Chapitre 21

314 11 10
                                    

Assis dans la pénombre sur un fauteuil à côté du lit, les yeux rougis par le manque de sommeil, il l'avait regardée dormir tout au long de la nuit. Il redressa la tête et aperçut par la fenêtre les lueurs rosées de l'aube naissante. C'était déjà le matin. Il avait perdu la notion du temps tant son esprit peinait à s'apaiser.

Quand ils étaient arrivés dans l'appartement de John, Candy avait immédiatement demandé à aller se coucher et s'était écroulée comme une masse sur le lit. Terry lui avait ôté ses chaussures, l'avait recouverte d'une couverture, et s'était assis à côté d'elle pour ne plus bouger, se contentant, à la lueur pâle d'une lampe de chevet, de l'observer dans son sommeil, guettant le moindre froncement de sourcil ou plissement du front.

Pensif, les coudes en appui sur les genoux, les mains jointes devant sa bouche, il soupira de découragement face à son incapacité à chasser les terribles images qui repassaient en boucle dans son esprit depuis l'insoutenable scène à laquelle il avait assisté au château.

En entrant dans la chambre, il avait tout d'abord poussé un soupir de soulagement en la découvrant vivante tant il avait craint le pire pendant qu'il courrait à sa rescousse. Elle était vivante, pour sûr, mais aussi à moitié dévêtue et toute échevelée, et pendant quelques secondes, il s'était trouvé incapable de réagir, trop choqué par ce qui se déroulait sous ses yeux. Son frère se tenait roulé en chien de fusil sur le sol, essayant tant bien que mal de se protéger tandis qu'elle le frappait de ses poings et de ses pieds avec des cris étranglés de rage. Pourtant, avec sa haute stature, Rodolphe aurait pu d'un seul geste la repousser, mais il semblait terrorisé par la fureur qui émanait d'elle, saisissant contraste avec son petit corps frêle qui, sans aucune pitié, s'acharnait sur lui. C'était quand elle s'était dirigée vers la cheminée et qu'elle avait saisi l'énorme chandelier qui trônait sur le manteau, que Terry s'était précipité vers elle pour la retenir. Elle avait levé la tête de surprise et ce qu'il avait lu alors dans ses yeux l'avait horrifié : un regard fou, empreint de colère mais aussi de terreur et de dégoût.

- Dieu du ciel ! - avait-il gémi en la prenant dans ses bras - Que t'a-t-il fait ? Que t'a-t-il fait ????

Il l'avait serrée fort contre lui, bredouillant à son oreille des mots qui se voulaient rassurants, mais emportée dans sa confusion, elle ne l'avait pas entendu et s'était débattue en geignant comme une bête apeurée. Finalement, sa voix, cette voix tendre et grave qu'elle chérissait tant, était parvenue à franchir les barrières de son esprit tourmenté, et elle s'était effondrée dans ses bras en sanglotant.

- Tu n'as rien ? Dis-moi que tu n'as rien ! - lui avait-il demandé, la voix brisée, tout en palpant ses épaules, ses bras, ses mains.

- Je... Je n'ai rien... - avait-elle répondu en hoquetant. Il lui semblait qu'elle émergeait d'un cauchemar. Mais cette fois, le monstre de ses rêves gisait à ses pieds, terrassé, et elle en éprouvait une véritable délivrance. Plus jamais, plus jamais elle ne laisserait quelqu'un poser ses mains ainsi sur elle !

Le bruit d'un frottement sur le sol avait alors interpellé Terry qui s'était retourné et avait aperçu son frère, qui, profitant de leur effusion, s'était redressé et avait entrepris de leur fausser compagnie. Ne pouvant plus refréner plus longuement l'envie furieuse de lui régler son compte, il s'était jeté sur lui et l'avait secoué sans aucun ménagement.

- Tu vas le payer, fumier !!!! - avait-il hurlé en le tirant par les cheveux, le déplaçant ainsi sur plusieurs mètres, sans aucune compassion pour ses cris de douleur. Puis sa furie s'était abattue sur lui, froidement, sans aucun mot, juste des coups. Il était dans un tel état second, qu'il était incapable à présent de se souvenir exactement du traitement qu'il lui avait infligé, ni du temps que cela avait duré. Il se rappelait seulement les supplications de Candy pour qu'il arrête de cogner sur ce pauvre diable qui ne représentait plus rien d'humain à ses yeux. Il n'avait alors qu'une idée en tête : éliminer cette vermine pour qu'elle ne fasse plus jamais de mal à la femme qu'il aimait ! Il l'aurait certainement tué si elle n'était pas parvenue à le ramener à la raison. Grâce à elle, il n'était pas devenu un assassin, mais il conservait ce goût d'inachevé qui l'empêchait d'être délivré de la culpabilité de n'avoir pas été là quand il le fallait. Il savait que désormais il ne pourrait s'empêcher de craindre pour elle à tout moment et cela l'angoissait terriblement.

Lettres à JulietteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant