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Sander

L'ordinateur portable posé sur la table, je fais des recherches sur la dépendance à la drogue. Quatre jours que je me bats avec Hailey pour la forcer à ingurgiter ces putains de médocs. Elle est hargneuse et n'a plus rien à voir avec la gamine prisonnière de la cave. Mes nuits sont courtes, ses crises s'espacent, mais ses réveils sont toujours aussi mouvementés. Dans ces moments-là, elle hurle de douleur, tremble de tout son corps et des gouttes de sueur perlent sur son front, alors pour la calmer au mieux, je la glisse sous une douche bien chaude.

Si dans la baraque de Juan je la laissais se débrouiller, ici je dois m'occuper de la laver, car elle en est incapable. La dévêtir et la toucher dans son inconscience me met mal à l'aise, mais je n'ai pas le choix. Pour ma part, je reste habiller, si bien que je dois changer de fringues plusieurs fois par jour. C'est fatigant, mais le pire, c'est lorsqu'elle se blottit contre mon torse, je me sens obliger de passer mes bras autour d'elle pour la rassurer. Souvent, elle finit par s'endormir, alors je l'enveloppe dans une serviette, puis je la remets au lit.

Concentré sur mes recherches, j'entends le parquet qui craque, puis plus rien. Je lève la tête vers le couloir en face de moi, une ombre se dessine au sol. Je suis stupéfait qu'elle ait réussi à marcher jusqu'ici, alors qu'elle passe ses journées allongées depuis notre arrivée.

- Sander...

Sa voix se perd dans un murmure, je me lève pour la rejoindre, et je la retrouve debout appuyée contre le mur, le souffle court comme si elle venait de courir un marathon. Lorsque je suis à sa hauteur, ses mains se posent sur mon torse, ses jambes fléchissent, j'ai juste le temps de la rattraper avant qu'elle ne s'écroule sur le sol. Tout en la tenant contre moi, j'appuie mon dos contre le mur et me laisse glisser contre celui-ci avec elle.

- Je suis épuisée, marmonne-t-elle en calant sa tête contre mon épaule.

- Ça va passer, réponds-je simplement.

- Je n'y arriverais pas, c'est trop dur.

- Tu t'en sors très bien, Hailey, la rassuré-je.

Nous restons l'un contre l'autre plusieurs minutes. Ces moments de lucidités sont si rares que je les apprécie quand ils reviennent. Ne pas devoir me battre contre elle et son manque me soulage. Elle relève la tête en plongeant son regard dans le mien. Son visage est strié de petites griffures qui disparaissent au fil des jours, ses cheveux bruns sont désordonnés et ses lèvres reprennent une couleur rosée qui indique qu'elle est sur le chemin de la guérison.

Lentement, elle dirige sa main sur ma joue, qui a pris une teinte jaune, puis délicatement elle la caresse du bout des doigts. Son geste est doux, tendre et je me surprends à aimer.

- Tu as mal ?

- Non.

Hailey hoche la tête avant de la reposer contre mon torse. Je pensais qu'elle serait effrayée à l'idée de se retrouver seul avec moi, mais pas du tout. Même si ce n'est pas toujours facile, elle me fait confiance, alors qu'elle ne devrait pas. Dans vingt-six jours, elle sera libre, une légère douleur tord mon estomac à cette idée. Plusieurs mois que je lui colle au train, j'ai appris à la connaître et je sais qu'elle n'est pas celle qu'elle prêtant être. Sans m'en rendre compte, ma tête se pose sur la sienne et je ferme les yeux quelques secondes. Puis ma conscience reprend le dessus, et les mots de Carlton résonnent dans ma tête.

Ne pas s'attacher, pas de sentiment.

- Tu as faim ?

- Un peu, répond-elle.

Je décale Hailey et je me redresse avant de la prendre dans mes bras. Je l'installe sur le canapé près du feu. Elle reste assise à fixer la cheminée en remontant ses genoux contre sa poitrine. Je vais dans la cuisine préparer quelque chose de simple. Je ne suis pas très bon cuisinier, mais je ne m'en sors pas trop mal. Du moins, je n'ai jamais empoisonné personne sans qu'on me le demande.

- Qui es-tu, Sander ?

Mon couteau se suspend au-dessus de la pomme que je m'apprête à couper. Je ne m'attendais pas à une telle question. Elle se tourne pour voir mon visage, ses bras se croisent sur le dossier du canapé et elle pose sa tête dessus.

- Un flic ? Un agent du FBI ? demande-t-elle avec aplomb.

- Rien de tout ça, réponds-je simplement.

- C'est vrai, tu m'as dit que tu n'étais pas un gentil.

- C'est ça.

- Pourtant, tu prends soin de moi, ajoute-t-elle.

Je plante mon regard dans le sien, elle ne cherche en rien à me piéger, juste à comprendre l'homme que je suis. Or, je ne peux rien lui divulguer.

- Et toi, Hailey, qui es-tu ? questionné-je à mon tour.

Un voile de tristesse traverse ses pupilles, elle se mord la lèvre et se détourne en reprenant sa place face au feu. Je n'ai aucune idée du traumatisme qu'elle cache, mais une chose est sûre, je le saurai avant qu'elle quitte les lieux.

Je la rejoins avec un bol de fruits, elle attrape celui-ci sans un mot et mange doucement chaque morceau. Je retourne derrière mon ordinateur sans insister, ouvre la boîte mail sécurisée par le hacker des Snake, je ne le connais pas, mais il semblerait que ce soit un génie. Je lis les dernières avancées de la prochaine mission à laquelle je dois assister à mon retour. Une livraison d'arme en Europe, et ce dernier me confirme que Hailey devra déjà être loin d'ici.

Je lève les yeux vers le canapé, je peux voir ses mains aller jusqu'à sa bouche. Ses cheveux sont remontés avec un élastique que j'ai trouvé dans un tiroir, sa nuque fine me donne des idées que je ne devrais pas avoir. J'ai pas baisé depuis si longtemps que ma queue se réveille au moindre fantasme. Je reporte mon attention sur l'écran afin de penser à autre chose, et ça fonctionne lorsque j'ouvre le nouveau mail de Carlton. Ma mâchoire se crispe, je referme l'ordinateur un peu brusquement ce qui fait sursauter Hailey.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? s'inquiète-t-elle.

- Rien. Tu devrais aller prendre une douche, ça te ferait du bien, craché-je.

Elle fronce les sourcils en me dévisageant, et pose son bol sur la table. Alors qu'elle tente vainement de se lever, je soupire et vais l'aider, mais sa main se lève et m'intime de ne pas bouger.

- Je peux me débrouiller, dit-elle sèchement.

- Parfait, réponds-je sur le même ton.

Je m'éloigne et la laisse se démerder, après tout j'en ai assez fait, et je ne suis plus d'humeur à être sympa. Le message de Carlton m'a refroidi.

Ne faire confiance à personne, même à ceux qui vous ont sorti de la merde.

Un cartel reste un cartel.

Infiltré (Saga des Snake)Where stories live. Discover now