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Sander

Mon regard alterne entre le rétroviseur et la route, Hailey a fini par s'endormir sur la banquette arrière après que je lui ai administrée un calmant. Je n'avais pas d'autre choix afin de rouler tranquillement. Le choc d'avoir assisté au massacre de deux hommes, les cadavres qui jonchaient le sol, plus le manque de sa dose ont eu raison d'elle.

Impossible de m'arrêter en chemin, plus vite nous sommes arrivés au chalet, plus vite je pourrais m'occuper d'elle, et de moi aussi. Ce bâtard ne m'a pas loupé, et une belle marque bleue longe ma joue et ma mâchoire sans parler de la douleur qui me vrille le crâne.

Après plusieurs heures de route, je ne suis pas mécontent de garer le véhicule devant la maison en bois perdue au milieu des montagnes. Je descends de la voiture, l'air est froid, l'hiver est bien présent. Je monte les quelques marches menant à l'entrée pour ouvrir la porte et retourne chercher Hailey.

Sa respiration est calme, son corps détendu, j'ai peut-être un peu trop forcé sur la dose. Mais au moins, elle passera une bonne nuit. Je l'installe sur le canapé et reste accroupi à ses côtés quelques minutes. Son visage pâle est strié d'une multitude de griffes, mes poings se serrent lorsque je pense que c'est l'œuvre de ce connard de Tonio. Si sa poitrine ne bougeait pas, on pourrait croire qu'elle est morte.

Qu'est-ce que je vais faire de toi après ?

Je refuse de songer à tout ça maintenant. Je laisse Hailey dans le salon et prends la direction de la chambre. Lorsque je pénètre dans celle-ci, je reste un moment sur le pas de la porte me demandant si je serais capable de gérer la dépendance de Hailey. Je n'ai pas le temps de m'attarder sur mes réflexions que mon téléphone sonne.

- Ouais.

- Tu es bien arrivé ?

- Oui, à l'instant, confirmé-je à Carlton.

- Bien. Tu trouveras les indications de Doc sur la table de nuit, ça t'aiguillera pour les crises de la gamine.

Je reste silencieux lorsque j'aperçois la pile de boites de médicaments. Elle refuse d'avaler le moindre aliment, comment je vais pouvoir lui administrer tous ces trucs?

- Sander... soupire le chef du cartel.

- Oui.

- Cette fille est une cliente comme une autre. Ne t'attache pas elle, tu en souffrirais bien plus que tu le penses.

Son ton sérieux me surprend, et je le prends comme un avertissement, une mise en garde. Je ne connais rien de la vie privée de Carlton, mais bien qu'il tente de le cacher, je décèle dans sa voix une douleur profonde.

- Je sais ce que j'ai à faire. Je la remets sur pied et elle disparait, réponds-je en serrant les dents.

- Nous ne sommes pas faits pour avoir des sentiments ni une quelconque relation. Ne l'oublie pas, Sander.

Je n'ai pas le temps de protester ni de lui demander comment va sa blessure qu'il a déjà raccroché. Cette fille ne m'intéresse pas, aucune chance que je me laisse attendrir. Ce que je fais pour elle, c'est uniquement parce que j'ai échoué lors de ma surveillance et que toute cette merde est arrivée par ma faute. Je lui dois bien une vie descente.

Je saisis le papier et lis attentivement les recommandations de Doc. Il était déjà là quand j'ai intégré le Cartel, c'est un homme un peu étrange, mais très intelligent. Il reste toujours enfermé dans son cabinet à soigner les Snake, et du plus loin que je me souvienne, je ne l'ai jamais vu sur le terrain.

J'attrape toutes les boites et les planque dans la salle de bain attenante à la chambre. Je retourne dans le salon où Hailey dort profondément, puis je l'emmène dans le lit, et la recouvre jusqu'aux épaules avant de quitter la pièce.

Le feu crépite dans la cheminée, je fixe celui-ci depuis maintenant trois bonnes heures. Le sommeil n'a pas voulu de moi, même après avoir détendu mes muscles sous la douche, impossible de fermer l'œil. Je m'allonge pour la énième fois sur le canapé, je pourrais aller dans l'autre chambre, mais si Hailey a besoin de moi, je ne l'entendrai pas.

Je soupire en fermant les yeux, je rejoue en boucle les scènes morbides de la soirée. J'ai saigné ce bâtard de Tonio, sans hésitation, et je n'ai aucun remords. Carlton a raison, même si je le voulais, il me serait impossible de m'attacher à une femme ni de lui offrir une vie digne d'un couple normal. Je suis né pour tuer, faire souffrir sans éprouver le moindre regret.

Mes paupières s'alourdissent, alors je me laisse aller à cet endormissement imminent. Je ne lutte pas, bien trop épuisé pour ça. À peine ai-je fermé les yeux, que je les rouvre rapidement, des bruits proviennent de la chambre de Hailey. En moins de temps qu'il le faut pour le dire, je suis debout et me dirige vers celle-ci.

J'appuie sur l'interrupteur et mon sang se glace face à l'horreur qui se joue devant moi. J'ai assisté à des choses plutôt glauques, mais jamais à ce genre de scène, et je reste comme un con sur le pas de la porte. Le regard dans le vide, Hailey se déchire le visage à l'aide de ses ongles sans avoir conscience de ses actes. Je pensais que ces stries provenaient de la perversité de ces connards, mais non, elle se les inflige elle-même. Je sors de ma torpeur et m'approche prudemment de la brune ne sachant pas vraiment comment me comporter. Cette crise n'a rien à voir avec les autres. Puis je percute, qu'elle n'a eu aucune dose depuis le matin.

Elle est violente, alors je fais comme à mon habitude, je saisis ses poignets et les écarte de son visage. Elle se débat avec tant de force que j'en suis étonné, puis son regard plonge dans le mien.

- Il va revenir, dit-elle paniquer.

Elle est en plein délire, je la force à se rallonger et par miracle elle se laisse faire. Je me cale dans son dos et l'entoure de mes bras en prenant soin de garder ses mains plaquées contre son ventre. Sa respiration est saccadée et son corps tremble sans qu'elle puisse le contrôler.

- Calme-toi Hailey, je suis là. C'est terminé, tu es en sécurité.

Après plusieurs minutes à lutter, elle se détend et finit par s'endormir. Je ne bouge pas d'un centimètre, même lorsque ses fesses s'appuient sur ma queue, qui trouve que c'est une bonne idée de se lever dans une telle situation. Je maudis mon abstinence forcée depuis des mois.

Le reste de la nuit est une horreur, Hailey se réveille à plusieurs reprises en tremblant, elle hurle de douleur en se maintenant le ventre. Elle m'implore de mettre fin à son calvaire, qu'elle n'a plus rien à perdre! Je ne sais pas comment réagir et me sens démuni face à son comportement. Je lui administre tant bien que mal les gélules, qu'elle refuse d'avaler. Elle m'insulte, me lancent des regards assassins, mais je ne lui en tiens pas rigueur. Elle n'est pas dans son état normal.

Je suis épuisé. Pourtant, je ne quitte pas le lit et caresse sa chevelure distraitement pour lui signifier que je suis là, près d'elle et qu'elle ne risque plus rien.

La patience n'est pas mon point fort, devoir subir ses crises de manque durant des jours va avoir raison de moi. Je savais que ce ne serait pas de tout repos, alors je me persuade que plus le temps va avancer, mieux elle se portera. Du moins, je l'espère.

Infiltré (Saga des Snake)Where stories live. Discover now