Chapitre 8.4

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Ma respiration était lente et paisible. J'ignorais l'heure qu'il pouvait être et retardais, le plus possible, le moment où mes pieds toucheraient le sol. Une lumière étrange et ténébreuse se déversait par les fenêtres. Bien que la nébulosité de cette matinée fût anormale, je ressentais dans mon cœur et dans mon âme un bouleversement autant affectif que physique. Je me sentais libérée de quelque chose que j'avais enfoui profondément en moi, il y avait longtemps. Mon regard se posa sur l'oreiller d'à côté. Une plume y était posée. Je la touchai du bout des doigts, de peur de l'abîmer.

— Adieu, mon bien-aimé, chuchotai-je, mélancolique.

Lily versait son café de manière très concentrée dans sa tasse avant de me répondre :

— Ça doit être Faïz qui a déposé Georgia à l'école ce matin. Charles est parti beaucoup trop tôt de la villa. Barthey voulait s'entretenir avec lui.

— S'entretenir ? Mais Charles s'est toujours tenu à l'écart de tout ça.

Elle avala une gorgée de son café puis serra sa tasse encore chaude avec ses mains crispées. Dehors, madame Arlette rangeait activement la terrasse pour la nettoyer dans l'après-midi. Mes yeux revinrent se promener sur le visage de Lily à la peau de porcelaine, où ses pommettes hautes donnaient un agréable relief à son faciès impeccable. Ses longs cheveux noirs, parfaitement coiffés, retombaient sur ses épaules sans qu'aucune mèche rebelle ne dépasse d'un millimètre.

— As-tu vu la lumière du jour aujourd'hui, Zoé ? Elle est très préoccupante. Le Dôme nous prévient des premiers jours d'une période qui s'annonce sombre. J'ai peur que demain, il ne soit plus jamais possible pour moi d'embrasser mon fils. Le monde compte sur lui, même si personne n'est au courant. S'il échoue, il partira sans que le monde sache ce qu'il a fait pour lui. Sans fleurs ni médailles. Suis-je égoïste de vouloir le garder pour moi ? D'espérer que quelqu'un d'autre se sacrifie à sa place ?

À la fois secouée et terrifiée par ses paroles, je m'avançai vers elle et décidai de rompre ce silence en essayant de trouver les mots justes :

— Il ne se sacrifiera pas, Lily. Faïz a une magnifique petite fille de cinq ans et elle est sa plus grande motivation. Il se battra pour elle, pour pouvoir vivre tous ces moments qui les attendent ensemble.

Un sentiment d'espoir illumina son visage. Je m'accroupis à ses côtés sans détourner mon regard de ses iris perçants.

— Non, son âme n'est pas damnée pour l'éternité et même s'il l'a cru pendant longtemps, votre fils a réussi à capter l'indicible. Des personnes meurent tous les jours sans avoir goûté un seul instant de leur vie à cet infime bonheur, celui d'avoir un jour aimé un enfant. Alors, réjouissez-vous. Vous ne pouvez pas le garder pour vous, car la possession c'est le contraire de l'amour. C'est quelqu'un de bien qui me l'a expliqué.

Lily hocha la tête à plusieurs reprises et déglutit difficilement pour ravaler ses larmes qui menaçaient de s'échapper.

— L'aimes-tu ? me demanda-t-elle dans un murmure

— Oui, affirmai-je avec vigueur. Et de tout mon cœur. Ne vous en faites pas, il le sait déjà. Mes yeux me trahissent chaque fois que je me trouve en sa présence.

Elle émit un sourire sincère, ce fameux sourire qui était capable de faire disparaître chaque vague à l'âme à toute personne à qui elle l'adressait. Ce fameux sourire qui m'avait sauvée à de nombreuses reprises, ces dernières années.

Je me redressai lentement et commençai à rejoindre la sortie du séjour.

— Je dois retrouver les filles et David pour déjeuner. Ensuite, je passerai à mon travail récupérer quelques dossiers afin de travailler depuis chez moi. La journée risque d'être longue avec Barthey et l'équipe du FBI qui veulent nous voir en début de soirée.

— Je confirme, déclara Lily sur un ton plein de retenue. C'est sûrement Lexy qui te donnera le plus de fil à retordre, aujourd'hui.

En entendant ses paroles, je fis volteface pour interroger cette dernière du regard. C'est alors qu'elle brandit le journal au-dessus de sa tête. La Une du Los Angeles Times était sans appel.

« Dieu bénisse l'Amérique, mais le gouvernement doit d'abord sauver le monde ».

— Lexy ! rugis-je de colère. Cette saloperie va m'entendre.

— J'étais pour éliminer ton collègue de boulot, mais vas-y pour Lexy.

Lily haussa les épaules et reprit une gorgée de son café.


Dark Faïz -T 3Where stories live. Discover now