- Chapitre 7

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— Pas de conclusions hâtives, d'accord ?

Mes yeux se sont levés au ciel tous seuls. Depuis les deux jours qui s'étaient écoulés, la même histoire s'était répétée comme un disque rayé : la journée se passe banalement, puis coupure de courant à vingt heures trente et tout redevient à la normale jusqu'à ce qu'on apprenne qu'un autre jeune a disparu. Toujours dans cette ville, toujours entre treize et dix-huit ans. Jamais plus, jamais moins.

Ce sujet avait été source de débats avec ma famille, et ce depuis qu'ils avaient appris que je m'étais rendue au bureau du shérif « sans leur autorisation ». Maman « s'inquiétait sincèrement de ma santé mentale » et avait réussi par je-ne-sais-quel moyen à convaincre mon père de m'emmener voir un docteur spécialisé en psychiatrie. Selon eux, ma fixette sur Daniela était malsaine, et reflétait quelque chose d'autre de plus profondément enfoui.

J'étais d'accord sur le fait que depuis sa disparition, j'étais chamboulée. Mais je devais donner mon accord avant d'aller consulter un quelconque médecin, surtout dans ce domaine-là selon moi. Je n'avais rien à faire dans cette salle d'attente, encore moins avec mon père qui n'avait rien demandé dans toute cette histoire.

J'entrouvre la barre des notifications pour regarder mes récents messages sans avoir à les ouvrir. Tous du groupe de mes amis, tous au sujet des récentes disparitions. J'en avais un peu honte, mais les autres m'impactaient moins. Je ne les connaissais pas, et n'avais toujours pas retenu leurs noms. Tout ce que je savais, c'est qu'ils s'étaient volatilisés « sans trace d'acte criminel ». Balivernes. Tout était fait pour éviter la panique.

« Vous avez entendu les nouvelles ? »

Éric qui tape. Il répond :

« Nn. Quoi ? »

« Askip ils veulent donner un couvre-feu temporaire pour éviter les disparitions ».

Ce fut à mon tour d'ouvrir la conversation pour pianoter sur mon clavier tactile :

« Ça a pas de sens, ils disparaissent tous chez eux »

« C'est clair »

Merci Garance. Silence radio de la part des deux tourtereaux, d'ailleurs, qui voient les messages mais ignorent volontairement le sujet.

« Ils feraient mieux de checker chez les électriciens sexy »

Je me suis souvenue de la conversation que nous avions eue quelques jours plus tôt en rentrant des cours, et ai rigolé seule devant mon écran. C'est ce moment-là que choisit une femme d'âge mur en blouse blanche pour entrer dans mon champ de vision :

— Mademoiselle Robins ?

Le peu de gens dans la salle d'attente se sont tournés vers moi. Une gothique avec la jambe qui tressautait et un homme qui parlait silencieusement tout seul ? Je n'avais clairement rien à faire ici.

— Mmmh ?

— Je vais vous recevoir.

Je n'aimais pas qu'on me vouvoie. Pour certains, c'était une marque de respect ; pour moi, c'était me qualifier d'une femme que je n'étais pas. Une femme, c'est une adulte responsable qui n'est pas prête à tout envoyer en l'air à la moindre occasion... Moi, je suis juste une boule de nerfs.

DISPARUS ( "The Hunt", TOME 1 ) | EN ACTUELLE RÉÉCRITURE  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant