Chapitre 13 : Eveil

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Image source : https://twitter.com/lilac_knight/status/1234202948340678657/photo/1

Je sens un tissu contre ma joue, la chaleur d'une main contre mon bras. La pression d'un pouce contre mes doigts. Est-ce un rêve ? Un souvenir ? Je ne me rappelle pas à quel moment de ma vie cela fait référence. Suis-je encore une petite fille dans les bras de mon père ? Le pouce insiste pour écarter mes doigts. Je résiste il y a dans ma main ce que j'ai de plus précieux. J'en suis certaine, je sens les reliefs d'une broderie dans ma paume. Je ne veux pas qu'on me le retire, c'est la seule chose qu'il me reste. J'ai pu l'emmener dans la mort je le garderais. Je sens que petit à petit l'intrus écarte mes doigts sans que je puisse les refermer. Je bouillonne, j'aimerais hurler de rage, pleurer de terreur. Qu'on me laisse ce mouchoir, je veux pouvoir continuer à le caresser dans mon sommeil, redessiner le contour de ce cerf cousu au fil d'or. Compter les extrémités des bois. Combien y en a t'il ? Huit, huit par cornes. Il est majestueux. Un autre de mes doigts est écarté. J'aimerais pouvoir au moins geindre, ma gorge est sèche et dure, ma langue rigide. Mes yeux sont scellés, je ne peux pas bouger, aucun muscle, et chacun de mes doigts écartés est comme un déchirement. Je sens clairement deux doigts pincer le tissu du mouchoir dans ma paume. Qu'on ne me l'enlève pas ! Il était à Claude, je vous en supplie laissez-moi emporter ça dans mon sommeil, dans ma mort ! S'il vous plaît je n'ai plus rien. Le tissu glisse de ma main, et je ne peux rien faire, incapable de serrer les doigts pour le retenir. J'ai l'impression que tout mon être se brise. Qu'on me tue à nouveau. Que je vais tomber en poussière. J'aimerais tellement que ça soit vrai, enfin disparaître, ne plus avoir de conscience rattaché à ce corps mort. Être libéré de cette enveloppe physique qui s'est transformée en pierre. Le vide que crée le mouchoir, c'est une brûlure froide dans ma main, un rappel au vide que je ressens, à ce que je suis devenue. Un cadavre.

- Oh, By. Pardonne-moi !

Une voix a résonné à mes oreilles et une flamme s'est allumée en moi. Je prends conscience que je ne suis plus dans mon cercueil de pierre, qu'il y a du tissu contre ma joue et une main qui me retient. Je connais cette voix, elle fait vibrer ma cage thoracique. C'est sa voix. La pression exercée sur mon bras augmente. Mon visage s'enfonce contre l'épais tissu et je sens dans mon cou ce qui doit être des cheveux, puis un visage s'y enfouir. Il est chaud, j'arrive à positionner ses yeux grâce aux cils qui papillonnent et font naître des sensations que j'avais oubliées. Des frissons imperceptible circulent au travers de ma peau de pierre. Je sens une goutte couler dans mon cou et rouler dans mon dos.

J'inspire.

J'inspire pour la première fois depuis une éternité. Il continue à me serrer, je n'arrive toujours pas à bouger. Mais la main, celle qu'il a mis tant de temps et d'effort à ouvrir je la replie doucement, agrippant un vêtement. Il se redresse brusquement, de sa main libre il saisit mon poignet. Je me concentre pour ne pas le lâcher. Non Claude ce n'est pas un accident, je suis réveillée, aide-moi. Si seulement je pouvais parler, ouvrir les yeux. J'aimerais voir son visage surpris. Mais le mien reste complètement fermé à toutes mes tentatives de mouvement.

- By ?

Je sais ma respiration à peine perceptible, mais s'il te plaît Claude regarde-moi respirer. J'ai besoin de ton aide.

Il me lâche le poignet et écarte mes cheveux. Il me prend le pouls. J'ai envie de le frapper, je n'ai pas de cœur, Claude ! Pas de cœur qui bat. Mais je respire, je respire pour toi. Je t'en prie aide-moi. Il me redresse et appuie son oreille sur ma poitrine.

- By ? S'il te plaît réveille-toi !

Je fais tout mon possible pour répondre à ses prières. Mais, mon corps est resté trop longtemps immobile, je suis comme un fossile.

Fire Emblem Three Houses : Byleth EisnerWhere stories live. Discover now