Outer Banks imagines

"Danger" (Barry)

Je clignais des yeux plusieurs fois, peinant à arrêter mon regard sur un point fixe dans la pièce.

Tout tanguait; je posais d'un geste maladroit mon verre encore à moitié plein d'alcool sur une table basse, l'abandonnant parmi un cimetière de mégots et de bouteilles de bières vides.

Lissant mes cheveux décolorés par le soleil d'un geste mal assuré, je traversais la pièce bondée de gens en sueur dansant dans tous les sens et dépassais les baies vitrées pour finalement m'assoir sur une chaise longue un peu à l'écart.

Fermant les yeux, je laissais l'air frais de la nuit me caresser le visage et soupirais.

Outre le taux d'alcool dans mon sang je reconnaissais très bien les symptômes de mon état. Et je savais qu'il fallait que j'y remédie, le plus rapidement possible.

Ces derniers temps, j'avais développé ce qu'on pourrait appeler de mauvaises habitudes. C'était peu dire, mais comment le formuler autrement?

Peut-être qu'une contextualisation s'impose.

Je m'appelle Diana Oswell mais tout le monde m'appelle Birdie. Je ne sais plus vraiment d'où m'est venu ce surnom mais depuis mes plus jeunes années il me colle à la peau. Mes parents sont promoteurs et nous habitons dans Figure Eight, un quartier plutôt aisé dans les Outer Banks. Fille unique, je suis souvent seule du fait du travail -très prenant- de mes parents qui, même quand ils ont du temps libre sont souvent accaparés par des événements du club dont ils font partie.

Si ça se trouve c'est de là que tout part.

La solitude.

Mais ce serait trop facile de blâmer une seule chose quand j'ai moi l'impression qu'il s'agit de l'accumulation d'une foule de petites qui m'a conduite où j'en suis aujourd'hui.

Je suis parfaitement consciente que vue de l'extérieur ma vie peut sembler parfaite et dépourvue de problèmes.

Très carrée, destinée à la réussite.

Mais aussi lisse, trop lisse, et emplie de pression et d'attentes qui pleuvent de toute part.

Je ne me cherche pas d'excuses. Je sais que je suis seule responsable de mes actes. Parfois je me sens faible et misérable, mais la plupart du temps ce sentiment est surpassé par celui de puissance qui m'envahit quand je prends ma dose.

Aux yeux de tous je suis la parfaite petite dernière de la famille Oswell, élève brillante, fille sans histoires, toujours de bonne humeur, solaire.

Sauf que dès que survient une éclipse, il n'y a personne pour me ramener vers la lumière.

Et rien n'est plus facile que de sombrer dans les ténèbres.

Un groupe de gars sortît à son tour de la maison et s'avança vers la piscine, ce que je pris comme mon signal de départ; je me levais de ma chaise longue et repartis vers l'intérieur.

Mais mon image, renvoyée par la baie vitrée alors que je m'apprêtais à rentrer me stoppa.

Je pris un instant pour contempler le reflet devant moi.

Cette fille aux iris marrons et floues, vêtue d'une robe noire à bretelles près du corps et courte, aux joues rouges et à la mine égarée... Qui était-ce?

Je chassais ces questions existentielles. J'avais abandonnée toute tentative de réponse à cette question il y a quelques temps déjà.

Pénétrant à l'intérieur de la maison, je ne pris pas la peine d'avertir quiconque que je quittais la soirée. J'étais venue seule, avais passé le début de la nuit avec plusieurs personnes -qui se trouvaient quelque part entre les connaissances et les amis- mais de manière prévisible et irrémédiable, j'allais finir cette soirée comme la plupart des autres à quelques exceptions près; en solitaire.