Prologue

3.7K 168 5
                                    

Tandis que l'aube poussait les heures, il régnait un silence paisible dans la maison tout entière. Georgia, postée devant la bibliothèque du salon qui lui semblait immense, osait à peine respirer, de peur de réveiller sa maman. La petite fille fixait la grande boîte blanche cadenassée tout en haut de la pyramide de livres en s'appuyant nerveusement sur un pied puis sur l'autre. L'idée d'entreprendre une construction sommaire afin d'attraper la boîte la travaillait de plus en plus. Elle tourna son regard en direction de sa mère endormie dans le canapé, et la tristesse remplie aussitôt ses yeux d'un noir intense. Georgia se doutait que cette dernière avait encore dû pleurer une bonne partie de la nuit. En effet, depuis la mort de son papa, plus rien n'était pareil. Sa maman n'éclatait plus de rire pour ces petites choses subtiles de l'existence. Ses yeux vert émeraude ne brillaient plus, sauf quand la tristesse venait lui rendre visite. La petite fille se pinça la lèvre, attristée. À quatre ans, elle avait l'impression d'avoir un poids énorme sur les épaules : réconforter, sourire et surtout, ne jamais faire de vagues. Elle espérait ainsi rendre de nouveau heureuse sa maman. Peut-être qu'en se conduisant toujours bien, sa maman rirait encore un jour, et véritablement. C'était un son dont elle ne se souvenait plus. Une maman heureuse, à quoi ça pouvait bien ressembler, après tout ? Elle balaya du regard les murs de la pièce. Des photos y étaient accrochées. Des photos que Georgia n'aimait pas, non, car ce n'était jamais l'ancienne maman qui posait avec elle, dessus. L'ancienne était dans cette boîte blanche, tout en haut de la bibliothèque... avec son papa, mais personne n'avait le droit de l'ouvrir. Aucune photo de lui n'était autorisée dans ces lieux. La vue de celui-ci était trop dure à supporter pour les grandes personnes, lui avait-on dit. Cependant, sa maman lui en avait laissé une seule, une photo, qu'elle avait le droit de garder et que la petite fille prenait bien soin de laisser toujours retournée sur sa commode, à côté de son lit quand elle ne la regardait pas. C'était la condition : il ne fallait surtout pas que sa maman tombe dessus et voie l'homme qu'elle avait aimé autrefois. Cette seule photo était de plus en plus abîmée, jaunie par le temps. Les sourires figés sur les visages étaient des vrais. Un souvenir heureux d'une fin de journée passée à la plage. Une journée autrefois ordinaire avec une maman heureuse.

Dark Faïz -T 3Onde histórias criam vida. Descubra agora