CHAPITRE 5

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Aaliyah


  La sonnerie annonçant l'heure de la pause déjeuner venait tout juste de se faire entendre.
Je rassemblai mes affaires, puis sortis de ma salle de classe avant de passer par mon casier pour y déposer quelques affaires.
   —  HEY ! me fit sursauter, une voix familière.
   —  Purée, Malik ! m'écriai- je alors que je fis tomber mes livres par terre par sa faute. Tu m'as fait peur, t'es vraiment pas croyable.
  Il m'aida à les ramasser, tout en se moquant ouvertement de moi.
   —  Oh, madame à l'air tendu aujourd'hui ! Pour pas changer, continua-t-il sur sa lancée.
   —  Ha-ha ! ris-je faussement. Je ne suis pas de mauvaise humeur, ajoutai-je d'un ton neutre.
   —  Mais bien sûr, t'as l'air bizarre depuis ce matin.
  Je serrai davantage mes livres contre moi à l'entente de cette remarque et les balancèrent dans mon casier avant de claquer la porte de cette dernière.
  Avec Malik nous n'avions aucun tabou. Nous nous parlions de tout, nous nous racontions  tout, mais là je ne voyais absolument pas comment je pouvais lui raconter ce qu'il s'était passé jadis. Je voulais lui confier tout ceci, mais le prononcer de vive voix serait rendre les choses plus réelles et je ne voulais pas de cette réalité. Il m'avait d'ailleurs demandé – plus tôt ce matin – pour quelle raison mon père n'était pas venu me récupérer la veille. J'avais bien sûr menti, prétendant un rendez-vous d'affaires comme je l'eus cru moi-même au début.
   —  Tu sais bien que je suis pas du matin, lui souris-je forcée, pour camoufler mon air coupable.
  Il me pince la joue en rigolant.
   —  Ton sourire forcé là.
  Je ne pus m'empêcher de rire à ce geste et cette remarque. C'est fou ce qu'il me connaît bien.
   —  Il y a un nouveau dans ma classe, changea-t-il de sujet, alors que nous marchâmes pour rejoindre la cafétéria. Il habitait à Toronto avant, au Canada.
   —-  Trop cool ! J'adore le Canada. Qu'est-ce qu'il est venu faire ici sérieux, me moquai-je.
   —  Aucune idée. Je ne lui ai pas parlé.
   —  Comment s'appelle-t-il ?
   —  Alors là, bonne question.
   —  Tu abuses, clamai-je. Tu aurais au moins pû retenir son prénom, le pauvre. Ça ne doit déjà pas être facile de s'intégrer et ce n'est certainement pas avec des gens comme toi qu'il y parviendra.
   —  Depuis quand es-tu devenu empathique, toi ? Je n'ai pas oublié en plus ! Ça commence par le son « ch ».
   —  Waw, bravo ! ironisai-je. On va aller loin comme ça.
   —  Tais toi, je me concentre, dit-il en s'arrêtant devant la porte de la cafétéria.
  Je le laissai se concentrer comme souhaité, sachant éperdument qu'il ne se souviendra pas du prénom de ce pauvre garçon à qui on portait si peu d'intérêt.
  Il met trop de temps. C'est pas tout, mais j'ai faim moi.
   —  Bon allez, temps écoul...,. commençai-je alors que j'allais entrer dans la cafétéria. Mais il me coupa.
   —  Shane Cooper !
  Mon sang se glaça, rien qu'au son des premières syllabes de son prénom. Je restai bête face à ce qu'il venait de dire alors que lui était presque en train de faire une danse de la joie parce qu'il s'était rappelé du prénom du nouveau de sa classe.
   —  J'espère que c'est une blague. Shane ? Il.. il est dans ta classe ?!
   —  Hein ? Tu le connais ? me demanda-t-il, avec grand étonnement.
   —  Attend attend, t'es sure que c'est bien son prénom ?
   —  Bien sûr que je suis sûre, comme deux et deux font la paire. Mais comment se fait-il que tu le connaisse ? insiste-t-il.

   —  Waw, dit-il la bouche pleine. Ton père a une petite amie. Je n'aurais jamais pensé. Pas si vite du moins.
  Je rigolai faussement.
   —  A qui le dis-tu.
   —  Regarde il est là bas, me dit-il en faisant un signe de tête vers une direction.
  Je suivis son regard et vis Shane à quelques mètres de nous en train de déjeuner seul à une table. Il avait ses écouteurs aux oreilles et ne semblait pas vraiment se soucier d'être seul. On dirait même que c'est ce qui lui convenait le mieux. Il n'avait pas l'air d'être le garçon, si sûre de lui et prétentieux que j'avais racontée la veille. Je regardai ses pieds bouger en rythme de la musique qu'il devait probablement écouter, lorsque nos regards se croisèrent. De nouveaux. Je détournai immédiatement mes yeux et rigolai aux éclats faisant mine de rire avec mon meilleur ami.
   —  Qu'est-ce qu'il te prend ? demanda ce dernier dans l'incompréhension.
  Mon rire diminua en decrescendo.
   —  Hum... rien.
  Nous mangâmes tous les deux en silence quand me dit :
   —  C'est pas forcément quelque chose de négatif tu sais.
   —  Malik n'en dit pas plus. J'ai pas envie d'être éner...
  Je m'arrêtai net de parler lorsque je vis une personne s'approcher dangereusement du canadien.
Clara.
Eh merde.
   —  Attends je reviens.
  Je me levai précipitamment de ma place et engageai une marche rapide à la table de Shane afin d'éviter que ces derniers ne s'adressent la parole.
  Trop tard, ils se parlent.
   —  Éloigne-toi de lui Clara, lui ordonnai-je, une fois à leur niveau.
   —  Mais qui voilà ? Aaliyah Rose dépressive Davis. Pourquoi je devrais m'éloigner de lui au juste ? voulut-elle savoir.
  Je tentai de garder la tête froide pour ne pas réagir à son venin de vipère.
   —  Vraiment ? Ce serait dommage de perdre sa dignité devant la seule personne qui aurait pû enfin te voir autrement qu'une traînée.
   —  Si pour toi cela signifie d'être absolument divine, populaire, et avoir tous les garçons à ses pieds, alors je plaide couple.
   —  J'aurais plutôt dis mesquine et opportuniste, la corrigeai-je en me rappelant de l'époque où nous étions amies.
  Elle pouffa.
   —  Envers toi ? rigola-t-elle. J'ai tout ce que je souhaite. Un jolie minois, des super fringues, une belle voiture, une mère.
  Ma mâchoire se contracta. Mon regard croisa celui de Shane et ce dernier me lança comme un regard... désolé ? Je chassai cette idée. Pourquoi aurait-il de la peine pour moi ? Je ne dis rien. Sur le moment, je fus seulement apte à me taire et baisser la tête pour contrôler mes émotions. Ne pas pleurer de rage, ne pas la tuer sur place.
  Depuis que nous sommes rentrée au lycée elle avait beaucoup changé. Nouvel établissement scolaire, nouvelles personnes. Idéal pour laver son nom et se recréer un personnage. Elle était passée du vilain petit canard du collège à la vipère grosse pétasse du lycée. Capitaine des cheerleaders, elle s'était faite amie avec ses co-équipières. Leur bande s'appellait  « Les Hides ». Elles sont tellement ridicules. Il leur arrivait de s'habiller pareil, ce qui faisait beaucoup de bruit quand elles passaient. Les gens étaient impressionnés, les admiraient.... S' ils savaient qui elle était vraiment, la personne qu'elle était quelques mois plus tôt au collège, ils ne la reconnaîtraient pas. Mais je n'étais pas du genre à afficher les personnes. De nos jours plus on est détestable, plus on est apprécié, il faut croire.
  Ça avait l'air de la faire rire.
   —  Bon, je vous laisse. J'ai mieux à faire. Je n'ai pas vraiment envie qu'on nous voit traîner ensemble, tu comprends. J'ai une réputation à tenir chérie.
   —  Ferme ta gueule.
   —  N'hésite pas à m'appeler si tu veux une visite guidée de l'établissement, dit-elle à Shane en lui caressant le bras. Ou bien même si tu veux plus, ajouta-t-elle en lui faisant un clin d'œil avant de s'en aller.
  Je vais vomir.
  Je mis ma main sur mon front et avant de soupirer et engager le pas pour m'en aller à mon tour, lorsqu'une voix me retins.
   —  Pourquoi t'as fait ça ?
   —  Je t'éloigne des problèmes et celui-ci en était un gros. Ne me remercie pas surtout, dis-je ironiquement.
   —  Pourquoi ? demanda-t-il à nouveau. Qu'est-ce qu'elle t'as fait pour que tu ne l'aime pas ?
   —  Ça ne te regarde pas.
   —  Tu viens de gâcher ma seule chance de me faire une amie, tu me dois au moins quelques explications, ma rose. Elle avait l'air sympa cette "Clara".
  Encore ce surnom de merde.
  La malice dans ses yeux prouvaient qu'il ne le disait que pour m'énerver. Elle ? sympa ? Mais laissez-moi crever de rire. Je n'avais jamais vu une personne aussi intéresser, hypocrite et mauvaise de toute ma vie. J'aurais dû sans doute me foutre qu'elle se rapprochait de Shane mais je ne voulais pas voir Clara avec d'autres amis. Elle ne le méritait pas. Et peut-être que Shane non plus ne méritait pas d'avoir comme amie une fille comme elle. Au moins une bonne action de ma part qui ravira mon père.
   —  Ne t'en fais pas, ce n'est pas une grande perte, crois moi.
   —  Tu as l'air de savoir de quoi tu parles.
   —  Très certainement. Alors c'est à tes risques et périls maintenant. Va te faire des amis et ne soit pas bête parce que c'est la dernière fois que je viens à ta rescousse.
   —   Attends, je suis censé te dire merci là ? demanda-t-il désinvolte. 
   —  Bien sûr, mais je n'attend rien de toi donc tu peux garder ta salive.
   —  Pourquoi avoir fait ça alors ? Je pensais que tu me détestais.
   —  C'est le cas, ne te méprends pas. Comme je t'ai dis hier tu ne me connais pas et il se trouve que je suis bien loin de la méchante sans cœur que tu penses que je suis.
   —  Tu parles, dit-il ironiquement en buvant de l'eau.
  Quel ingrat.
   —  Tu sais quoi ? J'aurais dû te laisser avec elle, vous faites la paire, dis-je en tournant les talons.
   —  Je ne t'ai rien demandé Davis.
  Je ne trouvai rien de mieux que de lui présenter mon majeur tout en continuant ma route vers ma table avec Malik.
   —  Tu détestes toujours autant Clara à ce que je vois.
   —  À la vie jusqu'à la mort.

Roses [REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant