première rencontre

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APPREHENSION



MIN YOONGI



Dans un appartement minuscule, perdu dans un immeuble d'une rue peu fréquentée de la capitale sud-coréenne, une horloge accrochée au mur brisa le silence de la pièce par son tic-tac régulier. Ce son rebondit contre chaque meuble et objet décoratif de plus ou moins bon goût — on ignorait toujours pourquoi une photo d'un jeune adulte aux cheveux orange avec un pénis dessiné sur la joue trônait fièrement sur la porte du réfrigérateur — pour finir par atteindre les oreilles d'un homme avachi dans une position improbable sur un canapé dont l'apparence laissait planer un doute quant à son confort. Il ressemblait plus à un meuble récupéré dans une décharge dont personne n'avait eu le courage de se débarrasser. Une jambe recouverte d'un pantalon de survêtement cherchait à atteindre un accoudoir dont le tissu usé par les années offrait une vue imprenable sur le rembourrage jaunâtre. Les doigts de sa main gauche dessinèrent distraitement les contours d'un ressort à quelques centimètres à peine de ses côtes et le pouce de sa main droite pressa pour la trente-huitième fois les touches de la télécommande noire. Les yeux rivés sur une télévision muette dont les images ne l'intéressaient que très peu, le propriétaire de l'appartement laissa échapper un long soupir de ses lèvres gercées.


Min Yoongi s'ennuyait comme un rat mort.

Cette constatation le frappa lorsqu'il se rendit compte que même la chaîne parlementaire — celle qui montrait des adultes aux salaires exorbitants se disputer comme des enfants dans la cour de récréation d'une école primaire — ne parvenait même plus à lui arracher un pouffement entre le désespoir et l'amusement. Et la chaîne parlementaire se montrait toujours hilarante lorsque le son de la télévision était coupé. Des histoires absurdes se créaient dans son esprit et il se retrouvait toujours à ricaner face à l'absurdité de son esprit.


Min Yoongi ne s'ennuyait jamais.

L'absence d'occupation relevait plus de l'aubaine dans son quotidien que d'une source d'angoisse à s'empresser de combler. Il bénissait même les courts instants où ses obligations d'adulte disparaissaient ; il les appréciait tant que ses proches s'étaient mis d'accord pour ne pas le déranger pour une vingtaine de minutes. Il ne fallait surtout pas réclamer plus de temps de quiétude. Quelqu'un finissait toujours par s'immiscer dans sa bulle silencieuse. Le couple formé par Hoseok et Taeyeon se transformait en parfaits exemples : ils s'engouffraient dans l'appartement dès que l'occasion se présentait et il lui ramenait l'enfant en bas âge dont le procureur était l'heureux parrain, plus de bruit qu'il ne pouvait le supporter, des rires et des discussions futiles dans le sillage de bonne humeur communicative. Lorsqu'ils finissaient par franchir le seuil de l'appartement pour regagner leur logement, Yoongi se retrouvait sans la moindre énergie restante et il s'allongeait sur la première chose confortable à porter. Un canapé, le matelas douillet du lit ou les cuisses de Jimin dont le rire mélodieux le berçait jusqu'à l'endormissement.


Son absence d'activité ne ressemblait cependant pas à son habituelle absence d'activité. Le silence de l'appartement sonna comme une anormalité dans sa vie quotidienne et il plongea Yoongi dans une étrange bulle de malaise que même les images de la télévision ne parvinrent pas à chasser. Les vieux parlementaires aux gestes obscènes se transformèrent en des dizaines de chatons aux yeux expressifs lorsque son pouce pressa une nouvelle fois un bouton de la télécommande. Yoongi ne les trouva pas mignons alors que les chats décrochaient avec une aisance déconcertante la première place des animaux les plus adorables dans son podium mental où les places s'altéraient en fonction de ses besoins.

still youngWhere stories live. Discover now