Oliver et le mythe du Prince Charmant

Chapitre 20 : Le moment ou jamais

Je suis constamment de bonne humeur en ce moment. Un sourire niais par-ci, beaucoup trop d'optimisme par-là. Si je n'étais pas moi, je me serais déjà mis une paire de claques. Le responsable de cette situation n'est pas difficile à trouver. Il est beau, il dessine extrêmement bien et il a le même prénom qu'un personnage du dessin animé Raiponce.

Je dois avouer que ce n'est pas facile de garder le secret de notre... peu importe ce qu'on est tous les deux. J'ai l'impression d'être à deux doigts de faire une gaffe à longueur de journée. Mais les moments que je partage avec Flynn en valent largement la peine.

Lorsque nous sommes au lycée, pleins de regards furtifs s'échangent. Dès que l'occasion se présente, nous faisons en sorte de rétrécir la distance entre nous. Oups, nos mains se sont effleurées... quelle erreur malencontreuse ! Quand je suis seul avec Nora ou Danny, je ne réponds pas à mes messages. Si Darren a été capable de voir que je craquais pour quelqu'un avant même que j'en sois conscient, cela signifie que je dois faire encore plus attention avec mes meilleurs amis. Ce sont les personnes qui me connaissent le mieux, après tout.

Au supermarché, je regarde toujours par-dessus mon épaule pour voir Flynn en pleine concentration. Il est adorable quand il prend un air tout sérieux avec les clients. Je sais qu'il fait la même chose quand j'ai le dos tourné. Et quand il n'y a aucun client à nos caisses, nous faisons pivoter nos chaises pour nous faire face.

— La femme au chignon, me dit Flynn. Rayon produits laitiers.

J'observe la cible qu'il a choisie, prêt à lui inventer une bonne histoire. Elle porte un haut jaune fluo et un legging gris. Ses cheveux sont maintenus en arrière par des baguettes en bois. Elle a l'air complètement déroutée par le grand choix de produits qu'elle a sous les yeux. C'est bon, je tiens quelque chose.

— Elle s'appelle Mildred, dis-je. Elle a tout plaqué pour se lancer dans une carrière d'artiste peintre à plein temps. Elle fait aussi quelques sculptures de temps en temps, mais c'est juste pour le plaisir. Là, elle revient de son cours d'aérobic avec le beau Diego. Elle veut s'acheter un petit encas de fin d'après-midi, mais elle hésite entre un fromage blanc nature et un petit yaourt brassé à la vanille. Le choix est difficile.

— Tu vas aussi m'inventer la marque de sa voiture et son numéro de sécurité sociale ? rétorque Flynn en essayant de ne pas rire trop fort.

— J'essayerai avec la prochaine personne. À ton tour de jouer. Le garçon avec le sweat à capuche dans l'allée des surgelés.

Je laisse Flynn réfléchir durant quelques instants. Il se tourne vers moi et s'éclaircit la gorge.

— Il est étudiant à la fac, dit-il. Deuxième année de médecine. Il passe beaucoup de temps avec ses cours, ce qui explique pourquoi il prend autant de plaisir à choisir une poêlée de légumes. Mais attention, retournement de situation : il a une double vie que personne ne connaît. Le soir, il devient "Billy la Tornade", un strip-teaseur que tout le monde s'arrache. Surtout pour les enterrements de vie de jeune fille. Il a commencé par nécessité, pour payer ses études, mais maintenant, ce boulot secret est devenu une passion.

— Comment es-tu passé de poêlée de légumes à strip-tease dans ta tête ? Et pourquoi "Billy la Tornade" ?

— Ça ne se fait pas de demander à un artiste où il puise son inspiration.

Moins de cinq minutes plus tard, les deux personnes que nous avions choisies pour le jeu ont fini leurs courses. Et je ne sais pas qui s'est amusé à faire de la sorcellerie, mais... Croyez-le ou non, la femme au chignon vient à ma caisse, et le garçon au sweat à capuche passe à celle de Flynn. C'est la toute première fois que ça nous arrive. J'ose à peine bouger la tête, de peur de croiser le regard de Flynn et de partir en fou rire.