Oliver et le mythe du Prince Charmant

Chapitre 17 : Playlist

Une journée à ne rien faire sur le canapé est exactement ce dont j'ai besoin après toutes les péripéties de la veille. J'ai lancé un épisode d'Orphan Black que j'ai déjà vu au moins trois fois, car c'est une valeur sûre. Banjo est allongé sur mes jambes, le regard tourné vers la télé, comme s'il regardait la série avec moi. Je quitte l'écran des yeux par intermittence afin de répondre aux messages de Flynn. Nous discutons comme on le faisait sur Instagram, mais c'est mille fois mieux maintenant. Je suis quasiment sûr que je fais un sourire niais à la lecture de chaque message. Heureusement que personne n'est là pour me voir, à part Banjo. Au moins, je suis sûr qu'il ne fera pas de remarque.

Ma mère, Darren et Jenna sont dans la salle à manger, en train de peser le pour et le contre des nappes blanches. Plus le mariage approche, plus les décisions qu'ils doivent prendre deviennent ridicules. Et pourtant, ils donnent l'impression d'être en train de débattre à propos du climat politique dans notre pays. J'espère ne pas devenir aussi fou le jour où je déciderai de me marier. Si c'est le cas, je compte sur Nora pour me faire redescendre sur terre avec une paire de claques.

Sara débarque dans le salon sans que je l'entende approcher. Elle s'assoit à côté de nous sur le canapé et reste silencieuse pendant une longue minute. Elle fait toujours ça avant de me demander quelque chose. Cette petite arnaqueuse doit se dire que l'effet de surprise augmente ses chances.

— Je peux mettre ma série ici ? demande-t-elle, me donnant raison.

— Tu vois bien que je suis en train de regarder quelque chose, non ?

— Tu l'as déjà vue, c'est bon. Sois sympa avec ta petite sœur chérie.

— Pour quoi faire ? C'est ton anniversaire ? De toute manière, Peppa Pig ne mérite pas le grand écran, alors va regarder ça ailleurs.

Sara vide tout l'air de ses poumons en un seul soupir. On dit que j'ai tendance à dramatiser les choses, mais je suis un petit joueur à côté de ma sœur. C'est elle la reine du drame.

— Je ne suis plus une enfant, Oliver ! dit-elle. Je suis en chemin vers ma vie de jeune adolescente. Par conséquent, j'aimerais être un peu plus respectée dans cette maison. J'ai une voix, moi aussi, et je veux être entendue.

— Tu as raison, c'est important d'être entendu. Du coup, va parler de tes revendications à maman, comme ça je peux regarder ma série tranquillement.

— Je te déteste.

— Quoi ? J'essaye de t'aider dans ton combat de jeune adolescente, moi...

Sara part du salon, marmonnant qu'elle aurait préféré être fille unique, quand ma mère nous appelle depuis la pièce adjacente.

— Les enfants, ça va être l'heure de l'appel vidéo avec votre père, dit-elle.

Banjo bondit comme s'il comprenait ce qui se passe et je fais de même. J'ai hâte de pouvoir parler à mon père. Avant de partir, je mets mon épisode sur pause et je glisse la télécommande dans ma poche pour être sûr que Sara ne vienne pas la voler.

Tous réunis autour de l'ordinateur familial, nous attendons que le visage de mon père remplisse l'écran. Ce dernier arbore le plus grand des sourires en nous voyant. Il nous dit immédiatement que tout va bien de son côté, car il sait qu'on a tous besoin de l'entendre.

Chacun notre tour, nous lui racontons les dernières nouvelles de nos vies. Darren et sa fiancée commencent, et évidemment, ils parlent de leur mariage. Ils n'ont pas encore prévu de faire des enfants, mais je sais déjà qu'ils vont être le genre de parents qui ne font que de parler des exploits de leur progéniture. Vous savez, il a mangé un quart du petit pot pommes de terre/poireaux, c'est un peu plus que la dernière fois. Sara parle des événements récents dans son groupe d'amies. Si j'entends encore une fois parler de la brosse à cheveux disparue de Rachel D. ou du nouveau sac de Rachel S., je vais sauter par la fenêtre. Certes, nous sommes au rez-de-chaussée, mais c'est le geste qui compte.