Chapitre 24 : En désaccord

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Et ce qui devait arriver arriva. Dès lundi matin, tout le lycée semble au courant de l'incident qui s'est produit sur le parking du motel. Pas la fausse version que Matt a servie à la Coach Ramos, mais la vérité. Tout à coup, c'est comme si un immense projecteur était de nouveau braqué sur moi. Mon temps loin des murmures et des ricanements n'aura pas duré longtemps. Peu importe si je n'ai pas mis de coup de poing à qui que ce soit. Tout le monde sait parfaitement pourquoi elle a eu lieu. Moi.

Mais si, tu sais ! Oliver Trevino, le mec gay. C'est à cause de lui que Matt s'est fait tabasser. Voilà ce que j'ai entendu quand je me rendais à mon cours de maths. Heureusement que les descriptions de l'album de promo ne sont pas écrites par les autres. Sinon, en-dessous de ma photo, on pourrait lire : Homosexuel et instigateur de bagarre. Quand ce genre d'information se diffuse, les gens ont toujours tendance à exagérer. Et bizarrement, ce sont les personnes qui n'ont pas assisté à la scène qui se permettent de donner le plus de détails. Allez comprendre.

Il y a tout de même quelque chose qui n'est pas comme la dernière fois. Je ne ressens aucune honte face aux regards de mes camarades. Cette fois, je suis énervé. Bien que ça me désole, je dois admettre qu'une partie de cette colère est consacrée à Flynn. Nous n'avons presque pas parlé depuis l'incident, et je ne sais toujours pas quoi lui dire. Mais je vais devoir trouver rapidement car je suis en chemin pour le retrouver. Nous avions planifié une séance de révisions en chimie avant toute cette histoire et je n'ai pas eu le cœur d'annuler.

Je ne sais pas à quoi m'attendre en poussant la double porte de la bibliothèque, mais quand il faut y aller...

Flynn est assis à une des tables du fond, à l'écart du reste des élèves. Je me demande depuis combien de temps il est là. D'habitude, la ponctualité n'est pas son point fort. Il admire ses cours avec insistance, mais je peux voir qu'il n'est pas vraiment concentré sur sa tâche. Il joue nerveusement avec ses mains et il se gratte l'arrière de la tête, ce qui signifie qu'il est nerveux à l'idée de me voir. Je suis dans le même état.

Je me fraye un chemin jusqu'à la table, et Flynn se lève d'un coup lorsqu'il me voit. Il y a de l'appréhension et de la gêne dans ses yeux.

— Salut, dit-il timidement. Je suis content de te voir.

— Moi aussi.

Malgré ce qui s'est passé, c'est la vérité. Dès que je ne le vois pas pendant plus d'une journée, Flynn me manque terriblement. Nous nous installons en silence. Je sors mes cours et mon manuel de chimie pour nos révisions, et je les place tant bien que mal parmi le désordre de Flynn. Tout du long, je sens son regard sur moi. Je n'ai pas besoin de me tourner vers lui pour savoir qu'il cherche ses mots.

— Je suis vraiment désolé pour l'autre jour, finit-il par dire à vive allure. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Enfin si, je le sais. Je n'ai pas supporté qu'il dise ce genre de choses sur toi. Je me retenais depuis le moment où j'ai appris qu'il était derrière le post, mais là... J'ai craqué. Il est allé trop loin et il fallait que quelqu'un le remette à sa place.

— Je comprends parfaitement pourquoi tu l'as fait, Flynn... Mais c'était mal. Je vous avais dit que je ne voulais pas aggraver les choses. Tu n'étais pas d'accord, mais j'aurais préféré que tu respectes ma décision. Et tu aurais très bien pu utiliser des mots pour lui dire ce que tu pensais de son comportement. Tu sais que je déteste la violence...

— Oui, mais c'est la seule chose qu'il comprend. Si j'avais essayé d'argumenter avec lui, il n'aurait fait que continuer.

— Et tu crois sérieusement qu'il est devenu moins con quand ton poing a rencontré sa mâchoire ? La violence ne résout rien du tout, elle envenime la situation.

— Au moins, il va te laisser tranquille à partir de maintenant.

Les mots qui sortent de la bouche de Flynn me laissent penser qu'il serait prêt à refaire la même chose s'il était possible de remonter le temps. Je dois arborer un regard désapprobateur puisqu'il se met soudain à fixer ses chaussures.

— Je suis désolé, Oliver, répète-t-il.

— Désolé d'avoir fait ce que tu as fait, ou désolé parce que je suis en colère ?

— Je préfère ne pas répondre à ça.

— Pourtant, tu viens de le faire...

J'élève progressivement la voix sans le vouloir, car mon agacement ne fait que s'accroître. Je jette un coup d'œil autour de nous pour s'assurer que personne ne peut nous entendre. Étant donné que les étudiants de Longdale High ont l'air en manque de passe-temps, on n'est jamais trop prudents. Mais le peu de personnes qui sont dans la pièce sont absorbées par leur travail.

— Ce n'est pas juste, dit Flynn en croisant les bras. Tu ne devrais pas m'en vouloir si tu sais que mes intentions étaient bonnes. Danny était à deux doigts de frapper Matt, lui aussi, et...

— Ça n'a pas d'importance ! Danny n'est pas mon... Enfin, il n'a rien fait. Ce n'est pas à cause de lui que tout le monde recommence à parler de moi dans mon dos.

J'ai bien failli dire le mot composé qui rime avec pastrami. Je suis vraiment un idiot. Une dispute n'est pas du tout propice à coller des étiquettes sur notre relation. Vu la façon dont Flynn a cligné des yeux, il semble avoir entendu ma presque-gaffe. Cependant, il ne la relève pas.

— Je ne peux pas revenir en arrière, dit-il à la place. Tout ce que je peux faire, c'est continuer de m'excuser auprès toi. La dernière chose que je voulais, c'est te blesser. Je... Ça n'arrivera plus jamais. Je te le promets.

L'amertume est loin de s'être dissipée, mais je décide de prendre sur moi. Je sais que Flynn ne pensait pas à mal. Si les rôles étaient inversés, j'aurais peut-être réagi de la même manière. J'aimerais croire que non, mais je ne peux pas en être certain. Ce doute est suffisant pour l'instant. Je hoche faiblement la tête avant d'attraper le manuel de chimie le plus proche.

— On va commencer par le chapitre sur la stéréoisomérie, dis-je en cherchant la bonne page.

L'air abattu, Flynn ouvre l'autre manuel. Nous ne faisons que parler de chimie jusqu'à la fin de la séance de révisions. Tous les autres sujets de discussion devront attendre que chacun de nous ait pris le temps de réfléchir à tête reposée. J'en ai besoin pour former des pensées claires et raisonnables.

Demain est un autre jour. Et j'espère sincèrement que tout ira mieux.

Oliver et le mythe du Prince CharmantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant