis toute excitée et en flippe total, en même temps. Après ma troisième sieste de la journée, en me connectant sur facebook j'ai aperçu Yanis et sa Marocaine. Ils sont à Nice et elle ne va pas tarder à accoucher.
Ça m'a mis un putain de coup au moral.
Il faut que j'avance. Mon connard d'ex le fait bien lui ...
Ma mère chiale tous les deux jours au téléphone en me demandant si je ne veux pas avoir d'enfant et si je veux finir seule. A ses yeux si je ne retrouve pas quelqu'un cette année et que je ne me fais pas engrosser, je suis bonne pour la casse.
Elle force. Mais ses pressions lacrymales commencent à me travailler. Pas simple de remonter en selle après une telle chute mais il va falloir. Destin de femme d'origine immigrée.
Je m'accroche, nouvelle année, nouvelle décennie, je peux y arriver, je peux être heureuse. Et comme dit Queen Be : Quand la vie te donne des citrons, fais-en de la limonade.

*

On s'est eu au téléphone tous les jours. Erdem, cette sangsue, il voulait être sûr que je ne lui mette aucun faux plan. C'est mon nouveau surnom : miss faux plan. Pourtant je suis bel et bien là. Pas maquillée mais assez classe et surtout détendue.
J'ai un peu chaud dans ce pull col roulé blanc. Plus je mange et plus je sue mais je continue à manger. C'est bon. J'aime bien les raclettes. Celle-ci est hallal. Évidemment. C'est Erdem a bien choisi le lieu, je me suis laissée guider car je ne connais toujours que très mal Paris et sa banlieue. Les bonnes adresses ce n'est pas mon truc. On se trouve dans une ville du 92. Gennevilliers je crois.
Le restaurant n'est pas très grand mais bondé, la déco savoyarde se mêle au patriotisme Algérien. Un drapeau se balade entre deux meules de fromage. On ne se refait pas. Les clients font tinter leurs couverts, je ne regarde pas autour de moi, bien plus concentrée par mon plat et la conversation.
Tout se passe bien depuis plusieurs minutes. Hormis ma température corporelle qui augmente, life is good.
Tandis qu'on se blinde de fromage chaud en évoquant les abayas de Dubaï que sa sœur a reçu en cadeau, j'aperçois l'écran de son iPhone. Il a du recevoir une dizaine de notifications depuis qu'on est attablés.

- Tu ne réponds pas, je demande intriguée.
- Non, je dine avec miss faux plan, c'est plus important.
- Ça ne me dérange pas. Réponds si tu veux.
- Non ça va, il fait en me servant un verre d'eau.

Détendus on continue à discuter en mangeant pendant quelques minutes quand j'aperçois une des Pussy Cat se diriger fièrement vers nous. Erdem lève ses sourcils, étonné. Juchée sur des talons hauts, l'une des meufs refaites qui était au mariage de Lara samedi dernier nous adresse un large sourire.
Erdem qui porte un pull à capuche tire sur l'un des fils l'air stressé. J'ai encore plus chaud que tout à l'heure.
La Pussy Cat nous dévisage un instant puis claque la bise à Erdem et me salue avec hypocrisie.
Je me souviens très bien d'elle. Charismatique et bronzée en janvier, comment aurais-je pu l'oublier ? Fidan. Elle s'appelle Fidan. Forcément, c'est la plus belle du groupe. Sinon ce ne serait pas marrant. Je l'avais déjà observé avec ses airs de Nicole ventre plus plat qu'un mur et ongles manucurés longs qui vont jusqu'à Villiers-le-bel.

- Tu vas bien ?
- Ouais et toi ? lui demande Erdem en me regardant.
- Ben ouais, je vous ai vu arriver, je t'ai envoyé des whatsapp mais comme t'as pas répondu, je me suis déplacée, précise Fidan en arrangeant l'anse de son sac Chanel.
- Fallait pas, réponds sèchement Erdem.
- Je ne vais pas vous déranger plus longtemps... Belle soirée!
Aussitôt, elle tourne les talons. Deux meufs du même style qu'elle l'attendent devant la porte. Erdem, mal à l'aise replonge les yeux dans son plat, je souris en lui demandant si c'est l'une de ses cousines proches. J'ai bon espoir que la mère de Fidan soit sa tante.
Pourvu que la mère de Fidan soit sa tante !
- Non, c'est ... une ex. Enfin, c'est mon ex.
Le « mon » me gêne bien plus que le mot ex. On a tous un ex mais le « mon » suggère qu'elle est la seule et qu'elle a beaucoup compté. Intérieurement je panique. Il doit le sentir car il poursuit.
- Oui, je devais me marier il y a deux ans, avec elle. Et ça ne s'est pas fait. Elle s'est mariée avec un autre, ça a duré 8 mois et elle a divorcé. Depuis ... Elle revient parfois mais nos familles sont justes proches, nos pères sont amis. Il n'y a vraiment plus rien. Je la croise de temps en temps mais c'est tout. J'avais oublié qu'elle était de cette ville. Enfin bref.
- Elle est plus âgée que toi, non ? j'ose demander.
- Ouais de 2 ans.
Je lui demanderai bien pourquoi elle a préféré en épouser un autre que lui mais je le sens un peu fermé. Lui d'habitude si bavard a l'air de ne pas vouloir repenser à ce passé, récent. Je n'insiste pas mais ça ne me rassure pas, cette histoire.
Fidan lui a envoyé des messages whatsapp auxquels il n'a pas répondu ...
Comment se sentir rassurée dans une telle situation ? Je ne parle même pas du fait qu'elle soit belle, stylée et qu'elle ait déjà goûté à ses lèvres !
On finit le repas dans un silence plombant. Je sens que tous les démons du manque de confiance en soi reviennent squatter ma poitrine. Erdem, tactile, passe une main dans mes cheveux, lissés pour l'occasion, pour me signifier que tout est cool mais bordel de merde, rien n'est cool ! J'étais bien dans mon corps, bien dans ma peau, je croyais en ce premier date officiel, au baiser qui s'en suivrait, mais non seulement j'ai bouffé trop de fromage, du bleu pour être précise et l'ex superbe de Monsieur a fait une petite apparition. C'est foutu !
Dans sa voiture, je m'efforce de ne rien laisser transparaitre. On parle de la pluie et du beau temps. On rit parfois.

Quand la vie te donne des citrons, fais-en de la limonade. Je me répète. C'est un peu acide parfois tout de même ...

Ce que femme veutWhere stories live. Discover now