Dark Faïz -T 3

Chapitre 6.2

Les premiers kilomètres au bord de la Mercedes se firent dans un silence religieux. J'en profitai pour consulter en vitesse les mails de mon père et mes messages. Lexy m'indiquait que tout le monde était déjà arrivé au manoir et nous attendait. J'étais heureuse de retrouver les filles. Même Lily et Charles m'avaient manqué. Je me mordis la lèvre en pensant soudain à l'impact qu'avait eu la révélation de l'existence de Georgia à leur fils. Mon Dieu, je n'avais pas été là pour les protéger face à la fureur cataclysmique de Faïz. Je n'osai pas imaginer l'état de leurs vifs échanges suite à tout ça.

— Tu... tu es resté à L.A ? demandai-je timidement.

Le regard sur la route, Faïz fit craquer son cou d'un côté puis de l'autre et retroussa ses lèvres en un rictus mauvais, ce qui me fit aussitôt regretter mes paroles.

— Tu pensais quoi ? Que j'abandonnerais ma fille après l'avoir tout juste rencontrée ?

Son ton plein de retenue prouvait à quel point il essayait de contenir sa colère. Je levai les yeux pour me retenir de pleurer avant de revenir sur lui.

— OK, tu me détestes, et tu es dans ton droit. J'aurais dû faire les choses autrement.

Ma voix montait sans que je puisse la retenir.

— Je ne voulais pas que tu reviennes par obligation ! continuai-je. Je voulais guérir pour t'oublier. Pourquoi n'essayes-tu pas de comprendre que moi aussi j'avais le droit d'avancer dans ma vie ? C'est toi qui m'as quittée, c'est toi qui n'as pas réussi à m'aimer !

Ma vue se troubla et mes yeux s'embuèrent. Sans que je ne m'y attende, Faïz donna un brusque coup de volant, nous faisant sortir de la route déserte et stoppa net la voiture. Heureusement, ma ceinture de sécurité m'empêcha de traverser le pare-brise, même si, au passage, le choc réveilla une vive douleur due à mes côtes fracturées. Brûlant de rage, il agrippa violemment l'arrière de ma nuque avec sa main et m'attira vers lui.

— Je ne t'ai pas quittée parce que je ne t'aimais pas. Je t'ai quittée justement parce que je t'aimais trop !

Son visage, à quelques centimètres du mien, me paralysait de peur. Ses traits, emprunts de fureur, décrivaient tous les tourments qui nimbaient ses prunelles si obscures. Mon souffle se coupa. Retranchée dans mon enfer intime, je mesurai à cet instant l'intensité de sa souffrance.

— Tu as dévoilé le meilleur, mais aussi le pire de moi-même, continua-t-il d'une voix aigre, le regard incandescent. Sur Éros, j'ai vu le doute dans tes yeux lorsque je t'ai parlé de mon départ pour New York. Tu as douté de nous, tu as douté de l'avenir que tu voulais avec moi ! À ce moment, j'ai su et je ne me suis pas trompé.

Les paupières de Faïz se plissaient au fur et à mesure des paroles qu'il débitait à toute vitesse.

— Les sentiments que tu avais pour moi ont changé au fil des semaines, des mois et des années, jusqu'à finalement devenir poussières. Alors que mon amour pour toi est resté immuable et le sera toujours, même quand je trépasserai. Vivre sans toi a été la plus horrible des tortures et rien sur cette Terre ne justifie cet abîme sans fin. Que peux-tu répondre à ça ?

Son souffle saccadé par la colère me brûlait la peau. Ses lèvres si proches des miennes me déstabilisaient, me faisant presque oublier la douleur de ses doigts enfoncés dans ma peau.

— Je... je réponds que tu as voulu voir uniquement ce que tu voulais, murmurai-je en m'étranglant avec mes mots.

— Mais à la fin, c'est lui que tu aurais choisi. N'est-ce pas ?

J'ouvris la bouche, mais la refermai immédiatement sans savoir quoi répondre à ce moment-là. Faïz venait de mettre à nue une vérité que j'ignorais peut-être jusqu'à maintenant. Sa main me retenait toujours fermement. Il plongea alors son nez dans mes cheveux et respira profondément. Ce geste violent, plein de désespoir, brisa les derniers morceaux de mon cœur. Il me relâcha soudainement sans rien ajouter et recula pour se caler dans son siège. La Mercedes repartit telle une rafale. Le moteur rutilant brisa le profond silence qui s'était de nouveau installé entre nous.