CHAPITRE 11

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Shane

  Alors qu'Aaliyah prit à son tour une douche, j'en profitai pour descendre à la cuisine afin de me servir un verre d'eau. Face à l'évier, j'entendis le claquement d'une paire de talons hauts derrière moi. Je savais que c'était elle.
   —  C'était Blake, n'est-ce pas ? demandai-je, mes deux mains posées de part et d'autre du lavabo.
  Elle ne répondit pas, je me retournai alors pour lui faire face. Elle était appuyée contre l'îlot central, les bras croisés sur sa poitrine en me fixant du regard.
   —  Oui, répondit-elle. Et alors ?
   —  Et alors ? répétai-je. Pourquoi as-tu fait ça ?
   —  Il pose beaucoup trop de questions.
   —  Ce n'était pas une raison ! Il aurait pû avoir de sérieux problèmes à cause de toi.
   —  Crois-tu vraiment que j'en ai quelque chose à faire ? dit-elle insouciante.
   —  Aaliyah t'as vue sur ces caméras.
   —  Et je pourrais savoir comment ? me questionna-t-elle froidement.
  Je me tus immédiatement, ne voulant pas qu'elle sache que j'avais participé à sa libération.
   —  C'est elle me l'a dit.
  Elle me toisa d'un air suspect, puis me tourna le dos.
   —  Arrête de rester avec lui.
   —  C'est le meilleur ami d'Aaliyah, je ne peux pas l'éviter, prétextai-je, ne voulant pas rompre les liens que j'avais créés avec mon nouvel ami.
  Elle se retourna vers moi et avança en ma direction. Elle posa ses mains sur mes épaules. Je compris son petit jeu, alors qu'elle exerça une pression de plus en plus forte dessus.
   —  Qu'est-ce que tu mijotes ? grinça-t-elle entre ses dents d'un air menaçant.
  J'avais plus de force qu'elle, mais je ne voulais pas en user, alors je fus délicat dans mes mouvements pour lui retirer ses mains de mes épaules.
   —  Rien du tout, arrête de voir le mal partout et d'être parano, la rassurai-je. Je dis ça pour toi.
   —  Bien sûr, dit-elle, un m'envoyant un regard mauvais. Occupe toi d'Aaliyah. Veille sur elle et à ce qu'elle prenne ses médicaments contre l'anxiété quand nécessaire. Ça rassurera son père.
  Pas que lui, pensai-je.
  J'acquiesçai et montai dans ma chambre provisoire. L'eau ne coulait plus dans la salle de bain, ce qui m'indiquait que la petite blonde n'allait plus tarder à montrer le bout de son nez. J'en profitai pour m'allonger – m'écrouler – sur son lit et expirai un bon coup.
  J'avais désormais tout ce dont j'avais besoin pour reprendre une vie normale, repasser ma deuxième année de lycée, vivre la vie d'un adolescent ordinaire de 18 ans, mais ça ne relevait pas de moi. Ça ne relevait plus de moi, me rectifiai-je. Cette spirale ne s'arrêtera jamais.  
   —  Je vois que tu prends des aises, me sortit une voix de mes pensées.
  Je me redressai aussitôt, d'un air amusé.
   —  Je te rend ton territoire, ma rose, dis-je, m'apprêtant à me lever.
   —  Non reste, je plaisante. Ça ne me dérange pas.
  Je lui souris et repris place. Elle me rejoignit la seconde d'après en se jetant sur son lit, comme je l'avais fait quelques minutes plus tôt. Le lit était assez grand pour nous accueillir tous les deux, sans que nous ne nous touchions.
   —  Cette journée m'a épuisée, se confia Aaliyah. Toute cette histoire de vol m'a stressée comme jamais auparavant.
   —  Tu devrais garder tes pilules avec toi, au cas où.
   —  J'ai pas confiance en ces trucs-là.
   —  Tu devrais, ça m'a bien aidé, moi.
   —  Tu en avais aussi ?
   —  Oui. J'en prenais quand j'ai perdu mon père


Aaliyah
  

  Michael Cooper. Serait-ce le bon moment pour lui en parler ? J'hésitai à poser le sujet sur la table, de peur qu'il ne se braque, ou que je lui fasse resurgir de mauvais souvenirs. Puis je me lançai.
   —  Michael Cooper ?
  Il soupira et passa ses mains sur son visage. Il laissa ses mains couvrir ses yeux pendant quelques secondes qui me parurent une éternité, au vue de son coude qui toucha mon visage. Ce simple contact m'hérissa le poil. Il rabattu ses mains sur son abdomen et commença :
   —  Exact.
   —  Tu t'entendais bien avec lui ? demandai-je.
   —  Je n'étais pas si proche de lui que tu l'es avec ton père... mais je savais qu'il m'aimait.
  Cela en disait long. Je ne fus pas étonnée, ayant vu les descriptions que les articles de presse tenaient sur lui. Après, il fallait avouer que les médias avaient cette fâcheuse tendance à extrapoler tout et n'importe quoi, mais aux dires de Shane, il ne semblait pas si différent des descriptions.
  Si je trouvais que mon père était très attaché à son travail, son père à lui en était accro.
   —  Il ne nous mettait pas de côté pour autant, mais c'était son travail avant tout.
  Tout le contraire de mon père. Lui n'hésitez pas à manquer une réunion importante pour assister à mes spectacles de fins d'années ou encore se libérer pour qu'on puisse passer du temps en famille.
  —  Le seul compliment qu'il me faisait le plus claire de son temps était que j'étais comme lui. Et que je réussirai... comme lui. Et uniquement grâce à lui, dit-il en insistant sur ces mots.
   —  C'est ce que tu souhaites toi ? Être comme lui ? Un avocat de renom ? précisai-je.
  Il soupira.
   —  C'est ma destinée, c'est dans le sang Cooper. C'est la seule chose qui me permettra de garder un lien avec lui.
   —  Ne dis pas ça, Shane, dis-je en le regardant. Il n'y avait certainement pas que ça qui vous rapprochait.
   —  Crois-moi que si, ma rose. Il aimait son travail plus que tout au monde. Je devais être le travail, pour qu'il s'intéresse à moi.
    Je pus ressentir la peine qui l'envahissait à la sortie de ces mots. Il n'avait jamais connu l'amour d'un père à son fils, sans que le professionnel vienne y ajouter son grain de sel. Même s'il avait tout ce dont un enfant ou un adolescent rêvait d'avoir, quand l'amour n'est pas présent, le reste n'est que futilité, et l'argent n'achète pas l'affection. Cette confession était sûrement la raison de l'admiration que Shane portait à mon père. Ce dernier le considérait comme son fils.
    —  Comment le vivait ta mère ?
    Je le sentis se raidir à ma question. Était-ce un souvenir plus lourd que le fardeau qu'il portait déjà ? Il mit du temps à me répondre. Je ne savais pas si ma question fut trop indiscrète ou s' il ne connaissait tout simplement pas la réponse. Puis il finit par dire :
   —  Elle en a beaucoup souffert. Comme moi, mon père la mettait de côté au fur et à mesure qu'il prenait en popularité.
  "C'était son travail avant tout", repensai-je aux mots dit plus tôt par Shane.
   —  Il lui avait fait maintes promesses qu'il n'a jamais pû tenir. C'est pour ça qu'elle a voulu un enfant.
   —  Pour combler son vide, en déduisis-je.
   —  Je sais ce que tu penses d'elle, et je ne peux pas te forcer à l'aimer. Mais ne lui en veut pas. Si elle est comme ça c'est parce qu'elle a peur que ton père fasse comme le mien lui à fait.
   —  Il n'est pas comme ça, rétorquer-je, presque déçu qu'il ne le soit pas. Mon père est comme ma mère sur ce point : c'est la personne la plus généreuse du monde. Quand il aime, il le fait sincèrement et fait tout pour te le montrer de n'importe quelle manière qu'il soit.
   —  Tu as de la chance de l'avoir.
   —  On l'a tous les deux maintenant, lui dis-je d'un sourire chaleureux.

Roses [REECRITURE]Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ