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Sander

Le bip incessant des machines va finir par me rendre dingue, deux putains de semaines qu'elles suivent le même rythme, la même courbe. C'est plutôt bon signe en soi, cela indique que Hailey est toujours en vie, mais elle ne se réveille pas, ne fait aucun mouvement, rien. Elle est tombée dans le coma lors de son opération, son cœur s'est arrêté de battre à deux reprises sur la table et pour la première fois, j'ai peur. Peur qu'elle n'ouvre plus jamais les yeux, et ce sentiment, je ne le connaissais pas avant qu'elle entre dans ma vie. Je me sens démuni et faible de ressentir ce genre de chose pour une femme que je connais sans connaître.

Ne plus entendre le son de sa voix quand elle me rembarre est sans doute le plus difficile, j'en suis presque à regretter lorsque nous étions au chalet et que je devais gérer ses crises de manque. Certes, ce n'était pas aisé, mais cela me faisait une excuse pour la rejoindre et l'apaiser. J'ai conscience que je me suis comporté comme un connard avec elle par moment, mais je n'ai pas eu le choix. Carlton a décidé pour elle de son futur, je m'y suis pourtant opposé parce qu'elle ne méritait pas d'avoir une telle vie après ce qu'elle avait subi. Mais finalement, après toutes les révélations qui ont suivi, je comprends pourquoi Carlton s'est acharné ainsi. Hailey, même s'il ne l'a pas élevée, reste sa fille, et dans ce Cartel, on ne touche pas à la famille. Parfois, je me dis que nous ne sommes pas que des trafiquants d'armes, parce que même si nos sentiments sont différents, nous ne tuons pas au hasard. Il y a toujours une raison.

La porte de la chambre s'ouvre sur mon coéquipier. Flash tient deux gobelets de café dans les mains, il m'en donne un en souriant. Il s'installe ensuite sur un fauteuil près de la fenêtre, alors que je me lève du lit sur lequel repose Hailey pour le rejoindre sur l'assise d'à côté.

- Si on allait boire un coup ce soir, ça te sortirait un peu de cet endroit.

D'un geste de la main, il désigne la pièce blanche et impersonnelle à l'odeur aseptisée qui va finir par me foutre la gerbe.

- Hors de question. Je ne la lâche pas tant qu'elle n'aura pas ouvert un œil.

Flash se redresse et appui ses coudes sur ses genoux en me fixant d'un air compatissant. Je sais que de se trouver dans cet hôpital est difficile pour lui, que cela le ramène quelques années en arrière. Je lui ai dit de rentrer, mais il refuse. Je crois que je pourrai en faire un pote, un vrai.

- Elle ne craint plus rien, Juan est mort et sa connasse de mère pourrit dans la cave de la planque.

-Je sais, mais si elle se réveille pendant qu'on n'est pas là, qui va la rassurer ?

- T'es accro ?

Je tourne la tête vivement vers lui, mais aussi étonnant que cela puisse paraître, il ne se fout pas de ma gueule. Il est sérieux.

- Je l'aime bien, oui, dis-je en posant mes yeux sur Hailey.

- Elle est jolie, je peux comprendre.

Je le fusille du regard. Avant Hailey, je ne connaissais pas la jalousie, pour moi c'était impensable, mais je crois que lorsqu'on tient à une personne, c'est normal. Cette nana m'a complètement retourné le cerveau et je n'imaginais pas cela possible.

- Hé ! T'inquiète, je ne vais pas y toucher. Pour que tu me butes ensuite ? Très peu pour moi, j'ai encore des choses à accomplir sur cette terre.

Le ton de sa voix a changé, la rage a remplacé la douceur. Je pose une main sur son épaule, mais il ne me regarde pas.

- Si un jour tu as besoin d'aide, tu peux compter sur moi, lui affirmé-je.

- Merci.

Il se lève d'un bon en souriant, signe que la discussion est terminée. Ce mec est pudique et ne s'étale pas, pourtant je suis persuadé que cela lui ferait du bien de vider son sac et sa colère.

Infiltré (Saga des Snake)Where stories live. Discover now