Chapitre 12

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Avec ma mère, nous nous sommes ruées ( et encore, le mot est faible ) en direction de la voiture, et avons démarré en trombe. Roulant à au moins trente kilomètres heures au-dessus de la limite autorisée, nous foncions en direction de la maison, la gorge nouée d'inquiétude. Tandis que ma mère s'improvisait pilote de voiture de course et tentait tant bien que mal d'avancer sans nous faire foncer dans le décor, j'en profitais pour appeler le portable de ma sœur : pas de réponse. Je renouvelle l'expérience avec le numéro de mon père : même résultat. Je les appelle tous les deux une seconde fois, puis une troisième, une quatrième, une cinquième... Toujours leur messagerie.

— Et merde, ils répondent pas ! criai-je à ma mère en essayant de couvrir le bourdonnement de notre vieux moteur datant des années deux-mille.

Si les circonstances avaient été différentes, ma mère m'aurait sûrement demandé de surveiller mon langage, comme elle le faisait depuis mon entrée au collège... mais, vu la situation actuelle, ça lui avait complètement échappé. Sans m'en rendre compte, des larmes de panique commençaient à rouler sur mes joues, les premières larmes que je versais depuis que j'avais vu le corps de Daniela. Toute la frustration ressentie depuis cet instant-là s'échappait lentement à travers les gouttes d'eau qui roulaient le long de mon visage.

— Ça va aller, ma puce, tenta de me rassurer ma mère. De toute façon, qui pouvait savoir que tu n'étais pas à la maison ?

— Tout le New-Jersey, vu le nombre de journalistes sur place...

— C'est peut-être une simple coïnciden...

— Maman, la coupai-je brutalement. Je n'ai plus huit ans, d'accord ? Je peux me rassurer toute seule.

Ces mots ont eu l'air de la vexer, car elle se tut aussitôt pour se concentrer sur la route. Même moi, je m'en suis voulue de lui avoir parlé ainsi. Elle n'y était pour rien, après tout... Tous ces événements défilaient aussi devant ses yeux, et elle devait sans aucun doute ressentir le même sentiment d'impuissance que moi, mes amis, ou même tous les autres habitants de la ville.

Tentant désespérément de rappeler le portable de ma sœur pour la énième fois, je songe qu'il aurait peut-être été plus malin de notre part d'expliquer la situation à un policier et de nous faire escorter par une des équipes présente sur la scène de crime... « Non », me dis-je. « Nous aurions perdu trop de temps. » Entre l'explication à un agent de police, l'embarquement de plusieurs de ses collègues dans les voitures sans oublier le passage dans la foule de journalistes qui nous auraient bombardés de questions, ça nous aurait retardés d'au moins dix minutes... Or, si je voulais avoir une chance de sauver ma sœur, chaque seconde comptait.

Les lampadaires autour de nous se sont soudainement rallumés, signe qu'une autre disparition avait bel et bien eu lieu. Heureusement pour nous, nous n'étions plus qu'à quelques rues de la maison, et nous y avons foncé à toute allure. Ma mère n'avait même pas fini de freiner que je détachais déjà ma ceinture de sécurité et ouvrais la portière à la volée !

Les clés dans les mains, je cours jusqu'à la porte d'entrée, piétinant au passage un escargot inoffensif qui cherchait sans doute de l'humidité dans les pierres gelées de l'allée, et ce dans un énorme « crack ». Grimaçant de dégoût pour mes baskets presque neuves à la semelle désormais souillée par les restes gluants de sa coquille, je rentre la clé dans la serrure et essaie de la faire tourner en ignorant mes mains tremblantes. Ma mère m'a rejoint à l'instant où j'ouvrais la porte, si vite qu'elle avait laissé le moteur de la voiture tourner avec les clés sur le contact.

En entrant, je ne pris même pas la peine d'enlever mes chaussures, et me suis aussitôt égosillée :

— Mathilde ! Mathilde, tu m'entends ?

DISPARUS ( "The Hunt", TOME 1 ) | EN ACTUELLE RÉÉCRITURE  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant