Chapitre 4.6

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Le sifflement dans mes oreilles m'empêchait d'entendre quoi que ce soit. Sonnée, j'eus un mal fou à détacher ma ceinture de sécurité. Quand je réussis enfin, mon corps tout endolori tomba lourdement à terre. J'essuyai, avec un revers de la main, le sang qui me coulait le long de mon visage, puis me concentrai sur le bruit des battements de mon cœur qui résonnaient en moi afin de retrouver l'ouïe. Une fois que le sifflement disparut totalement, le son de ma respiration remplit tout l'espace. Soudain, un bruit de pas avec des semelles grinçantes paraissait venir par ici. Tous les sens en alerte, je me mis à chercher une issue pour me sortir de là au plus vite tandis que les pas, eux, se rapprochaient de moi. Je cessai de respirer lorsque de grosses bottes, ornées de métal, se mirent à faire le tour de la berline. Une chose était sûre, ce n'était pas les secours. Désespérée, je posai mon regard sur mon sac. Celui-ci était renversé non loin de moi, mais au moment où je tendis mon bras pour tenter de l'attraper, une main traversa la vitre, la brisant en mille éclats. De larges morceaux coupants vinrent alors se planter dans ma chair. Sans vraiment comprendre ce qui se passait, je fus traînée sur plusieurs mètres au sol par les cheveux puis jetée comme un vulgaire pantin sur le bord de la route. Un hurlement de douleur s'échappa de moi, brisant le silence religieux de cet endroit qui semblait sans vie. Couchée sur le béton, je me retournai, tremblante, pour faire face à la personne responsable de ce chaos. Mes membres se figèrent de peur devant le spectacle auquel j'assistais. Un homme, au physique si terrifiant qu'il paraissait irréel, s'avançait doucement vers moi. Il n'était vêtu que d'un large pantalon en toile noir. Sa peau était à peine visible. En effet, ses tatouages recouvraient quasi intégralement son torse, ses bras, mais aussi son visage. Seule sa musculature solide se dessinait en dessous de ses abominables dessins à l'encre noire. Lorsque l'homme s'accroupit à côté de moi, ce fut la mort elle-même qui me sourit.

— Tu as perdu de ta superbe. Comme c'est triste. La vie t'embrasse un jour et t'abandonne celui d'après.

La voix rauque et démoniaque de cet homme me paralysa de peur, je reconnus aussitôt qui se cachait derrière.

— Athanase, murmurai-je avec difficulté à cause du goût de rouille que mon sang me laissait dans la bouche. J'avoue que ton costume est bien choisi.

— Je t'en prie, appelle-moi Pavel. C'est le nom de l'humain qui m'a offert son âme.

— Je vois que tu as pris bien plus que ça !

— Ne t'en fais pas pour lui, tout le mérite lui reviendra. C'est de son nom que l'on se rappellera, au final.

L'homme sourit comme un traqueur devant sa proie en agonie. L'encre avait imbibé le blanc de ses yeux, donnant une expression encore plus terrifiante à son regard cadavérique.

— Je ne vais pas te supplier de me tuer, si c'est ce que tu attends ! articulai-je le souffle court.

— Ça serait trop facile ! s'exclama le Maestro d'un ton rude tout en se relevant. Les humains aiment faire confiance au destin. Moi, je suis sceptique, mais je veux bien essayer de voir s'il existe. Soit tu meurs ici toute seule, soit, par un formidable miracle, quelqu'un viendra te sauver.

Ce dernier se mit à regarder tout autour de lui avant d'ajouter :

— Malheureusement pour toi, il y a très peu de chance pour qu'un automobiliste passe par là avant plusieurs heures.

Avant que je ne puisse ajouter quelque chose, l'homme saisit mon bras. J'avais beau me débattre, celui-ci était bien plus fort que moi. Il sortit alors de sa poche une seringue remplie d'un liquide transparent qu'il porta à sa bouche afin d'enlever le capuchon puis il m'injecta le produit qui sembla me pénétrer en me brûlant la peau. Je hurlai de douleur et de rage, comprenant que plus rien ne pourrait me sauver à présent.

— Vois-tu, Zoé ? Tu vas me servir de cobaye toi aussi. Ce virus modifié que je t'injecte fait partie d'un des six, les plus dangereux du monde. Bientôt, toute la planète sera frappée par une forte épidémie qui décimera tous les pays. L'effet paralysant que tu vas ressentir est la première étape du virus.

Mon bras retomba sur le sol tandis que mes forces commençaient à m'abandonner. Pavel, ou plutôt le Maestro, s'accroupit derechef et de sa voix si particulière, me murmura à l'oreille :

— Laisse-toi partir, il faut savoir lâcher prise. Le soleil n'est pas éternel et finit toujours par se coucher. La nuit, elle, existera toujours, avec ou sans l'humanité.

Plongée dans le désarroi le plus total, je n'arrivai à prononcer aucune parole. Ma vue commençait à se troubler tandis qu'un fourmillement gagnait les extrémités de tous mes membres. Le grincement des bottes s'éloignait de moi, me laissant seule sur ce chemin sinueux et désert, les yeux tournés vers le ciel. Seul le vent troublait ce doux et paisible silence. Je ne ressentais plus rien. Mon corps semblait se battre contre la douleur, mais la paralysie, exercée par le virus, m'empêchait de la ressentir. C'était sûrement mieux ainsi, je pouvais partir sans vraiment souffrir. Les paupières lourdes, je me laissais aller.

« Ouvre les yeux, tu dois lutter ! »

— Je... je ne peux pas, c'est impossible, répondis-je au murmure de William. Je ne ressens plus rien. Le poison est trop fort.

Soudain, un petit bruit attira mon attention : une stridulation que je connaissais bien. Je tournai lentement ma tête. Malgré les yeux remplis de larmes, j'arrivai à distinguer le bourdon qui s'était posé non loin de moi.

— Rien n'est impossible, chuchotai-je en observant l'insecte.

N'importe quelle mère était capable de faire n'importe quoi pour sauver l'enfant qu'elle aimait, sauf que moi, je n'avais rien d'ordinaire.

Je fermai les paupières pour me concentrer sur chaque partie de mon corps.

— Allez ! bougez, ordonnai-je à mes jambes. Bougez, bougez, bougez...


Dark Faïz -T 3Where stories live. Discover now