CHAPITRE 9

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Aaliyah


  Toujours dans mes rêves, le bruit d'un poing tapant contre ma porte me réveilla. Je grognai d'émerger de mon sommeil ainsi et grimaçai au terrible mal de tête qui me saisit à l'instant où j'ouvris les yeux.
  La porte s'entrouvra légèrement et je pus apercevoir malgré moi une grande silhouette dans l'encadrement. Je me redressai comme avec difficulté pour mieux voir de qu'il s'agissait et comme je l'avais pressenti, c'était bien lui.
  Je jetai ma tête en arrière, alors que Shane entra et alla dans ma salle de bain et y ressortit quelques secondes plus tard avec un comprimé blanc et un verre d'eau.
   —-  Lève-toi, Aaliyah, m'ordonna-t-il.
  Je ralai.
   —-  Quelle heure est-il, demandai-je, la voix rauque.
   —-  Il est 13h, t'as assez dormi comme ça.
  Je maugrai de nouveau, puis me redressai et collai mon dos contre ma tête de lit.
  Mon dieu, ce mal de tête est insupportable.
  Shane me tendit le petit cachet et l'eau, puis je fronçai les sourcils, me demandant comment pouvait-il savoir que j'avais besoin de ceci. Je le regardai d'un œil interrogateur. Il comprit et me répondit :
   —-  Ton père nous a raconté.
  Je soupirai. Était-il vraiment nécessaire de tout leur raconter ? Peut-être n'en avais-je que faire qu'il raconte les éléments d'il y a quelques heures à Shane, mais Abigail... Je ne la voulais pas connaître de choses si privées qui se passaient entre mon père et moi, mais bien entendu que ce cher Tyler n'avait plus aucun secret pour sa dulcinée et qu'il était désormais impossible pour lui de lui épargner le moindre détail de nos vies. Il était certain qu'elle devait certainement se frotter les mains de cette situation.
   —-  Je vois, dis-je mauvaise. Et, il vous a tout dit ? Même lorsqu'il m'a délibérément giflé ?
  Shane se pinça les lèvres et hocha de la tête.
   —-  Aaliyah, si tu savais comme il s'en veut.
   —-  Je n'en ai rien à faire. Il n'a qu'à se bouffer de l'intérieur, ça lui apprendra.
   —-  Ne dis pas ça. C'est ton père.
   —-  Et je suis sa fille. Dans mon monde, un père ne frappe pas sa fille. Je ne suis plus une gamine qui doit être corrigée, dis-je en prenant des mains l'aspirine et l'eau qui étaient devant moi depuis quelques minutes.
  Je posai le verre à présent vide sur ma table de nuit et jetai ma tête en arrière, la collant délicatement contre le mur.
   —-  Il a changé. Je ne sais plus quoi penser.
   —-  Je ne cautionne absolument pas ce que ton père a fait, mais il était inquiet, il avait lui aussi un peu trop bu. Quand l'as-tu vu dans un état pareil pour la première fois ?
  Je voyais où il voulait en venir.
   —-  Seulement hier.
  Il me souria.
   —-  En 16 ans d'existence, précisa-t-il. Je ne pense pas que cela risque de se reproduire de sitôt. Vous aviez bu tous les deux et vous avez tous les deux fait ou dit des choses que vous ne pensiez pas. Ne te mets pas à dos la seule famille qui te reste.
  Sa phrase me fit ressentir à quel point je n'avais personne. Mon père n'avait pas de famille, du moins c'est qu'il essayait de me faire croire car en grandissant je crus comprendre qu'il avait coupé les liens familiaux avec ses derniers pour une raison qui m'échappe encore aujourd'hui. Je n'en avais que faire car mes parents me suffisaient à eux-même. Et malgré le vide laissé par la mort de ma mère, ce n'était pas pour autant que je cherchais à le combler par une chose similaire. La cavité avait fini par se reboucher par elle-même, ne laissant accès à rien ni personne d'autre. Mais qu'en serait-il si je finissais par bloquer cet accès là à mon père ?
  Shane avait raison. Même si je décidais de ne pas pardonner son geste à mon père, je ne peux pas vivre sans lui et je ne voudrais en aucun cas donner cette satisfaction à Abigail de nous voir nous déchirer.
   —-  Je suis d'accord avec toi. Mais j'attendrai quand même que le premier pas vienne de lui.
   —-  Je comprends, dit-il simplement en baissant le regard.
  Sans savoir pourquoi, je sourirai. Et dire qu'il y a quelques semaines d'ici, seul Malik aurait été capable d'apaiser ma peine, mais aujourd'hui tout avait changé. Je ne savais toujours pas si ce changement me plaisait car en toute objectivité cette situation avait des avantages comme des inconvénients. D'un côté Shane et de l'autre Abigail.
  J'allai ouvrir la bouche pour le remercier, mais je ne réussis pas et finis par me taire. A la place, je lui demandai plutôt ce qu'il faisait ici si tôt. Il ria, parce qu'il était en réalité 13h passé.
   —-  Nous sommes venus déposer nos affaires. Tu sais, poursuivit-il hésitant, pour l'aménagement.
  Ah oui. J'en avais presque oublié ce détail. Finalement la claque n'était pas si mal à côté de ça.
   —-  Aller, Aaliyah, dit-il en apercevant ma tête dépitée.
  Nous passâmes de la vie à deux à la vie à quatre. Je me demandai comment se passera la cohabitation, maintenant qu'il était officiel que je ne pouvais plus négocier. J'appréhendai et Shane le vis. Mon père était obsédé à ce qu'on soit une famille mais c'était loin d'arriver.
 

Roses [REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant