DISPARUS ( "The Hunt", TOME 1 ) | EN ACTUELLE RÉÉCRITURE

Chapitre 20

Non, je ne venais pas de rêver. Vous non plus.

Les empreintes d'Éric avaient été retrouvées sur le couteau. D'Éric. Éric Yeoman, cet ami en qui j'avais tant confiance, avec qui j'avais passé tant de bons moments... Il venait de me trahir, de me trahir au plus haut point.

Je ne ressentais plus rien. Ni la peur, ni la colère, ni la tristesse. À mon avis, je devais les ressentir d'une manière si intense que mon cerveau n'arrivait même plus à les capter, et à ordonner à mes muscles de faire le reste, de pleurer, de trembler, d'hurler... Cette révélation m'avait vidée de toute énergie, de toute émotion. Alors que tous les récents événements m'avaient tant mise en colère, cette fois, j'étais devenue plus insensible qu'autre chose.

Je n'en revenais pas qu'une telle information ait mis tant de temps à arriver aux oreilles des médias ! Le père d'Éric m'a expliqué que son fils avait pris la fuite quelques heures avant l'appel de la police, mais il ne s'en était pas rendu compte, habitué au grand silence régnant dans la chambre de son fils... Je n'avais même pas osé appeler mes amis pour prendre de leurs nouvelles, encore moins Kiara, qui enchaînait la mort de son petit ami et la trahison d'un de ses meilleurs amis...

Éric nous avait menti. Il m'avait menti. Il m'avait menti, pendant des semaines, et je n'y avais vu que du feu. Moi qui espérais changer les choses, apaiser les tensions dans mon groupe d'amis... Voilà qu'il faisait tout voler en éclats. Alors c'était lui, l'une des taupes du ravisseur des disparus ? Éric ? Impossible. Je veux dire, il nous aimait, il aimait sa famille, son lycée... Pourquoi aurait-il voulu être complice d'une atrocité pareille ? Pourquoi aurait-il voulu que Daniela et Matt meurent ?

J'osais encore moins imaginer ce qu'il avait pu faire pour la cause de ce tueur. Avait-il volé des choses ? Blessé des gens ? En avait-il même... tué ? Cette pensée me fit parcourir un frisson de peur dans le dos. Ce n'était pas digne du Éric que je connaissais, c'était évident. Mais est-ce que cet Éric-là était seulement toujours présent, au fond de lui-même ? Il avait dû se passer quelque chose, quelque chose de grave pour qu'il rejoigne la cause de ce tueur en série. Seulement, je ne vois pas comment est-ce qu'il aurait pu être blessé... Aurait-il été recruté après la mort de Matt ? Après que l'on se soit disputés, tous les deux ?

« Tout est de ta faute », songeai-je. Si je n'avais pas été aussi dure avec lui, peut-être qu'il n'aurait pas décidé de faire autant de mal à tous ces jeunes ? Ou alors sa décision était prise depuis longtemps, et je n'avais fait que confirmer son choix d'aider ce monstre...

Ma sœur était déjà partie en cours, mais moi, je ne me sentais pas d'y aller et d'avoir encore à confronter les remarques vicieuses de Samantha... Alors je suis restée chez moi, tandis que mes parents étaient eux aussi partis travailler. D'un regard nostalgique, je revoyais toutes les photos que j'avais prises d'Éric sur mon téléphone, les supprimant une à une pour bien me rendre compte qu'il n'était plus mon ami, qu'il n'avait plus à faire partie de ma vie. Il n'était rien d'autre qu'un monstre, tout comme celui qu'il avait aidé. Je devais l'oublier, l'oublier le plus vite possible... Seulement, ça avait été prouvé scientifiquement : oublier une personne qu'on aime fait partie des tâches les plus difficiles pour notre cerveau. Alors oublier Éric...

Non, je devais me souvenir de lui. De cette immense trahison, prouvant qu'on ne pouvait faire confiance à personne, en tout cas pas à cent pour cent. De notre si grande et belle amitié, qui s'était terminée juste à temps avant qu'elle ne devienne trop toxique... J'étais si triste, si déboussolée. Tout ce que je pouvais faire désormais, c'était d'attendre patiemment mon sort, une boîte de popcorn à la main et la télécommande dans l'autre. Sur le canapé, complètement affalée, c'est à peine si j'avais eu la force d'enfiler un jean et un t-shirt.