vingt-sept

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Il était toujours là lorsque j'avais besoin de lui; et pour ce coup-ci, j'avais vraiment besoin de lui. Remarquant que je n'étais plus capable de répondre convenablement à ses messages, Renjun a jugé bon de m'appeler. Pour être honnête, j'avais hésité à décrocher parce que je ne voulais pas qu'il me sache dans cet état. Après trois sonneries, j'ai arrêté de me voiler la face et admis que parler à mon meilleur ami ne pourrait pas me faire de mal. Alors, j'ai répondu à l'appel et il fut soulagé d'enfin entendre ma voix. Comme toujours, il a été patient, n'en demandait jamais trop à la fois ou bien trop de détails et me laissait la liberté d'en donner ou non; je m'en voulais d'avoir douté de son intégrité au point d'avoir considéré ne pas décrocher.

Il n'a pas prêté attention à ma voix instable, et son craquement régulier pour des sanglots que je retenais. Je n'étais pas réellement triste ou détruit; j'avais juste relevé à ma mère un fait que j'avais accepté depuis un certain temps déjà. Tout ce que je voulais était clore définitivement la dispute parce que j'étais fatigué de tout ce cinéma. 

-C'est vachement courageux, Jae. dit-il, impressionné, après lui avoir cité mes derniers mots pour ma mère. Tu t'es défendu jusqu'au bout putain, j'hallucine! 

Je n'avais rien ajouté, ne sachant pas si c'était une fierté de tenir aussi férocement tête à sa mère mais Renjun attendait que je finisse de lui expliquer l'intégralité de notre altercation avant de prendre la parole. Les mots employés étaient peut-être fort peu adéquats pour exprimer des choses qui auraient dû être débattues dans le calme serein d'une simple discussion confidente. Mais non, j'ai explosé, sous l'impatience, la colère et la révulsion. Plus j'y repensais, plus je me disais que ça n'était la meilleure solution d'avoir vidé mon sac ainsi.

-Puis t'as eu raison, t'es plus un petit garçon quoi. Au bout d'un moment il fallait que d'une façon ou d'une autre, elle comprenne que t'as ton mot à dire et que t'as le droit d'être libre, maintenant, à tous les niveaux.

Comme un imbécile, j'avais hoché la tête avant de me souvenir qu'il ne pouvait pas le voir et je m'insultai mentalement. Alors je le remerciai, tout de même bien peu convaincu d'avoir effectué ce débat sous la bonne forme. Mais, quelque part, il avait raison; et c'était rassurant de pouvoir entendre que son avis se rapprochait du mien.

-Mais elle a quand même claqué la porte comme une furieuse quand je lui ai dit que-

-Ouais mais je pense que ça l'a juste choqué que tu le lui lâche comme ça mais à mon avis, elle va s'y faire à son rythme puis elle reviendra te voir pour en parler tranquillement. Je crois que tu l'as dit de la bonne façon si tu voulais que ça la tacle au point qu'elle n'ait plus rien à ajouter. Mais elle va vouloir en reparler à coup sûr.

Je le remerciai, puis après avoir encore discuté quelques minutes, la batterie de mon portable se manifesta comme étant complètement à sec ce qui l'éteignit immédiatement pendant que je parlais de la pièce dont je n'avais pas écouté un seul mot. Je la réinventais en quelque chose de plus intéressant, ayant toujours eu cette fibre imaginative et créatrice d'histoires improvisées lorsqu'il le fallait. Quel bon menteur j'étais, en somme.

Assis sur mon lit, perdu dans la lumière orangée que le soleil reflétait au plafond, je repensais aux centaines de choses s'étant produites aujourd'hui. Je respirais lentement, avec sérénité, revoyant son visage illuminé d'une expression neutre et sereine me saluant nonchalamment d'un signe de tête. Le chaos de notre classe lors de l'entrée dans la salle. Mon léger sommeil interrompu par Mark qui avait éradiqué toute possibilité pour moi de me rendormir en susurrant ses faux mots charmants à mon oreille, une main posée sur ma cuisse et je frissonnai d'écœurement, serrant mes paupières entre elles le plus possible en espérant que cette vision de sa main veineuse sur le milieu de ma cuisse s'enfuie loin de mon esprit mais elle se faisait encore plus nette. Cet imbécile d'acteur qui nous a fait monter sur scène pour combler le blanc de sa pièce, sûrement à cause d'une blague à laquelle le public n'a pas ri créant un embarras collectif.
Je repense à ces mots qui n'auraient jamais dû sortir d'entre mes lèvres, et à ma fuite, à ma crise de folie dans les toilettes du bâtiment. La façon dont mon complice de crime a su m'aider à reprendre contrôle de moi-même.

Last Row || nominWhere stories live. Discover now