Chapitre 11

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Je n'avais pas dit un mot depuis une heure. Pour une fois que je ne parlais pas, les gens n'allaient pas s'en plaindre...

Depuis que j'avais retrouvé le cadavre de Daniela, des milliers de pensées se bousculaient dans mon esprit, sans que mon cerveau ne parvienne à mettre la main dessus. J'étais devenue incapable de réfléchir, ne pouvant plus fermer les yeux sans revoir ce corps mutilé baignant dans le sang. Le corps d'une personne que je côtoyais presque tous les jours. Finalement, ces séances chez le psychiatre allaient peut-être m'être utile, non pas pour calmer mes excès de colère mais pour me remettre de ce que j'avais vu !

L'air de rien, en dix-sept ans d'existence, jamais encore je n'avais vu de cadavre de mes propres yeux. Évidemment, dans les films et les séries, on en voit des tas, baignant dans les marécages, pendant au bout d'une corde ou simplement allongés sur un lit d'hôpital... Mais se rendre compte que cela pouvait réellement arriver, que ce que la télévision nous montrait n'était pas uniquement de la fiction, c'était à en avoir la chair de poule. Même après une heure à tenter d'oublier ce que j'avais vu, cet arrière-goût de sang demeurait toujours au fond de ma gorge. Des milliers de questions me torturaient l'esprit. Pourquoi faire une chose pareille à un être humain ? Est-ce que les autres jeunes filles disparues allaient connaître le même sort ? Peut-être que cette mort servirait enfin à faire retrouver la raison au shérif Paterson, et qu'il allait changer d'avis sur son plan ridicule, ainsi que sur cette obligation de ne pas s'enfuir ?

Quoi que, non : finalement, peu m'importaient les lois. Nos vies valaient bien plus qu'une simple règle à respecter. Qu'ils nous fassent payer une amende de cent, mille, un million de dollars si ça leur chante ! Je refusais de devoir rester dans cette ville une nuit de plus, à attendre que mes amis et ma famille disparaissent à leur tour. La découverte du cadavre de Daniela le montrait bien : nous n'étions plus en sécurité ici. Je voulais partir, partir très loin avec tous ceux que j'aimais, pour qu'au moins une poignée de personnes aient pu échapper au sort qui leur était réservé.

Comme si tout ce stress que je ressentais ne suffisait pas, les journalistes arrivés sur place n'arrêtaient pas de me harceler pour que je réponde à leurs questions stupides. Des dizaines de caméras et d'appareils photos étaient braqués sur mon visage pâle, scrutant le moindre de mes mouvements comme une bande d'automates. Ma mère, m'ayant retrouvée peu de temps après l'arrivée de la police sur les lieux, essayait malgré tout de leur faire comprendre que j'étais en état de choc et que je ne pouvais pas répondre à leurs questions... Elle a même ordonné qu'on floute mon visage, pour ne pas que les téléspectateurs puissent me reconnaître dans la rue, ou se mettent à afficher mon image partout sur les réseaux sociaux.

Cette bande jaune qu'avait déroulée la police, c'était la seule chose qui me protégeait de toutes ces chaînes de télévision, qui mourraient d'envie de courir dans ma direction pour que je parle en premier à leur chaîne. Sentant ma lèvre inférieure trembler, je plaque mes mains sur mes oreilles pour ne plus entendre les supplications des journalistes devant moi. Tout ce chahut m'avait donné une atroce migraine...

Je ferme les yeux pour les protéger des flashs venant des appareils photo et des sirènes des voitures de police, mais je ne fis qu'aggraver la situation, car mon cerveau visualisa aussitôt, sans doute par automatisme, l'horreur que j'avais vue. Encore une fois, j'avais l'impression de revivre la scène : la puanteur... le sang... ce visage sans vie, sans couleurs, sans une once de joie... la mort.

Daniela était morte. Daniela. Morte. Daniela. Morte. Ces deux mots ne pouvaient pas concorder ensembles, encore moins dans une seule et même phrase. Tout cela paraissait irréel. Alors elle était partie ? Cette jeune fille de dix-huit ans, qui était sur le point d'avoir son diplôme, de se construire un avenir, puis de se marier, d'avoir des enfants et de vieillir au fil des années... Elle ne pourrait donc rien vivre de tout cela ? La vie l'avait donc abandonnée au mépris de son jeune âge ?

DISPARUS ( "The Hunt", TOME 1 ) | EN ACTUELLE RÉÉCRITURE  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant