Chapitre 12 : Le pire ami qui soit

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C'est officiel : je suis l'idiot du village. Je dois vraiment apprendre à réfléchir avant d'ouvrir ma grande bouche. Pourquoi ai-je immédiatement supposé que Nora parlait de Danny ? Parce que mon cerveau fait face à une distraction majeure. Une distraction qui s'appelle Isak. Je ne voulais pas l'admettre, mais mes sentiments vis-à-vis sont peut-être plus forts que ce que je ne pensais. C'est bien ma veine. Je me lance à la recherche d'une histoire d'amour parfaite et je m'entiche d'un parfait inconnu. Et un inconnu qui ne ressent probablement pas la même chose à mon égard. Il y a de quoi écrire une comédie musicale avec tout ça. Les aventures d'Oliver : un imbécile et un ami pitoyable. Broadway, me voilà !

J'ai essayé de trouver Flynn et Danny pour les prévenir, mais il s'avère que la maison de Matt Robinson est un véritable labyrinthe. J'ai tourné en rond pendant une demi-heure sans même m'en rendre compte. À ma décharge, certaines pièces existent en double, voire en triple, ici. Ne me demandez pas pourquoi quelqu'un aurait besoin de trois salles à manger, je n'en ai pas la moindre idée.

Je finis par abandonner les recherches pour me morfondre dans un coin. Un garçon que je n'ai jamais vu auparavant vient s'installer à côté de moi. Et quand je dis "s'installer", je veux plutôt dire qu'il s'écroule la tête la première sur le canapé. Il a bien profité de l'alcool gratuit, visiblement.

Je suis persuadé qu'il s'est endormi, jusqu'à ce qu'il commence à marmonner quelque chose. Je ne comprends absolument rien, mais je suis sûr qu'il y a une réflexion philosophique dans tout ce charabia.

—    Ouais, je vois totalement ce que tu veux dire, dis-je. C'est un gros problème de nos jours.

Cette fois, j'ai le droit à une espèce de grognement. Il n'a pas l'air d'accord avec ma réponse. Génial, maintenant j'offense même les inconnus complètement ivres. Ce n'est vraiment pas ma soirée. Et ça ne va pas aller en s'arrangeant. Je vois Flynn entrer dans la pièce par la porte la plus proche. Lorsqu'il me repère, il pousse un soupir de soulagement et il fonce vers moi.

—    Enfin ! dit-il. Je te cherche partout depuis tout à l'heure.

—    Moi aussi je te cherchais partout.

Flynn tourne son regard vers mon nouvel ami l'ivrogne.

—    Et tu t'es arrêté parce que tu as cru que c'était moi ? demande-t-il en le pointant du doigt. Parce que la ressemblance n'est pas frappante. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais je suis noir.

—    Maintenant que tu le dis, c'est vrai que ça saute aux yeux, rétorqué-je.

L'espace d'un instant, Flynn s'autorise à rire. Mais son expression change rapidement. Il vient de se souvenir pourquoi il me cherchait.

—    On a un problème, dit-il. Danny a beaucoup trop bu. Il tient à peine debout.

—    Ça fait deux problèmes, alors. Nora sait que Danny a des sentiments pour elle.

—    Quoi ? Comment l'a-t-elle su ?

—    J'ai... Je lui ai tout dit sans faire exprès.

Les yeux de Flynn s'écarquillent.

—    Oliver ! s'exclame-t-il.

—    Je sais, je sais ! J'ai merdé. Mais c'était un accident. Je ne voulais pas...

—    Ce problème-là devra attendre. Il faut qu'on sorte Danny d'ici. Le meilleur moyen d'éviter une autre catastrophe, c'est de l'envoyer se coucher. On dort chez toi ce soir, pas vrai ?

Je hoche la tête pour confirmer. Flynn me fait signe de le suivre. Il a raison, la priorité est de s'assurer que Danny ne fasse pas de bêtise sous l'effet de l'alcool. Nous parvenons à slalomer parmi les autres invités pour rejoindre l'une des salles à manger de la maison. Danny est appuyé contre un mur, en train de raconter une histoire sans queue ni tête à ses coéquipiers d'athlétisme. Une fois qu'il a terminé, il éclate de rire. Les autres échangent des regards pour vérifier que personne n'a compris ce qu'il y avait de drôle.

Quand Matt me voit du coin de l'œil, son regard reste fixé sur moi durant de longues secondes. Puis il se met à chuchoter quelque chose à l'oreille du garçon roux assis sur la chaise d'à côté. Ce moment est si étrange que j'en viens à me demander si j'ai tout imaginé.

Flynn pose sa main sur l'épaule de Danny, à la fois pour attirer son attention et pour l'empêcher de tomber.

—    Hé, Danny, dit-il. C'est l'heure de rentrer. Ça va te faire du bien de dormir, d'accord ?

—    Flynnounet ! s'exclame Danny en guise de réponse. Je suis trop content de te voir. Comment ça va, depuis le temps ? T'as fait quelque chose à tes cheveux, non ?

—    Non, je ne suis pas allé chez le coiffeur au cours des dix dernières minutes.

—    Comment tu fais pour être si drôle ? Tu sais, je ne le dis pas souvent, mais je t'aime très, très fort. T'es mon poto. Mon gars sûr.

—    Euh, merci. Toi aussi.

Danny lui fait un grand sourire, puis il semble se souvenir de quelque chose.

—    Oh, dit-il, est-ce que je t'ai déjà raconté la fois où j'ai coincé ma main dans un pot de mayonnaise ?

—    Non, répond Flynn, mais tu vas pouvoir le faire dans la voiture. Je t'écouterai attentivement, c'est promis. Allez, on y va !

Il passe ensuite le bras droit de Danny par-dessus ses épaules. Je fais de même avec le bras gauche. Danny me regarde comme si je venais de débarquer.

—    T'es là, toi aussi ? demande-t-il. C'est super ! On va pouvoir danser. Et c'est parti !

Soudainement, il se met à gigoter comme s'il recevait des impulsions électriques. Je croise le regard de Flynn et je vois qu'il pense la même chose que moi. Le trajet jusqu'à la voiture va être long.

Danny continue de raconter n'importe quoi sans interruption tandis que les invités s'écartent sur notre chemin de peur de se faire vomir dessus. Heureusement pour nous, Nora est déjà à côté de sa voiture, en train de nous attendre. Elle n'a pas l'air énervée, ce qui est une bonne chose. Enfin, elle ne l'était pas. En voyant l'état dans lequel Danny s'est mis, elle se transforme en maman prête à passer un savon à sa progéniture.

—    Je m'absente une heure et voilà le résultat ? demande-t-elle, indignée.

—    Nora, j'ai un truc à te dire ! s'écrie Danny.

Flynn et moi plaçons instinctivement une main sur la bouche de Danny.

—    Il vaut mieux ne plus rien dire pour aujourd'hui, dit Flynn. Ça attendra demain.

Danny ne fait déjà plus attention à ce qu'on lui dit. Ses paupières se ferment de plus en plus.

—    Oliver, me dit Flynn, on va le mettre sur la banquette arrière et il faut un peu ouvrir la fenêtre. L'air frais lui fera du bien.

—    À vos ordres, Flynnounet.

—    Oh, la ferme.


Une fois que Danny est bien installé à l'arrière de la voiture, tout le monde s'installe aux mêmes places qu'à l'allée. Je tourne la tête vers Nora lorsqu'elle démarre le moteur.

—    Je suis vraiment désolé pour tout à l'heure, lui dis-je.

—    Ne t'en fais pas, je ne suis pas en colère. J'étais seulement... surprise. J'imagine que je vais devoir avoir une conversation sérieuse avec lui quand il aura dessoûlé.

D'après le ton qu'elle emploie, j'arrive à deviner que les sentiments de Danny ne sont pas réciproques. Je me sens encore plus coupable de ne pas avoir su tenir ma langue, maintenant. Pauvre Danny.

—    Si tu veux, offre Nora, je peux éviter de mentionner ce que tu m'as dit. Je peux dire que j'ai deviné par moi-même ou que...

—    Non, pas besoin, assuré-je. Il faut que j'assume mon erreur et que je lui présente des excuses.

Nora hoche la tête en guise de réponse. Je croise le regard de Flynn dans le rétroviseur et il m'offre un sourire d'encouragement. Et Danny... Eh bien, il est en train de ronfler derrière moi.

Demain risque d'être une journée mouvementée. Mais pour l'instant, nous nous dirigeons vers chez moi, prêts à suivre l'exemple de Danny et tomber dans les bras de Morphée.

Oliver et le mythe du Prince CharmantWhere stories live. Discover now