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Sander

Le soleil commence à se lever lorsque je franchis les grilles de la villa de Monsieur Brackford. Après mon échec cuisant sur la surveillance de Hailey, je dois rendre des comptes à mon employeur.

Je n'ai pas le temps de sonner que la porte s'ouvre devant le propriétaire des lieux, vêtu d'une robe de chambre, dont le regard pourrait me tuer sur place. Il s'écarte pour m'autoriser à entrer et sans un mot emprunte le couloir qui mène à son bureau. Je le suis sans broncher, enfin pour l'instant.

À peine avons-nous pénétré dans la pièce que Monsieur Brackford s'emporte, me traitant d'incapable, de bon à rien et que ma réputation n'est que calomnie et mensonge.

— Comment tu as fait pour la laisser te filer entre les pattes ?! hurle-t-il.

— J'ai rien vu d'inhabituel par rapport aux autres fois, mentis-je. Elle dansait et...

— Elle dansait ? s'étonne-t-il en m'interrompant.

Et oui, ta fille chérie est une alcoolique qui se fait baiser au moins trois soirs par semaine au lieu de réviser tranquillement ses cours dans sa chambre d'étudiante.

— Une sortie entre copines, ça arrive de temps en temps.

Mon employeur s'assoit lourdement sur son fauteuil, il glisse une main sur son visage complètement anéanti, la douleur qui se lit sur celui-ci est bien réelle. Pourtant, il ne fait rien pour arrêter ce qui a conduit sa progéniture à être traquée par ces hommes.

Je n'ai jamais failli à aucune de mes missions, dire que je supporte bien l'échec de celle-ci serait mentir. Je n'ai pas été assez vigilant et j'aurais dû dégager la rousse dès que Hailey avait franchi la porte.

— Tu vas infiltrer leur groupe !

Je hausse un sourcil, il n'est pas sérieux là ? À en croire sa tête et la colère qui l'anime. Si, il l'est. Le vieux riche m'a expliqué brièvement avoir reçu plusieurs menaces pour je ne sais quelle raison et j'avoue ne pas vouloir la connaître, moins j'en sais mieux je me porte.

— Non, non, non, dis-je calmement.

— Si Sander, tu vas sortir ma fille de ce cartel de drogue.

Il se penche vers moi, son regard torve ne m'empêche pas de lui tenir tête. Je ne poserais plus jamais les pieds dans ce milieu, c'est trop risqué. Je me suis mis au vert, il y a trois ans. Aujourd'hui, je me contente de la sécurité d'homme d'affaires, ou de personnalités et ça me convient parfaitement. Les gangs, et tous les ennuis qui vont avec, sont derrière moi.

— Avec tout le respect que je vous dois, Monsieur Brackford, vous vous êtes foutu tout seul dans la merde. Je refuse d'intégrer ce groupe, la discussion est close.

Je me lève prêt à franchir la porte, lorsque sa voix résonne dans mon dos.

— Je double ton salaire.

Je fronce les sourcils, si j'accepte, je peux quitter le pays et recommencer ma vie ailleurs. Je fais mine de réfléchir, comment cracher sur une telle opportunité ?

— C'est toujours non.

— Sauve ma fille Sander, demande-t-il suppliant.

Si j'avais le moindre sentiment, il me ferait presque de la peine. Or, je n'en ai pas, surtout envers ce genre de personnes qui viennent pleurer une fois qu'ils réalisent qu'il est trop tard.

— Elle est tout ce qu'il me reste, capitule-t-il.

— Votre femme s'est barrée avec un homme honnête ? demandé-je narquois.

— Non, elle est... décédée... dans un accident de voiture.

J'observe le père désemparé en face de moi et quelque chose me dit que cet accident était prémédité. Je lâche la poignée, reviens sur mes pas et me poste devant le vieux les bras croisés.

— Le triple et j'infiltre le cartel.

— Deux et demi, négocie-t-il.

— Désolé, votre fille terminera comme votre femme.

Il pousse un long soupir suivi d'un grognement. J'avais raison, son épouse a été assassinée. Il s'enfonce un peu plus dans son fauteuil. Un combat avec sa conscience est sans doute en cours, et je prends plaisir à voir un homme de cette trempe complètement paumé.

Il ne me lâche pas. Je sais de quoi il est capable et je ne supporterais pas de perdre ma fille.

— Vous avez le choix. Vous triplez mon salaire ou vous vous démerdez.

Il fixe ses poings serrés sur son bureau, je ne suis pas un tendre et la pitié des autres ne m'atteint pas. Chacun fait des erreurs, moi le premier et Dieu sait que j'en ai cumulé. J'ai morflé à plusieurs reprises, j'étais jeune, insouciant et surtout j'avais besoin d'argent pour vivre.

— D'accord, j'accepte.

— La moitié maintenant et le reste quand je vous ramène votre fille, négocié-je.

Il acquiesce avant de se diriger vers un coffre planqué derrière un tableau hors de prix. Il en sort une mallette qu'il ouvre devant moi, celle-ci est remplie de billets bien rangés.

— Je ne veux pas de liquide, dis-je sèchement.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas d'où vient ce pognon.

— Tu es loin d'être idiot, marmonne-t-il.

— Je vais prendre ça comme un compliment. Un chèque de votre entreprise fera l'affaire.

— C'est impossible.

— Eh bien, dans ce cas trouvez-vous un autre pigeon.

Cette fois-ci, je quitte le bureau sans un regard en arrière. Une fois les portes de la villa franchies, je rejoins mon véhicule garé plus loin. Je n'ai pas dormi de la nuit et j'ai vraiment besoin de me reposer. Je suis mort avec toutes ces sorties en boîte et puis je déteste ce genre d'endroit.

Je monte dans la voiture et démarre, je m'apprête à m'engager sur la route lorsque Monsieur Brackford surgit devant mon capot. Je souris en voyant le papier qu'il tient entre ses doigts. Parfait, il a plié. Je baisse la vitre alors qu'il reprend son souffle difficilement.

— Voilà.

J'arrache le chèque de ses mains, vérifie la somme et le pli en deux pour le glisser dans la poche de mon jean.

— Tu as trois semaines pour la sortir de là, m'ordonne-t-il.

— C'est comme si c'était fait, réponds-je en m'introduisant sur la route.

Une fois arrivée chez moi, je file sous la douche avant de rejoindre mon lit. Je ferme les yeux et réfléchis comment infiltrer le cartel sans que cela ne semble louche. Je ne vois qu'une seule solution et elle ne me plaît pas le moins du monde.

Infiltré (Saga des Snake)Where stories live. Discover now