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Couvert par la lueur d'un soleil couchant.

        Assis sous un grand chêne, bariolé par la lueur d'un soleil couchant, Émile observait distraitement la lame scintillante qu'il tenait entre les mains. Il n'arrivait pas à se remémorer distinctement la série d'évènements déroulées dans les tréfonds de l'antre du dragon. D'abord, il y avait eu ces injures sorties de nulle part, puis cette boule de feu immense, et finalement son atterrissage fortuit sur le dos de ce pauvre voleur.

        Ce qui s'est passé entre la boule de feu et sa chute en pleine forêt était un total mystère. Émile n'en conservait aucun souvenir. Mais encore pire que de ne pas se rappeler, il n'arrivait pas à s'expliquer comment cela pouvait-être possible. Du moins, possible considérant l'état dans lequel il en était sorti. Pas une égratignure, pas une brulure, pas même un cheveu déplacé. Cela était plus que de la chance, cela n'était pas naturel. Toutes ces irritantes interrogations éraflaient la curiosité du garde royal. Il y avait forcément une explication.

        Sous les méninges de son cerveau, une idée embryonnaire commençait quelque part à gratter la carlingue. Mais trop farfelue pour s'afficher au grand jour, elle préférait rester dans l'ombre encore un peu. Cette idée refoulée mettait en vedette sa nouvelle épée récupérée dans les caveaux du château. Quelque chose au fond de lui disait que cette lame était beaucoup plus qu'un bout d'acier poli.

        Bon, assez de réflexion pour le moment. Il avait déjà perdu beaucoup de temps à aller reconduire poliment* ce pauvre Ludwig chez l'apothicaire, il devait retourner au château rapidement. En rengainant l'épée dans son fourreau, Émile crut entendre une petite voix étouffée l'injurier discrètement**. Tournant la tête pour constater que personne n'était en vue, il reprit doucement son chemin, tenant désormais une main ferme sur le pommeau de sa lame.


* Poliment, dans le sens qu'il lui avait poli le dos en le trainant par un pied sur toute la distance.

** Le cerveau humain est particulièrement efficace à filtrer les petites voix. Enfin celui des gens sains d'esprit.

Chroniques Frivoles d'un Royaume ModesteWhere stories live. Discover now