O : Retour aux sources

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Cela faisait deux jours que j'étais rentré chez moi. Mes parents m'avaient autorisé à inviter Hélèni après ma nuit passée chez elle. Elle avait aussitôt abordé le sujet du Cours Florent, et sa mère avait catégoriquement refusé de l'y inscrire, pensant qu'elle ne trouverait jamais de travail et ne voulant pas payer une école privée. Elle conseillait à sa fille de rester dans l'optique de devenir éducatrice. Quant à moi, je n'en n'avais pas encore parlé à mes parents, et il fallait faire vite car ils ne restaient que trois jours à Toulouse. Mes sœurs venaient rarement à la maison, hormis Louise, la plus jeune.
Ce jour-là, nous étions seuls avec mes parents, qui en profitèrent pour apprendre à la connaître un peu plus.
-Alors comme ça, tu es originaire de la Réunion ? lança mon père avec bienveillance.
-Oui, et plus précisément de Saint-Joseph. Mes grands-parents y habitent encore, affirma-t-elle avec un large sourire.
-Et qu'est-ce qui a amené tes parents à venir vivre en France ? s'informa ma mère.
Je lui fis signe de se taire. Mon amie baissa la tête avec tristesse.
-L'incarcération de mon père pour vol à main armée avec homicide involontaire, et enfin, la mutation de ma mère. Nous avons vécu à Nantes jusqu'à la mort de Cassi, ma sœur jumelle, à l'âge de dix ans. Ensuite en Auvergne, où j'ai failli être violée en quatrième par un gars de mon établissement. Et puis à Juan-les-Pins jusque l'année dernière. Cela ne fait que depuis septembre que je vis en région parisienne, expliqua-t-elle.
Mes parents la regardèrent, surpris. Je voyais bien que ma mère s'en voulait de lui avoir posé cette question.
-On ne s'attendait pas à ça et on est vraiment désolés pour ta sœur. Sache que si tu as besoin de quoi que ce soit, on t'aidera, assura ma mère en lui touchant l'épaule.
Hélèni la remercia gentiment. J'allais m'apprêter à annoncer la bonne nouvelle quand mon portable sonna. Je vis qu'il s'agissait d'Aelita et décrochai, en m'éloignant dans une autre pièce.
-Allô Aelita ?
-Tu vas bien ? Tu passes du bon temps avec Hélèni ? Ça se passe comment avec tes parents ? Tu leur a annoncé ? me mitrailla-t-elle avec excitation.
Malgré son entrain, je sentais que quelque chose la tracassait.
-Ça va, Hélèni s'entend bien avec mes parents, et j'allais justement leur annoncer. Et toi, ça va ? J'ai l'impression qu'un truc te chiffonne, répliquai-je avec inquiétude.
-Mon père m'a appelée il y a peu de temps, et l'état de santé de Sigrid est très préoccupant. Elle fait des crises très souvent, que le médecin essaye de calmer avec des opiacés mais ça a tendance à s'aggraver. Il n'ose pas quitter Moorea maintenant, parce que cela implique en tout presque deux jours de voyage et énormément d'heures d'avion. Le médecin n'est pas sûr qu'elle tiendrait le coup et il pense à la faire entrer en clinique sur place, raconta-t-elle la voix tremblante.
Hélèni était entrée dans la pièce et avait tout entendu. Elle me regarda d'un air impuissant.
-Aelita, j'aimerais tellement pouvoir leur venir en aide, mais malheureusement, on ne peut rien y faire. Il faut laisser les médecins travailler. Et il faudra la rapatrier dans un avion médicalisé, la consolai-je doucement.
-Je sais bien, mais mon père n'aura jamais les moyens de lui payer ça, c'est beaucoup trop cher. Et je doute qu'elle roule sur l'or. Ma mère est d'accord pour leur venir en aide financièrement mais elle a peur qu'Alain découvre la vérité, du coup, je ne sais pas trop comment on peut faire, se lamenta-t-elle.
-On trouvera un moyen, Princesse, ne t'inquiète pas pour ça, les amis, c'est fait pour ça, assurai-je.
-Mais je n'ai pas envie de vous embêter avec ça. Vous avez déjà tellement fait pour moi, je ne voudrais pas abuser de votre générosité, protesta-t-elle assez embarrassée.
-Tu m'emmerdes tellement que je n'ai même plus envie de te revoir. Tu pues le gaz, plaisantai-je pour lui remonter le moral.
Elle soupira à l'autre bout du fil.
-Tu sais, je ne pensais pas qu'un jour, je m'attacherais à ma prof de SVT et que je pleurerais pour elle. J'ai appris à connaître Sigrid Meisenberger, la véritable Suzanne Hertz, et je n'ai pas été déçue. C'est une femme incroyablement courageuse, avec une sacrée force de vie en elle, accompagnée d'une soif de vivre. Et contrairement à ce que tout le monde pense, elle est drôle et attachante, et s'efforce de prendre la mort comme une nouvelle aventure et non comme une fatalité. Elle est solaire, et c'est ce qui a plu à mon père. Alors que certains la considèrent déjà comme morte, il sent cette flamme en elle. Dès qu'il l'a vue en sortant du scanner, il savait qu'il était celui qui devrait l'accompagner jusqu'à son dernier voyage, et j'ai bien l'impression que son amour pour elle est encore plus fort que ce qu'il a pu ressentir pour ma mère, confia-t-elle.
Je comprenais mon amie, il s'agissait tout de même de sa belle-mère, et si je ne la connaissait pas vraiment personnellement, je me mettais à la place d'Aelita.
-Moi, je suis sûr et certain qu'elle sera là pour ton anniversaire. Elle a encore de la ressource, la réconfortai-je.
En réalité, je ne savais pas du tout si elle serait encore là en juin.
Décidément, mes amis rencontraient pas mal de problèmes. Ulrich nous avait appelés pour nous dire qu'il avait quitté le domicile conjugal avec sa mère pour aller vivre en appartement, et que le propriétaire, amoureux, était aux petits soins pour elle.
-Tu dois avoir raison. Merci Odd, dis bonjour à Hélèni de ma part.
Elle raccrocha et j'échangeai un regard grave avec ma copine, qui n'avait pas perdu une miette de la conversation. Ma mère nous appela pour dîner. Elle avait préparé de la truite avec des légumes cuits et des pommes de terre à la vapeur.
-C'était Ulrich ? questionna mon père en se servant de pommes de terres.
Je secouai nerveusement la tête.
-Non, c'était Aelita, répondis-je.
-Elle va bien ? demanda ma mère.
-Pas vraiment. Sa belle-mère a un cancer généralisé et son père l'a emmenée à Moorea parce qu'elle en rêvait. Mais son état se dégrade et elle risque d'être rapatriée en avion médicalisé, qui va leur coûter une fortune, expliqua Hélèni.
-C'est Mme Hertz, mon ancienne prof de SVT. Elle a quitté le collège cette année, et elle sait qu'elle est condamnée, ajoutai-je en contemplant mon assiette d'un regard vide.
Je n'avais pas faim, le coup de fil d'Aelita m'avait coupé l'appétit.
-Pauvre femme, la vie est tellement injuste. Le père d'Aelita est admirable. Beaucoup l'auraient laissée tomber, mais lui, il s'occupe d'elle, jusqu'à réaliser sa dernière volonté, murmura tristement ma mère.
-Oui, c'est vraiment quelqu'un de bien. En plus, quand ils se sont mis ensemble, il savait qu'elle était malade et que sa situation ne ferait que se dégrader. Mais sa dernière volonté, c'est d'être présente pour les dix-huit ans d'Aelita, affirmai-je.
-C'est sûr que d'après ce que tu nous racontes, si l'on compare le père d'Aelita et celui d'Ulrich, c'est le jour et la nuit. Lui ne se serait jamais occupé de sa femme, contrairement à celui d'Aelita, rétorqua mon père avec une grimace.
-Ça doit faire bizarre à Aelita d'avoir son ancienne prof pour belle-mère. Je suppose qu'ils se sont connus à une réunion de parents, renchérit ma mère en enlevant la peau de sa truite.
Hélèni secoua la tête.
-Non, ils se connaissaient déjà avant, c'est juste qu'ils s'étaient perdus de vue, répondit-elle.
-Elle a des enfants ? enchaîna mon père, curieux.
-Non, il faut dire qu'elle n'a jamais trouvé de père, plaisantai-je.
-Comme quoi, l'amour peut arriver à tout âge, fit mon père la bouche pleine.
J'attendis la fin du repas pour annoncer la nouvelle.
-J'aimerais étudier au Cours Florent l'année prochaine pour devenir acteur. Par contre, je ne sais pas si je dois le faire en français ou en anglais, déclarai-je avec un grand sourire.
J'attendis que mes parents sautent de joie mais rien ne se produisit. Leur sourire s'effaça.
-Tu es sûr ? Tu sais, c'est très dur de gagner sa vie quand on est artiste, on le vit tous les jours ta mère et moi, et ça demande beaucoup de sacrifices, répliqua mon père avec une certaine inquiétude.
-Mais oui, ne t'en fais pas, au pire, je serai pompier, rigolai-je.
-Pompier ? fit mère, confuse.
Hélèni se colla à moi.
-Oui, la fois passée, il a sauvé un gamin d'un requin à la Réunion, et les pompiers lui ont même demandé d'intégrer l'équipe ! s'exclama-t-elle, encore fière de moi.
-Un requin ?! Tu es dingue ?! s'écria-t-elle, surprise.
-Complètement maboul, ricanai-je relativement amusé.
-Et bien, fils, tu me surprendras toujours, me félicita mon père.
-Et ce n'est pas tout. Quand on était dans le théâtre de Dionysos, il a montré l'étendue de son talent sur un poème de Prévert, et justement, au milieu des touristes, il y avait une prof du Cours Florent, qui l'a remarqué et lui a proposé de s'inscrire après le Bac, raconta Hélèni avec des étoiles dans les yeux.
-Vraiment ? Elle a dû remarquer ton talent, répliqua ma mère sur un ton joyeux.
Je me tournai vers mon amoureuse.
-Mais ça vaut aussi pour toi. Tu as un réel talent, sans avoir jamais pratiqué. On dirait que tu as toujours fait ça, et je trouve que c'est dommage que ta mère ne veuille pas t'inscrire, lui assurai-je en lui prenant la main.
-C'est trop cher pour elle, et elle préfère que j'aie une situation stable, répondit-elle gentiment.
Ma mère fronça les sourcils, légèrement amusée.
-Toi aussi, tu es une artiste ? Je comprends pourquoi vous vous entendez si bien. Et que vas-tu faire après le Bac ?
-Je vais faire éducatrice spécialisée. Et oui, j'aime bien jouer de la batterie, du piano et pratiquer le théâtre, l'informa mon amie.
-C'est génial ! Une artiste de plus dans la famille ; j'espère que vous nous ferez plein de petits artistes ! blagua mon père en posant sa main sur son épaule, qui se raidit.
Je sentis un malaise s'installer dans la pièce.
-Je ne me sens pas très bien, je peux aller me reposer ? murmura-t-elle d'une petite voix.
-Bien sûr, fais comme chez toi. Et si tu as besoin de quoi que ce soit, on est là, accepta ma mère avec bonté.
Elle monta dans notre chambre, et je la suivis de près. Je connaissais bien la raison de son départ subit. Mon père l'avait touchée. Elle qui avait déjà eu tant de mal à s'ouvrir à moi pour qu'elle me laisse la toucher.
Elle était assise sur le lit, pensive.
-Nini, je suis désolé, j'aurais dû prévenir mon père, m'excusai-je.
Elle releva la tête, les yeux légèrement embués.
-Non, tu n'y es pour rien. Et puis, je n'ai pas tellement envie que tout le monde sache que j'ai été agressée, me rassura-t-elle.
Je m'assis à ses côtés et l'enlaçai doucement.
-Tu es une femme splendide. Je sais que tu n'as pas toujours confiance en toi, que tu n'aimes pas trop tes formes, mais ça n'a pas d'importance, parce que je t'aime comme tu es. Et je dois dire que tes formes, je les aime beaucoup, chuchotai-je au creux de son oreille.
Elle se tourna vers moi, d'un air coquin.
-Alors comme ça, tu aimes mes formes ? Tu vas être servi, susurra-t-elle en enlevant le haut.
Je fus étonné par ce que je vis. Elle avait osé mettre de la lingerie sexy, rien que pour moi, et ça lui allait vraiment bien. Depuis que nous étions ensemble, elle avait commencé à se délurer.
-Tu es magnifique, murmurai-je avant de lui déposer des petits baisers dans le cou et sur le visage.
Je descendis jusqu'à sa belle poitrine et elle m'ôta mon t-shirt. Peu de temps après, le bas tomba.
J'avais envie d'elle, très fort.
J'allumai ma chaîne hifi afin de diffuser de la musique douce et aphrodisiaque, pour rendre le moment encore plus agréable, et surtout, pour éviter que mes parents ne nous entendent gémir.
J'allais m'occuper d'elle lorsqu'elle m'arrêta fermement.
-Ce soir, c'est moi qui dirige, annonça-t-elle d'une voix rauque.
De plus en plus surpris, je me laissai faire, et elle s'occupa de moi comme une reine.
Enfin, ce fut à mon tour de la rendre heureuse, je n'allais pas partir comme un goujat sans la remercier, quand même.
Avant de dormir, nous passâmes la soirée à regarder une comédie romantique.

Code Lyoko - Et MaintenantOnde histórias criam vida. Descubra agora