Plan d'attaque

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Mes paquets à la main, je me jetai sur le lit. Ce n'est qu'au bout de quelques minutes que je remarquai l'odeur. J'inspirai fort. Enivrante. Une fragrance subtile. Sur mon bureau, dans un vase transparent, un splendide bouquet de fleurs blanches parmi lesquelles des lys. Une carte l'accompagnait. Je lus le mot signé de sa main et je compris vite que Stewart avait cafté. Son écriture était belle, fluide, lisible. Je sentis qu'il avait pris son temps pour écrire, les lettres étaient bien dessinées, pleines.

« Je suis désolé pour ce matin, c'est un sujet que nous n'avions pas abordé. C'est une précaution que je dois vous imposer. Faites moi confiance. Alexander.»

Quelle délicate attention, quel gentleman mais quel culot aussi ! Comment pouvait-il penser que j'allais me laisser faire ainsi grâce à un bouquet de fleur ? Je ne passerai pas une autre journée ainsi. Je me connectai espérant que Sarah serait au rendez vous. Personne en ligne.

Je me mis alors en quête d'informations sur Londres, le métro, les bus, tout ce qui pourrait m'aider à m'échapper. Mes recherches furent fructueuses, j'étais prête. Demain serait ma journée.

Sarah se connecta tard.

Sarah : Ah !! tu es là

Moi : 😄Oui !! tu vas bien ?

Sarah : Oui très bien. Il me tardait d'avoir de tes news. Comment s'est passé ton repas.

Moi : Très bien. Tout est clair. Ça va être dur

Sarah : 😳 Raconte

Moi : j'ai la lourde mission de lui apprendre à parler français en transformant son magnifique accent anglais .

Sarah : 🤨et ben dis donc. Pas facile

Moi : On commence après demain

Sarah : 😋 cool !!

Moi : je suis allée chez Harrods aujourd'hui.

Sarah : Pff tu m'énerves.

Moi: j'ai craqué sur une paire de Manolo Bhlanik.

Sarah : Quoi ? Tu plaisantes ? J'en reviens pas 😱

Moi : Moi non plus !! Lol 😂

Sarah : t'as passé une bonne journée alors ?

Moi : ben disons que je n'ai pas autant de liberté que prévu.

Sarah : Mince. C'est dommage. Qu'est ce que tu vas faire ? Tu vas t'échapper ?😎

Moi : Lol ..Oui, demain je m'évade.

J'expliquai à Sarah ma tentative d'évasion prévue, mon stratagème. Elle me donna quelques conseils complices, me souhaita bonne chance et bonne nuit en même temps. La fatigue nous gagna toutes les deux et je ne me fis pas prier pour aller me coucher.

Dans mon sommeil, je crus entendre le piano...

Le lendemain, après un bon et évidemment copieux petit déjeuner. Je répétai intérieurement et minutieusement mon plan d'attaque : opération Freedom.

Je fis savoir à Stewart mon envie de retourner sur Londres comme si de rien était. Dans la voiture, je restai muette, mon ventre se nouait au fur et à mesure des kilomètres.

Mon objectif était Carnaby Street. Le trajet fut le même que la veille. Laissant au loin Harrods, la Jaguar passa Hyde Park Corner pour s'engager sur Piccadilly Circus et son carrefour aux enseignes publicitaires lumineuses. Que j'aimai ce lieu ! extrêmement festif surtout la nuit. La circulation devint de plus en plus difficile, mon plan se peaufinait. Mon estomac se tordait, je commençai à transpirer.

Allais-je avoir la force d'aller jusqu'au bout ? Mes jambes commençaient à s'engourdir, mes mains étaient moites, je serrai mon sac contre moi.

La voiture s'engagea sur Regent Street. Je sentis monter en moi une poussée d'adrénaline qui me permit de m'approcher de la portière discrètement. Encore quelques devantures de magasins et ce serait bon. Je comptai sur ma bonne étoile pour qu'un bel embouteillage s'intensifit au bon moment. Je me trouvai à quelques mètres de Regent Place, mon issue de secours, ma porte de sortie se rapprochait.

La voiture ralentit soudainement.

Mes jambes toujours aussi lourdes semblaient ne pas vouloir répondre à mes appels de me propulser à l'extérieur. Je mis la main sur la poignée de la portière, prête à tirer dessus pour ouvrir.

Un arrêt. Non ce n'était pas le bon, il ne fut pas suffisamment long. Je respirai doucement essayant de calmer les battements de mon cœur. Ma cage thoracique était comprimée et j'eus la sensation que mon cœur voulait en sortir en l'explosant.

Nouvel arrêt. Je vis Stewart se pencher légèrement pour voir se qu'il se passait. Je fermai les yeux et comptai jusqu'à trois. Je savais qu'il fallait que je coure le plus vite possible.

C'était maintenant.

Une occasion aussi belle ne se représenterait pas si vite. Ma main se crispa et d'un coup sec j'ouvris la porte, je fus comme aspirée vers l'extérieur. Je me mis à courir vers l'arrière de la voiture pour traverser sans me retourner. J'entendis alors la voix de Stewart qui m'appelait de la voiture, qui me suppliait de revenir. Je vis les véhicules redémarrer, je redoublai d'efforts dans ma course, mon cœur affolé semblait au bord de la crise cardiaque mais une force , une soif de liberté me poussait vers l'avant toujours plus loin, je bousculai les passants qui s'arrêtaient pour me lancer des regards furibonds. Pas le temps de m'excuser. Beak street était là. Ça y est... j'avais presque réussi. Je savais que Stewart ne pourrait pas me suivre à cause du sens unique que j'avais repéré sur mon plan. Je ralentis vers ma porte de secours et me retournai pour la première fois, la peur au ventre,  à nouveau Stewart me faisait de grands signes de la voiture pour que je revienne. Je jetai un coup d'œil, à ma droite ma bouffée d'oxygène, à ma gauche mon collier et ma laisse. Je choisis de respirer une bonne fois pour toute. Un dernier temps d'hésitation, un dernier cas de conscience, un dernier regard, un dernier sourire en coin, un haussement d'épaule et je laissai ce pauvre Stewart seul dans sa Jaguar. Je repris ma course moins effrénée cette fois juste pour prendre un peu de marge au cas où.

J'imaginai l'appel envoyé à Alexander mais mon besoin insatiable d'être enfin seule fut la plus forte.

Juste Londres et moi comme deux amants qui se retrouvent après une longue séparation. D'abord hésitants puis s'effleurant du bout des doigts pour se jeter dans les bras l'un de l'autre ivres de passion ne reprenant leur souffle qu'un coup sur deux.

R.E.A.LWhere stories live. Discover now