CHAPITRE 1

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Aaliyah

   —   Ravi de vous revoir mademoiselle Davis. Je vous en prie, installez-vous, me dit-il alors que je m'installai sur le sofa en cuir de son cabinet. Comment allez-vous depuis notre dernière séance, ajouta-t-il, alors qu'il devait pertinemment connaître la réponse.
   —  Ça va, mentis-je.
Il le savait. Je soufflai, et finis par dire la vérité, me sentant vaincu par son œil d'expert en psychologie.
   —  J'ai fait... un cauchemar la nuit dernière, (son silence m'invitait à continuer). J'étais à l'hôpital... et il y avait ma mère. On était toutes les deux ensembles, tout allait bien puis d'un coup... des saignements au niveau de sa poitrine...
  Je m'arrêtai soudainement dans mon discours en revoyant cette scène que j'avais vue dans mes mauvais rêves... qui me rappelait le jour où elle était partie.

  —  Alors comment ça va à l'école ? me demanda-t-elle, allongée sur son lit d'hôpital
Je n'ai pu m'empêcher de rire.
  —  Comme d'habitude maman. Tu n'étais endormi qu'une semaine, même pas, depuis ta transplantation. Tu n'as pas raté grand-chose, la taquinai-je.
Elle rigola à gorge déployée, puis son rire se transforma petit à petit en petit sanglot, ce qui me déstabilisai énormément. Pourquoi était-elle passée du rire aux larmes aussi rapidement ? Et pour quelle raison ?
  —  Qu'est-ce qu'il y a maman ?
Elle laissa échapper des larmes qu'elle essuya instantanément et prit de profondes respirations pour se ressaisir. Mais qu'est-ce qu'il lui prenait tout à coup ? Elle me saisit par les mains fermement.
  —  Rien, ma chérie, ne t'en fais pas, je suis juste un peu émue.
  —  Mais pour quelle raison ? demandai-je.
Elle me serra les mains plus vigoureusement et me regarda, ses yeux inondés de larmes dans les miens.
  — Je suis fière de toi, Aaliyah, de la jeune femme que tu es devenu...  tu ressembles tellement à ton père, ajouta-t-elle en passant sa main sur ma joue.         Elle était glacée.
  — Maman, tu es gelée, tu veux que je te couvre un peu plus ?
  — Non, m'arrêta-t-elle, alors que je m'apprêtai à me lever afin de la couvrir davantage. Ce n'est pas nécessaire.
  Je me réinstallai sur le fauteuil à son chevet, puis je la sentis trembler comme une feuille morte. Elle exerça une pression plus forte sur ma main, qu'elle n'avait pas lâchée depuis tantôt.
  — Maman, tu m'inquiètes, dis-je, craintive.
  —  Ma chérie. Tu dois me promettre que tu finiras tes études et que tu n'abandonneras jamais tes rêves.
  —  Pourquoi tu me dis ça maman ?, m'inquiétai-je, de plus en plus.
  —  Tu dois me le promettre, ajouta-t-elle en versant des larmes. Que tu ne laisseras personne te faire douter de toi. La vie est pleine d'épreuves et d'obstacles, mais tu dois être forte et ne pas te laisser abattre.
  —  Maman arrête ça, tu me fais peur, paniquai-je.
  —  Tu dois être forte Aaliyah.
  Elle passa sa main dans mes cheveux et me caressa le visage avant de coller son front contre le mien. Je tremblai, ma respiration fut aussi saccadée que la sienne. Tout était flou dans ma tête, je ne savais pas quoi faire, je ne comprenais pas pourquoi elle me disait ça. Je l'écoutais attentivement sans savoir les conséquences de mon attention. Elle s'écarta un peu et me regarda droit dans les yeux :
  —  Tu dois être forte mon bébé.
  À l'instant où elle prononça cette phrase, je compris qu'elle n'était pas destinée exclusivement à mon futur parcours professionnel. Tout prenait tout à coup tout son sens. La pression qu'elle avait sur mes mains se faisait de moins en moins présente, je la voyais s'éteindre sous mes yeux. Elle était en train de partir. Elle me regarda droit dans les yeux, le regard fixe, quand soudain, alors qu'une dernière larme perla le long de sa joue, elle s'écroula sur son lit.
  —  Maman ? MAMAN ?!, dis-je en la secouant, mais rien n'y faisait.
  Je hurlais de panique lorsqu'un long bip strident, angoissant et chronique se faisait entendre, affichant sur les machines une ligne parfaitement droite.
  —  À L'AIDE ! UN MÉDECIN S'IL VOUS PLAÎT ! IL FAUT UN MÉDECIN, criais-je pour avoir de l'aide.
  J'appuyais comme une folle sur ce petit bouton rouge, situé à côté de son lit.  Les larmes dévalaient mes joues à une vitesse folle, mon visage était devenu tout rouge à force de crier pour appeler ne serait-ce qu'une seule personne qui puisse me venir en aide. Le médecin, qui prenait ma mère en charge, arriva en trombe dans la pièce et cria :
  —  Code bleu !
  Il appuya sur un des centaines de boutons qui étaient autour d'elle et quelques secondes plus tard une équipe de 5 personnes entra avec un défibrillateur.
  —  Vous devez sortir mademoiselle !
  —  Qu'est-ce qu'il lui arrive, s'il vous plaît ?!
  —  Mademoiselle ne pouvait pas rester ! ... INFIRMIERS !, finit-il par crier.
  —  Non, je reste ici !, commençai-je alors que je sentais des mains de part et d'autre mes côtés me saisir les bras. Laissez-moi !
  J'essayai de les repousser tant bien que mal, mais en vain, ils étaient beaucoup plus forts que moi, je ne faisais pas le poids face à eux. Je ne cessais de me débattre comme une folle, je voulais juste rester à ses côtés, mais ils m'en empêchaient, ils voulaient me séparer d'elle, me l'arracher.
  Les infirmiers me saisirent plus fermement afin de me stabiliser, de canaliser les coups de pieds que je mettais hasardeusement.
  —  Lâchez- moi !, leur ordonnais-je.
  Personne ne m'écoutait. C'était à ce moment que je cessais de me débattre, à bout de force, mais pas à bout de souffle, car il m'était toujours impossible de m'arrêter de pleurer. Je m'effondrai au sol, en face de la porte de la chambre de ma mère, ce qui fit relâcher toute pression qu'exercèrent les hommes sur mes membres. Je les ai sentis s'en aller lorsque que j'eus enfoui la tête entre mon genou et le mur. Je me sentis au fond du gouffre, un gouffre si profond qu'il fut invraisemblable que je puisse en sortir. Alors que je levai ma tête et vis le médecin, il recouvrait le corps de ma mère d'un drap blanc.
  Elle est morte.

Roses [REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant