- Chapitre 6

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J'ai lâché le papier dans un spasme maladif, comme s'il me brûlait les doigts. Mirant Kiara dans les yeux, je n'ai rien trouvé de mieux à faire que de fermer les stores et verrouiller ma porte. Une fois ces tâches de faites, je me suis écroulée sur mon lit, aux aguets.

— Tu..., bredouilla Kiara. Tu penses que...

— C'est une lettre de son ravisseur ?

« Ravisseur ». Ce mot me rendait malade tant il était lointain, et était pourtant rentré dans ma vie en une fraction de secondes. Mon cœur palpitait comme un tambour infernal. Un goût acide me remontait le long de la gorge.

— Qu'est-ce qu'on doit faire ?

J'entendais à peine Kiara me parler, j'étais bien trop concentrée sur le fait de ne pas refluer mon petit-déjeuner. Oubliant comment agir, je décidai de rester paralysée sur le matelas. Chaque angle de ma chambre semblait se refermer sur moi-même à la manière d'une plante carnivore gobant une mouche. Impossible de me dépêtrer de cet enfer.

— Léa ?

— Ouais, pardon.

— Qu'est-ce qu'on fait ?

Ma tête me tournait. Jusqu'à maintenant, je n'avais jamais envisagé que l'auteur de l'enlèvement de Daniela me connaisse et sache où j'habite. Et apporte dans mon foyer une lettre tout en étant dissimulé grâce au froid...

— C'est peut-être un canular...?

La tentative de me rassurer de la part de Kiara fut vaine. Le souffle court, je saisis mon téléphone et pianote dessus à toute vitesse. Mon amie soupçonna :

— La police ?

— Non. Les autres. Je ne peux pas être la seule à avoir reçu cette lettre.

Les idées s'accrochaient et se décrochaient à toute vitesse dans mon cerveau en ébullition. Sans hésiter une seconde de plus, je cherche notre groupe Instagram au milieu de mes conversations ; facile à trouver, il était dans les premiers.

Quelques sonneries retentirent. Kiara s'assit à mes côtés pour m'aider à soutenir mon portable. En quelques secondes, j'avais l'impression qu'il venait de s'alourdir d'un kilo.

Garance fut la première à décrocher. Puis Matt. Et enfin, Éric.

— Oui ?

Les mots se sont bloqués dans ma gorge. Kiara a pris le relai :

— Code rouge. Tous chez Léa, on vous expliquera.

Elle raccrocha.

Le code rouge était quelque chose de sacré entre nous. La dernière fois qu'on l'avait utilisé, c'était parce que Kiara et Éric s'étaient disputé, très fort, jusqu'à en venir aux mains. Je ne me souvenais plus de la raison de leur conflit. Je me souvenais juste que je trouvais ça ridicule.

Et maintenant, tout me paraissait ridicule. J'avais peur pour ma vie. Celle de mes amis. Puis celle de Daniela. Qui ne serait apparemment que la première d'une longue série. Cette « chose » mentionnée dans la comptine était-elle la manière dont se voyait le ravisseur ? Inhumain ? Ou l'était-elle elle-même ?

La réaction de madame Gibson, encore fraîche dans ma mémoire me donnait froid dans le dos. Avait-elle prévu que l'agresseur me contacte ? Si oui, comment le savait-elle ?

Jamais encore un tel silence n'avait plané dans la maison. Mathilde n'était pas là, donc la voix d'Eminem non plus. Mon père était avec elle d'ailleurs, parti faire je-ne-sais-quoi au centre commercial... Quoi qu'il en soit, Kiara et moi n'avons pas échangé un mot du quart d'heure suivant. Nous n'osions même pas nous regarder, comme si nous avions honte. De quoi ?

DISPARUS ( "The Hunt", TOME 1 ) | EN ACTUELLE RÉÉCRITURE  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant