- Chapitre 4

219 14 6
                                    

J'étais tétanisée. Mon côté rationnel me disait que ce n'était que le reflet de quelque chose ; or, j'avais souvent arpenté ma chambre quand elle était très peu éclairée. Jamais je n'avais vu de reflet ressemblant autant à des yeux.

Ma poitrine me faisait mal tellement mon cœur battait vite. Je sentais qu'il pompait tout le sang dans mes veines, pour le recracher brusquement et désagréablement. Sans m'en rendre compte, je m'étais mise à trembler.

Il m'a fallu un effort considérable pour essayer de faire quelques pas en arrière, sans quitter des yeux le coin concerné par la zone de pénombre. C'était comme si le temps s'était figé derrière cette porte, et que la silhouette s'était figée elle aussi. Étais-ce un fantôme ou une véritable personne ? Étrangement, je préférais la version paranormale. Parce que la « normale », difficile de l'appeler ainsi était impossible à concevoir.

J'allais allumer la lumière. Il fallait me rendre à l'évidence : je ne pouvais pas rester des heures plantée là, à attendre que cette... chose passe à l'acte. Mon instinct me dictait que j'étais en danger, et malgré toute la bonne volonté que je mettais à lui faire croire le contraire, je n'y parvenais pas.

Mes doigts cherchaient à tâtons l'interrupteur. J'étais tordue, mon dos craquait sous cette posture inhabituelle. D'une main tremblante, je trouvai la surface de plastique, puis de mes mains moites, pressai le tout.

Lors d'un instant, j'ai retenu mon souffle. Au lieu de s'allumer, toute lumière a quitté mon champ de vision, et je ne voyais que des points multicolores me danser devant les yeux. Comment se faisait-il que l'effet inverse se soit produit ?

— M'man, pourquoi y'a plus de réseau ?

J'entendais ma sœur descendre les escaliers. J'avais été tellement obnubilée par cette récente rencontre que j'avais oublié les autres membres de ma famille. Ma première pensée a été de les mettre à l'abri, puis je me suis souvenue que j'étais celle le plus à risques en ce moment même.

— Il y a une coupure de courant, ma puce. Viens prendre ma lampe torche !

Une coupure de courant. Ça expliquait tout, et je n'en étais pas rassurée pour autant. Mon souffle s'est coupé, maintenant mon corps dans la même posture inconfortable. J'appuyais de toutes mes forces sur l'interrupteur, à un tel point que j'avais l'impression qu'il allait céder. Mais toujours aucune lumière.

Ma main est descendue sur la poignée de porte. Je la cherchais à toute vitesse, en raclant le bois vernis avec mes ongles. J'ai frissonné sous cette sensation désagréable, puis ai enfin trouvé la poignée de porte.

C'était ma chance. Haletante, je lâche enfin toute la terreur que j'avais contenue en moi et appuie sur la poignée, pour que le mécanisme me laisse sortir. Pour la première fois, je décroche mon regard des prunelles qui me fixaient toujours, et me tourne à m'en faire mal à la nuque.

Aussitôt sortie dans le noir, je referme la porte en claquant, et cours dans le couloir dévaler les escaliers. Je vivais dans cette maison depuis des années, j'en connaissais chaque recoin, chaque meuble et bout de tapis sur lequel il ne fallait pas s'accrocher. J'ai déboulé dans le salon comme une folle, en faisant sursauter ma sœur qui lâcha sa lampe. Un jet de lumière m'aveugla momentanément, et j'ai hurlé à l'idée que l'ombre m'ait suivi :

— Des yeux ! Là haut ! Il faut partir !

— Wow, calma ma sœur en ramassant sa lampe. T'as peur du noir, chochotte ?

— Je déconne pas.

— Langage !

— Sérieux, maman ! J'ai vu des yeux me fixer dans ma chambre, je voudrais bien qu'on aille voir mais j'ai peur qu'il nous fasse du mal, on doit sor...

DISPARUS ( "The Hunt", TOME 1 ) | EN ACTUELLE RÉÉCRITURE  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant