ψ Chapitre 1 ψ

2.5K 193 42
                                    

Au moment où cet immeuble s’était écroulé, j'ai cru mourir. J'ai cru que c’était la fin, que ma vie s’arrêterait là. Mais au dernier moment, à la dernière seconde, tout avait basculé.
Je sais que je suis en vie, je le sent. Ce que je ne sais pas en revanche, c’est si les autres le sont aussi. Il m’a semblé entendre Ayden crier mon nom au moment où j'ai perdu connaissance. Mes souvenirs sont flous et incomplets. Que s’était-il passé ? Combien de temps étais-je restée inconsciente ?
Je suis allongée sur quelque chose de moelleux. Probablement un lit. Cette impression de déjà-vu me provoque des frissons dans tout le corps, malgré la chaleur ambiante. Je repense à l’expérience et ma mémoire devient brumeuse.
J’ai horriblement chaud et manque d’air. Mes yeux sont collés et ma bouche est aussi sèche qu’un désert. J’ai du mal à respirer, et sent la sueur s’écouler sur mes tempes. Je n’ais aucune idée d’où je suis, ni de ce qui s’est vraiment passé. Tout ce dont je me rappelle, c’est avoir vu un Scorpion Rouge, avoir couru, et puis plus rien.
J’essaye de bouger mes doigts, puis mes mains, et enfin mes bras. Tant bien que mal, je me redresse sur un coude, les yeux toujours fermés. Je porte une main à ma tête encore douloureuse. Je réussis finalement à m’asseoir. J’ouvre les yeux, et regarde autour de moi.
Je me trouve dans une petite pièce, creusée à même la roche, dans une pierre orangée. C’est une chambre, avec un lit, sur lequel je me trouve. À gauche est disposé un bureau en bois, et une chaise de bureau à roulette usée. De l’autre côté, une étagère remplie de livres poussiéreux semble être là depuis des siècles. Des photos sont accrochées au mur. Face à moi, se trouve un rideau orange à fleurs jaunes, qui sert probablement de porte. Je suis rassurée, où que je sois, ce ne peut pas être pire que dans les souterrains.
Le rideau s’ouvre, me faisant sursauter, et un enfant d’une dizaine d’années apparait. Est-ce lui qui m’a amené ici ? Non, impossible.
Il ouvre de grands yeux ronds en me voyant assise sur le lit. Il repart aussitôt d’où il est venu, et je l’entend crier.
— Está despierta ! Está despierta !
Je ne connais pas cette langue, je ne comprend rien du tout. Qu’est-ce que je fais ici ? Quelqu’un entre brusquement. C’est une fille, elle est incroyablement belle. Elle a les cheveux longs, ondulés et noirs comme la nuit, ainsi que des yeux marron en amendes. Ses lèvres pulpeuses s’étirent en une moue de mécontentement.
— Como te llamas ? De dónde vienes ? Qué estaba haciendo tan cerca de la ciudad ? Dit-elle à toute vitesse.
— Quoi ? M’offusqué-je. Je comprends rien.
La jeune fille ouvre une bouche béante, comme je venait de révéler quelque chose d’extraordinaire. Puis, la brune reprend un air grave, et s’approche de moi. Elle se penche pour observer ma tête. Puis l’inconnue se relève et m’invite à la suivre d’un geste de la main. J’hésite, mais c’est mon seul moyen d’avoir des réponses.
Nous sortons de la pièce, pour atterrir dans un grand couloir, lui aussi taillé dans la pierre. Celui-ci comporte une multitude de trous sur la droite, bouchés par de grands tissus. La guide s’arrête devant le seul trou qui se trouve à gauche. Celui-ci est bouché par un tissu aux couleurs criardes. Je repense alors à Jazz, et j’ai un pincement au cœur.
— Diego ? Appelle la brune devant le pas de la porte.
— Sí ? Répond une voix d’homme derrière le rideau.
La jeune fille me fait signe de rester dans le couloir, en entrant seule. Je n’ai pas le choix je dois écouter ce qu’on me dit. Je ne sais pas où je suis, ni qui sont ces gens, il ne faut pas que j’agisse sur un coup de tête.
Au bout de quelques minutes, la fille ressort avec un homme. Il semble plus adulte et plus mûr, il me dévisage. Ses cheveux sont aussi noirs que ceux de la fille, et ses yeux ne laissent paraître aucun sentiment. L’homme part dans une nouvelle direction, suivit de la fille, et de moi-même qui ne comprend toujours rien à la situation. Puis, ils entrent dans une nouvelle pièce, plus spacieuse, plus meublée. C’est indéniablement une maison, taillée à même la roche.
Un vieillard apparait d’une pièce adjacente. Il a les cheveux et la barbe blanche, et il est vêtu d’une sorte de toge orange.
— Antonio, commence le plus jeune des deux hommes. Esta chica habla inglés. Puede ser una espía. Ella quiere saber dónde nos escondemos !
Je ne comprend pas ce qu’ils disent, mais je sais qu’on parle de moi au vu des geste du fameux Diego.
— Mhh… fait le vieil homme en me regardant. Tiene pruebas de lo que dice ? Ha hablado con ella ?
— No, pero… Répond le plus jeune.
La fille brune ne m’a pas lâché du regard une seule seconde. Je n’écoute plus la conversation incompréhensible des hommes, et me focalise sur la jeune inconnue. Je n’arrive pas à savoir ce qu’elle pense, elle a le regard vide. Parle-t-elle ma langue ? Arriverons nous à nous comprendre ? La brune retourne son attention sur ses camarades. Le vieil homme vient de s’adresser à elle dans leur langue, et elle acquiesce.
— Suis moi, m’ordonne-t-elle.
J’ai un temps de non-réaction, surprise que la brune parle ma langue. Il faut que j'en sache le maximum sur ma présence ici et sur mes hôtes.
— Qu’est-ce que je fais ici, qui êtes-vous ? Où sommes-nous ? Pourquoi vous parlez une autre langue ? Et…
— La ferme ! Hurle la brune. Tu poses trop de questions, tu te tais maintenant.
Je préfère ne pas répondre, et me contente de suivre mon guide. Mieux vaut ne pas s’attirer d’ennuis.
Elle m’emmène dans ce qui semble être un réfectoire. La jeune inconnue me sert dans une assiette creuse en bois, une mixture épaisse et jaune. Je grimace discrètement devant ce qu’on me sert, cela n’a pas l’air appétissant du tout.
— C’est des pommes de terre, m’indique la brune. Mange.
Je n’avait jamais rien mangé de tel, mais c’est plutôt bon. Je déguste jusqu’à la dernière goûte mon repas.
Puis, elle me fixe droit dans les yeux :
— Quel est ton nom ?
— Je m’appelle Alice, et toi ?
La fille ramasse l’assiette, et la jette dans un évier.
— Je suis Karla. Comment se fait-il que tu étais si proche de la ville ? Ne sais-tu pas que c’est dangereux ?
— Dangereux ? Répété-je.
Karla pousse un long soupire.
— Sérieux, tu dormais pendant l’apocalypse ou quoi ?
L’apocalypse.
Ces mots raisonnent dans ma tête. Karla doit parler de l’irruption solaire. C’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’il fait si chaud et sec. Je décide de retirer ma lourde veste, je transpire. Je me trouve à présent dans mon haut noir sans manche. Karla recule d’un coup, et fait tomber son tabouret. Je suis surprise.
— Impossible ! S’étouffe-t-elle. Ce tatouage…
— Qu’y a-t-il ? Demandé-je, ne comprenant pas sa réaction.
Karla pointe du doigt mon bras gauche, que je regarde alors. Même s’il est presque totalement effacé, mon tatouage est toujours là.
— Tu viens d’en bas ?! Hoquette Karla.
Tout en levant mes paumes vers elle, j’essaie de la calmer. Karla doit parler des Souterrains. « En bas », c’est sûrement ça.
— Oui, je viens des Souterrains, finis-je par dire. Pourquoi tu t’énerve ?
Karla frappe la table du poing, la faisant vibrer. Une rage impressionnante émane d’elle. Je ne saurais expliquer ce que je vois, ce qui s’y rapproche le plus c’est le feu. Un feu d’un noir et opaque, entour le corps de Karla. Je décide d’appeler cette nouvelle faculté la vision d’aura.
Elle se met soudain à crier :
— Tu oses me demander pourquoi je suis en colère ? Tu n’as même pas idée ! Pendant que tu te la coulais douce en bas, et que tu étais protégée d’Eux, nous, on risquait nos vies tous les jours juste pour un seau d’eau. Tu n’as pas vu ce que j’ai vu, les horreurs que mon peuple a vu ! Tu es une enfant gâtée par ses parents, qui ne connaît rien du monde extérieur. Ça ne m’étonne pas que tu te sois approchée si près de la Ruche !
La Ruche.
Encore ce mot. J’essaie d’assimiler tout ce qui est train de se passer, tournant les pièce de ce puzzle dans ma tête. Apparemment, Karla a une dent contre les habitants des Souterrains. Mais elle a tort sur une chose, si quelqu’un a été gâté et se la coulait douce, ce n’est sûrement pas moi.
— Tu ne connais pas ma vie, me défendis-je. Les souterrains sont loin d’être ce que tu crois. C’est la misère, il y a des esclaves, une hiérarchie complètement stupide. Le gouvernement fait croire au peuple que l’air n’est pas respirable à l’extérieur. Ils enlèvent des enfants pour faire des expériences sur eux, je suis l’un de ses enfants sois dit en passant. J’ai dû enterrer une amie à moi, j’ai été obligé de tuer des gens qui voulaient ma mort. Tu ne sais pas ce que j’ai subi pour en arriver là.
Je dois me calmer, contenir ma rage. Karla semble perplexe, mais elle se rassoit néanmoins.
— Je te dirais tout ce que je sais si tu me dis tout ce que tu sais, continué-je.
Je sais que mon offre ne vaut pas grand-chose, Karla en sait plus que moi c’est indéniable. Néanmoins, je la voit hésiter avant de tendre sa main vers moi. Je m’en saisis, et la serre fermement comme elle. Elle à une poigne de fer bon sang ! J’ai l’impression qu’elle va me briser les phalanges.
Une fois notre accord passé, elle s’assoit droite sur sa chaise prête à m’écouter. Je commence alors mon récit. Consciente de prendre un risque à tout raconter. J’essaye d’être la plus claire et la plus précise possible, mais j’évite de parler de mes pouvoirs ou des quelconques faits sans importance. Une fois que j’ai terminé, des larmes pointent aux commissures de mes yeux. Reparler de tout ça me fait atrocement mal, mais c’est surtout de la colère qui coule dans mes veines.
Karla me regarde sans parler, elle doit sûrement être en train d’analyser tout ça. Finalement, la jeune fille soupire avant de se lever.
— Suis moi, je vais te présenter aux autres. Et je vais t’expliquer tout ce que tu ignores sur ce monde.

Les Survivants IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant