quarante

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Assis sur mon lit, j'attendais patiemment le retour de ma mère ainsi que la retournée que je risquais probablement de recevoir; j'observais mon pied marteler inlassablement le sol.

Il m'avait raccompagné jusqu'ici, après que nous ayons fait un peu de nettoyage dans la maison envahie de poussière. Comme n'importe quelle autre journée où il nous arrivait de nous promener dehors, sans aucune prise de tête, nous discutions encore du lycée, du cas compliqué de Mark et Donghyuck. J'avais fini par fatiguer à la longue traverser l'entièreté de la ville pour ensuite en faire de même avec un champ interminable. Mes chevilles étaient en détruites et mes membres inférieurs étaient crampés de toute part.

Je n'avais pas le droit de me plaindre, je n'osais pas me plaindre pour être franc même si légitimement, j'en avais le droit étant donné qu'il ne m'avait pas réellement demandé mon avis. Mais il avait le malheur d'être aussi observateur qu'on le lui avait appris; alors régulièrement, on s'arrêtait quelques minutes en se regardant dans le blanc des yeux,  et dès que cela devenait trop embarrassant, nous repartions.

Je n'étais pas réellement moi-même, c'était rare que je soie à un tel point dans les nuages à ressasser encore et toujours la même scène après avoir lâchement promis que je l'oublierai. Je demeurais tout de même capable de participer activement à nos conversations.

Nous étions devant la porte après avoir été cherché ses affaires dans ma chambre. Nous étions en fin d'après-midi, ma mère ne rentrait qu'à la tombée de la nuit alors, encore une fois, nous étions face à face, sans savoir où regarder, en silence contrairement à quelques minutes plus tôt.

-Jeno, je... Je pense pas pouvoir oublier... avais-je douloureusement avoué, effrayé d'avoir à lui mentir.

Compréhensif, il hocha la tête et ses lèvres se pincèrent entre elles formant un sourire serré, tendu.

-Honnêtement, moi non plus. finit-il par répondre, arborant un demi-sourire qui rassura tout mon être. Fais juste en sorte que personne ne le sache.

D'un signe de tête assuré, je lui fis cette promesse beaucoup plus accessible pour moi. Il s'en était simplement retourné après m'avoir confié qu'il comptait sur moi; parti avant même que je n'aie ouvert la porte.

-J'en étais sûr. dit la voix numérisée de mon meilleur ami.

Il m'avait laissé un nombre incalculable de messages à cause de mon absence et, encore une fois, j'avais encore délibérément manqué les cours. La seule différence avec la fois dernière était qu'il s'y était attendu cette fois, puisque l'absence de mon complice coïncidait de plus en plus souvent avec la mienne.

-Il t'a rien fait de mal, j'espère. Non, non attends je sais ce que tu vas dire: "Arrête, Renjun, c'est quelqu'un comme toi et moi bla bla bla, il est très gentil, il est juste réservé et froid avec les autres. " J'me trompe?

Il m'a fait quelque chose, c'était certain; il m'a toujours fait quelque chose et en particulier aujourd'hui. Je ne saurai simplement pas dire s'il s'agissait de quelque chose de mal ou non. Mon cœur seul me disait que c'était bien, qu'il n'y avait rien de mal à aimer. Il était cependant le seul, le reste de mon être essayait de me faire regretter d'avoir laissé cela se produire. Malheureusement, j'avais décidé d'écouter mon cœur plus souvent.

-Non, rien de mal. avouai-je. Ouais, t'as raison.

Il rit. Cette simplicité me plaisait énormément chez Renjun même malgré sa curiosité, il se contentait simplement des informations que l'on lui donnait. C'était admirable, et pas le cas de tout le monde.

-Tu restes quand même énormément avec lui... Vous avez tant de travail que ça ?

Il aurait mieux fallu qu'il s'arrête avant de dire ça, j'avais parlé trop vite et n'ai pas vu la chose venir au point d'être complètement pris au dépourvu, et ne pas savoir quoi répondre, pas le moins du monde. Devais-je tout lui avouer? Jusqu'à une certaine limite, évidemment... Mais étais-je moi-même en mesure de formuler une explication logique? Il allait falloir.

-On fait notre travail donc ouais... Ça prend un certain temps...?

-Ouais tellement de temps que tu sèche avec lui les cours des profs qui vous en donnent... se moqua-t-il sur un ton sarcastique. Réessaie Jae, c'était pas crédible.

Il était fatiguant, mais avait entièrement raison. Je faisais un piètre menteur.

-Bon... On va dire qu'on s'entend bien alors on reste pas mal de temps ensemble. me justifiai-je un peu plus honnêtement déjà. Il me montre des choses que je ne soupçonnais pas, j'apprends tellement de trucs avec lui, dès qu'il ouvre la bouche c'est captivant.

Peut-être en aurais-je trop dit.
J'entendis Renjun bougonner quelques mots incompréhensibles à l'autre bout du fil avant de pouffer de rire.

-Heureusement que tu m'as parlé de ton penchant pour les hommes, j'ai failli être perturbé. se moqua mon meilleur ami, riant à moitié.

Malgré l'envie de lui hurler de se taire et de nier, je m'abstins et gardai une voix neutre, calme. Il avait raison, en dépit de son manque de subtilité, c'était inutile d'essayer de lui cacher quoi que ce soit.

-Arrête j'ai pas de sentiments pour Jeno, imbécile! affirmai-je sur le ton le plus assuré possible.

-Apprends à mentir, sérieux Jaemin. Même au téléphone ça s'entend. râla-t-il. Mais t'inquiète je garde ça pour moi.

Dans un soupir contenant toute mon exaspération envers cet individu, je marmonnai quelques paroles de mauvaises foi. Résigné à l'idée qu'il était à présent inutile de m'obstiner à tenter de lui faire croire le contraire. Pourquoi essayer de le dissuader de quelque chose de véridique, te toute façon.

-Et pour ta mère, elle va rien te dire alors stresse pas. On s'en est chargé.

-Mais j'ai séché, bien sûr qu'elle va être au courant. Comment ça "on"...? tentais-je de me plaindre alors qu'il m'avait complètement perdu.

-Tu te souviens qu'on commençait par éco ce matin, non? expliqua Renjun.

-Oui, en amphi. Attends, non, t'as pas...

-J'ai répondu présent à ta place. m'interrompit-il.  Et Hyuck a dit aux profs que tu te sentais pas bien et que t'es rentré chez toi.

Ne sachant pas quoi faire d'autre, je fis éclater un rire nerveux que j'avais retenu bien trop longtemps au fond de moi. C'était pas croyable, Renjun était vraiment au-delà de l'ordinaire. Jamais je n'aurais cru qu'il déciderait de couvrir mon absence, et ce de son plein gré, spontanément.

-Donghyuck? Tu lui parles? Je savais pas que tu le connaissais bien.

-J'me le coltine depuis la maternelle et j'suis son fournisseur principal de feuilles tellement c'est un touriste...

J'éclatai de rire en même temps que lui. Étonnement, ça lui correspondait parfaitement même si aujourd'hui, son visage avait changé. Malgré sa sympathie, il vivait des choses très douloureuses et si j'en avais la possibilité, je souhaiterais m'informer de temps en temps à propos de l'évolution de sa situation compliquée avec Mark.

C'était plus qu'un souhait, mais une promesse.

-En tout cas t'assure, Renjun. Merci.

Plus loin à l'extérieur de la maison, je pouvais entendre le crissement du gravier sous les pneus d'une voiture que je devinai être celle de ma mère qui rentrait, chose que mon meilleur ami avait visiblement entendu lui aussi puisqu'il en passa rapidement aux banalités, en m'assurant une fois de plus que je n'avais pas à m'en faire avant de raccrocher. Lorsque cette porte s'ouvrit, j'étais attelé à mon cours d'anglais, apprenant un cours sur lequel nous avions déjà été évalués il y  a deux semaines, un fin sourire aux lèvres. Avec une dernière pensée pleine d'espoir pour Hyuck, je vis que la personne ayant passé la porte n'était pas ma mère.

C'était un flic.

Last Row || nominWhere stories live. Discover now