Chapitre 14.4

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Le vaste bureau sans fenêtres était impressionnant. La table ovale qui prenait une grande partie de la place dans la pièce représentait à elle seule le symbole du pouvoir. Un lustre, aux dimensions exagérées et en forme de coupole, était suspendu au-dessus de celle-ci. Malgré sa taille imposante, il éclairait la pièce d'une lumière douce, rendant l'atmosphère appréciable. Au fond, une porte fermée donnait à priori sur une autre succursale. On nous invita à nous asseoir, Jul et moi, en face de notre auditoire qui se composait de l'inspecteur Barthey, Ray, Faïz et Julio, ainsi que de Mickaël Peyton et de David. Bien que je connusse la plupart des visages présents, une boule dans ma gorge se forma devant la mise en scène de la situation.

— Ça va aller ! voulut me rassurer Jul. Fais celle qui n'est au courant de rien. Je pense que ça ne devrait pas être trop difficile pour toi.

Je plissai mes yeux, furax, et me pinçai les lèvres pour me retenir de répliquer.

— On peut y aller ? s'impatienta déjà Faïz en me lançant un regard glacial.

Sa seule présence dans cette salle me déstabilisait outrageusement. Le fait que j'organise cet entretien médiatique ne lui plaisait guère. J'avais convaincu Karl que c'était le seul moyen pour que les chaînes d'informations et les journaux se calment sur l'état d'urgence du pays et que le gouvernement réponde une fois pour toutes aux questions sur les attaques survenues quelque temps auparavant, un peu partout dans le monde. La population attendait des réponses, et le meilleur moyen de lui en donner était de jouer le jeu avec les médias, qui avaient ce pouvoir énorme de faire basculer l'opinion publique.

— Les différents assauts que le pays a connus cette fameuse journée, étaient-ils de nature terroriste ? commença mon ami qui posa son dictaphone sur la table avant de saisir son carnet.

Faïz bascula sa tête en arrière avant de revenir fusiller Jul du regard. Il desserra sa cravate et détacha les deux premiers boutons de sa chemise afin d'être plus à l'aise. De son doigt, il donna la parole à Julio.

— Ce soulèvement de révoltes et ces massacres n'ont pas été causés par un groupe terroriste, mais plus par un groupe de rebelles fanatiques, bien organisé, qui vouait son allégeance à une seule et même personne.

— Depuis combien de temps préparaient-ils leurs attaques qui, je le rappelle, ont aussi eu lieu dans les autres pays du monde ?

Barthey s'éclaircit la voix :

— Pour être honnête, il est bien difficile de vous répondre. Les agents de renseignements et la CIA ont été alertés d'une menace possible sur le pays il y a plus de cinq ans de cela. À l'époque, nous pensions que seul l'état de Californie était visé. Nous ne sommes pas restés les bras croisés toutes ces années, non. Nous avons agi dans le plus grand secret, arrêté bon nombre de ces rebelles et déjoué plusieurs attentats. Le contre-espionnage avec la collaboration d'une multitude d'autres individus a fait un travail remarquable qui a dépassé les frontières des États-Unis. Le bilan aurait été beaucoup plus lourd sans leur aide.

Barthey jeta un léger coup d'œil autour de la table. Un silence lourd s'établit dans la pièce. Faïz me lança un regard mauvais. Sa beauté insondable me troublait plus que je ne l'aurais voulu. Bien que la pression fût énorme, Jul ne se démonta pas et continua :

— Qu'est-ce qui motivait ces guerriers ? L'argent ? Une idéologie ?

— Nous avons affaire à des profils variés, déclara Mickaël Peyton. Mais ils sont tous nourris d'une haine mortifère à l'égard de toutes les populations sur Terre.

— Donc vous êtes en train de me dire que leur seul but était de semer le chaos ?

— C'est ça, répliqua Faïz d'une voix tranchante.

— Une poignée de personnes a pensé qu'elle pouvait prendre les commandes du pays avec une seule attaque, s'empressa d'ajouter David en sentant Faïz perdre petit à petit son sang-froid.

Je secouai la tête, le regard plein de reproches en direction de celui-ci, désapprouvant son attitude à ne pas vouloir jouer le jeu face à cette interview pourtant si importante.

— Ceci dit, ce n'était pas une petite attaque, mais une véritable déclaration de guerre. Pouvez-vous affirmer que ces « attaques » d'une grande ampleur, téléguidées pour la plupart depuis l'étranger, sont terminées ?

Le visage de Jul trahissait clairement ses craintes et ses soupçons. Faïz, fatigué de rester assis et sans bouger, décida de se lever et d'arpenter la pièce tout en continuant de fixer mon ami de son regard le plus noir. Il pencha légèrement sa tête sur le côté avant de répondre gravement :

— Nous savons que nous devons prendre de nouvelles dispositions afin d'assurer la sûreté de la nation. La sécurité intérieure, avec ses partenaires étrangers, ses alliances et les services extérieurs, restent particulièrement vigilants sur le risque, notamment d'exfiltration de rebelles sur la zone.

— Qu'en est-il pour ces combattants dangereux et faits prisonniers ?

Un nouveau silence s'établit dans la pièce. Faïz fit un signe de tête à Peyton qui se redressa immédiatement et prit à son tour la parole :

— Les individus, adhérents ou ayant adhéré à l'idéologie de Pavel Bukovski et qui ont été capturés dans les autres pays ou les autres États de Californie, ne font pas partie de notre ressort.

Le directeur général de la CIA fit une légère pause avant de reprendre :

— Ici, ils seront bien sûr jugés puis envoyés en prison sur une île, au large du golfe du Mexique, dont le nom est tenu secret.

— Et en ce qui concerne Pavel ?

Jul avait posé la question sur un ton plein de retenue et décidé à la fois. Faïz s'arrêta de marcher et regarda mon collègue bien en face. Un éclair de fureur brillait dans ses prunelles aux abîmes sans fin. Il s'avança vers nous. Les poils de mes bras se hérissèrent.


Dark Faïz -T 3Where stories live. Discover now