Les Survivants II

ψ Chapitre 26 ψ

Il est là, à peine cent mètre devant. J'arrive à ressentir d'ici toute la rage qui émane de son corps. Comment a-t-il pu devenir comme ça ? Qu'est-ce qu'Atkins lui a dit ? Je dois me contrôler, je sens les pulsions meurtrières qui sont tapis dans mon cœur remonter à la surface. Je regarde Léon, puis Allan.

— Nous devons coûte que coûte récupérer Gab, il fait parti des survivants.

Les deux garçons baissent les yeux. Ont-ils renoncé à le sauver ? Allan relève néanmoins la tête.

— Alice, nous devons faire évacuer les paysans qui sont dans le Terbang pour le moment. Les emmener à la surface. Atkins n'hésitera pas à donner l'ordre de les abattre si nous ne nous focalisons pas sur eux.

— Il a raison, approuve Léon. Gab n'est pas réellement en danger pour le moment. Tant qu'il est à la botte d'Atkins il ne risque rien !

Je sais qu'ils ont raison, que je dois les écouter. Mais mon cœur... mon cœur me fait mal. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que j'ai l'impression qu'il se serre si fort qu'il risque d'exploser ? Je dois prendre une décision. Mais vais-je faire le bon choix ? Je regarde autour de moi, mes amis essuient des tirs de la part des soldats. La plupart sont abrités derrière des caisses de bois, prêtes à céder à la prochaine rafale. Je regarde Méléna plus loin sur ma droite, je vois la peur l'envahir. J'utilise ma vision, ce ne sont que des cercles bleutés autour de mes amis. Ils ont peurs, ils ne sont pas entraînés pour ça.

— Très bien, conclu-je. Nous allons évacuer le premier groupe de paysans à la surface. Mais ils vont tenter de détruire le Terbang.

— Il faut le couvrir, répond Allan.

Je hoche énergiquement la tête une fois.

— Les amis ! Hurlé-je. Nous évacuons le premier groupe de paysans à la surface !

Tout le monde recharge alors son arme, et j'entends des cliquetis venir de toutes part.

— Joshua ! hurlé-je à l'attention de mon ami accroupi contre le Terbang. Emmène le premier groupe à la surface, et reviens chercher le deuxième !

Puis, je me relève à genoux, tandis que tout le monde se prépare.

— A mon signal ! Hurlé-je aussi fort que je le peux.

Chacun est prêt, je le sens. Le Terbang s'élève dans le ciel.

— Feu !

Tout le monde tire en direction de l'ennemi. Je fais bien attention à ne pas viser dans la direction de Gab. Nous faisons reculer les soldats, certes peu de temps, mais c'est toujours ça. Le Terbang passe le plafond de verre, et disparaît de nos champs de vision. J'en profite pour rejoindre Méléna et Karla sur ma droite.

— Ça va les filles ? Demandé-je.

— J'ai bientôt plus de munition, m'informe Karla.

— Moi non plus, ajoute Méléna.

Zut, c'est problématique.

— Il reste encore du monde à évacuer. Certain sont cachés dans les maisons, il faut absolument faire sortir toute la caste aujourd'hui, et rapidement, expliqué-je.

— Oui, me soutiens Méléna. Si les renforts arrivent on risque d'être mal barrés.

J'observe les Iclahomas qui ramènent petit à petit des paysans. Ce sont les mieux placés pour aller les chercher. Je me dirige en direction de Nash, sous une pluie de balles. L'odeur du sang et de la poudre commence à monter dans l'air. Je prends une grande inspiration, c'est l'odeur de la guerre. Cette guerre que nous allons gagner.

— Majesté, s'incline Nash quand j'arrive près de lui.

— Il faut rassembler les dernier paysans, expliqué-je. Toi et tes troupes êtes les mieux placés pour le faire. Utilisez la vision, ramenez les ici, et nous les évacuerons avec le Terbang.

Il hoche la tête avec respect, et donne les ordres à ses subordonnés. Les Iclahomas partent dans toutes les directions, se faufilant dans les maïs comme des bêtes sauvages. Je retourne mon attention sur le champ de bataille. Les ennemis ont repris du terrain. Nous devons tenir jusqu'à l'évacuation totale de la caste. Je reprends mon arme et me concentre. Je pose mes coudes sur la caisse de bois derrière laquelle je me suis abrité. J'inspire un grand coup par le nez, puis souffle par la bouche.

A droite.

Un soldat se lève pour tirer. Je vise, appuie sur la gâchette, et en même temps que les balles filent mon corps tressaute. Touché. Je continu comme ça, visant, tirant, touchant, ratant parfois. Jusqu'à ce que le Terbang revienne vidé. Il se pose derrière moi, et les bourrasques causées par ses hélices me décoiffent. Au même moment, je sens la présence d'une dizaine de personne arriver à vive allure dans notre direction. Avec la vision je ressens l'énergie vitale des gens, mais je ne peux pas savoir de qui il s'agit exactement, c'est tout le problème. Je braque mon arme en direction du groupe de personne, qui arrive à une vitesse folle. Soudain, jaillis du champ de Maïs un camion, fracassant au passage une palissade. Nash est au volant, et une dizaine de paysans sortent de l'arrière. Un sourire s'esquisse sur mon visage. J'imagine la tête que va faire Atkins quand il va voir que toute une caste entière à disparue. Nashoba descend du camion, et je remarque à son visage que quelque chose ne va pas.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Nous avons découvert au nord de la ville un bâtiment qui contient tout un tas de cœur d'Iclahomas !

— Parfait ! M'exclamé-je. C'est tout juste ce qu'il nous faut !

Nashoba me regarde dans les yeux. Je perçois toute la souffrance au fond de son cœur, qu'il ne laisse transparaître à aucun moment. Ces cœurs d'Iclahomas, ce sont les cœurs de son peuple, peut-être même de gens qu'ils connaissaient. Karla arrive à notre niveau, à moitié en rampant.

— On a plus de munitions Alice. Qu'est-ce qu'on fait ?

Je dois réfléchir rapidement, prendre les bonnes décisions.

— Combien reste-t-il de paysans ? Demandé-je à l'attention de Nashoba.

— Je viens de ramener les derniers, m'informe Adriel qui nous rejoint lui aussi.

Nous sommes tapis derrière le camion, sous le bruit d'une pluie de balles incessante. C'est notre dernier coup avant de partir.

— Parfait, alors voilà ce qu'on va faire, commencé-je. Tous les quatre, avec le camion on va se rendre à l'entrepôt. Les Survivants vont rester près du Terbang pour protéger les paysans et nous attendre. Quant aux Iclahomas, Nash, il faudrait qu'ils récupèrent tous les cœurs de la ville. Tu penses que c'est possible.

Mon ami se tiens le menton, semble réfléchir.

— Nous n'avons plus beaucoup de temps, nous n'avons plus de munitions pour certains, et les soldats avance. Je pense que s'ils voient qu'on se disperse ils vont faire de même. C'est peut-être une bonne chose. Je vais informer les autres de leur mission, informe tes amis.

Les yeux de Nash se referment lentement, et je ressens une énergie inconsidérable. C'est comme la fois où je l'ai rencontré avec Karla. Il communique avec les autres. Je dois faire pareil.

— Allan ! Léon ! Repliez-vous près du Terbang !

Mes deux amis se retournent, et courent vers l'engin, en se cachant derrière une caisse de bois. Méléna les rejoint, elle m'a entendu aussi. Ils sont à présent à moins de deux mètres de moi.

— On va récupérer les cœur d'Iclahomas au nord, tenez bon encore un peu, on fait vite.

Je vois dans leurs regards qu'ils me font confiance. Ils remettent leurs vies entre mes mains. Je regarde Josh et Giana dans le Terbang. Je mime simplement un tapotement du doigt sur une montre imaginaire à leur attention. Joshua me comprend tout de suite, puisqu'il me répond en montrant son pouce en l'air. Je me retourne vers Nash, Adriel et Karla. Ils sont prêts. Nous grimpons dans le camion, en direction de l'entrepôt. Le temps est compté, nous n'avons bientôt plus aucunes munitions. C'est la dernière ligne droite. Si nous parvenons à récupérer les paysans et les cœurs d'Iclahomas de toute la caste, ce sera un très gros coup dur pour Atkins. Je suis plus déterminée que jamais.