Chapitre 13

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Avec la crise du mercredi, Stacy savait pertinemment qu’elle devait retourner à l’hôpital. Ainsi, dès le lendemain elle avait pris rendez-vous avec le docteur Grindel. En cette belle matinée de samedi, elle était dans sa voiture direction le Centre Hospitalier Blanco.

Depuis ses vingt ans, elle avait appris à vivre avec Sa maladie. Ce n'était plus un si grand fardeau, mais parfois elle regrettait les moments qu'elle passait dans sa plus tendre enfance. Voilà ce qui tourmentait ses nuits. Vivre à nouveau sans se soucier d'une quelconque rechute, d'une quelconque crise ou d'un quelconque étourdissement.

Tout le long du trajet, elle repensait à la jeune insouciante qu'elle était, celle qui n'avait pas le cœur d'une autre en elle. Celle qui n'avait pas de trou dans son cœur. Mais là, elle vivait pour deux personnes. Son plus grand souhait était de rendre fière cette femme qui lui avait donné la chance de continuer à vivre.

Chaque fois qu’elle met les pieds dans ce bâtiment qu’est l’hôpital, un sentiment d’angoisse l’habite. Revoir ces murs blancs, ces longs couloirs mornes et écouter à nouveau les bips des machines lui serrent le cœur. Cela fait déjà longtemps qu’elle subissait ces angoisses, mais après tout, on ne s’habitue jamais à ce genre de choses.

— Je suis assez surpris de votre appel, ma petite Stacy. Notre rendez-vous était supposé être dans une semaine, déclare une voix assez sévère.

Stacy est confortablement assise sur un fauteuil en cuir marron, une tasse de thé vert à la main et une assiette de spéculoos posée sur le bureau de ce cher docteur Grindel.

Cet homme est dodu et assez court, mais ses quinze ans de travail se reflétaient dans ce bureau décoré de façon plutôt classique, avec tous ces diplômes et certificats encadrés, disposés sur les murs. Si on se fiait aux apparences, Arthur Grindel serait un homme sévère et sans humour, mais en passant du temps avec lui, Stacy avait pu constater la tendresse paternelle de son docteur, ainsi que son humour aiguisé dans les situations les plus improbables qui soient !

— Moi aussi je suis choquée, docteur. Je ne m’attendais pas à faire une crise pareille après tout ce temps. Vous n’imaginez pas ce que j’ai ressenti quand ça m’est arrivée. Je me devais donc d’avancer le rendez-vous.

— Vous savez, ma petite, je vous connais bien, trois ans, c’est assez pour apprendre à connaître quelqu’un. De plus, lorsqu’on prescrit un traitement à quelqu’un, c’est en connaissance des risques, surtout en cas d’arrêt du traitement. Alors, dîtes moi la vérité, vous avez arrêté le traitement pendant environ deux semaines, n’est-ce pas ?

« Comment peut-il savoir une chose pareille ?» se demande Stacy en sirotant plus lentement son thé.

— Vu l’expression de votre visage, la réponse est oui. Bien, je pense que votre mère s’en donnera à cœur joie de vous réprimander.

— Non, pas ça s’il vous plaît ! s’écrie Stacy, tout en déposant brutalement sa tasse, non sans renverser au passage un peu de thé sur sa robe blanche — quel gourde !

— Vous n’avez pas pris en compte tous les risques !

— S’il vous plaît, docteur. Ce n’est pas de ma faute ! Je ne les retrouvais plus depuis le voyage, j’attendais donc le prochain rendez-vous pour en acheter. S’il vous plaît, ne lui dites rien.

— Navré, ma petite, mais c’est la deuxième fois que vous le faites ! En avril vous avez oublié d’emmener vos médicaments avec vous pendant ces cinq jours de vacances. Si la jeune Océane n’avait pas fait appel aux urgences, vous auriez pu succomber. Et là, vous perdez vos médicaments et au lieu de m’en faire part, vous gardez le secret pour vous. C’en est trop ! D’ailleurs, j’ai prévenu votre mère, elle sera là d’une minute à l’autre.

Elle m'a donnée son coeurWhere stories live. Discover now