Chapitre 12

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Il avait fallu un long moment à Candy pour retrouver ses esprits. Les premières minutes, elle s'était sentie flotter, les membres engourdis comme si on l'avait enveloppée de coton. Puis peu à peu, l'excitation avait pris le dessus et l'avait emportée vers un état qui rappelait celui de l'ivresse, une euphorie difficilement maîtrisable qui la transportait du rire aux larmes.

Terry... Terry est ici !... Je l'ai retrouvé !!!... - se disait-elle en s'observant dans le miroir. Le visage bouleversé que son reflet lui renvoyait témoignait bien de cette réalité. A travers ses larmes, elle percevait distinctement la joie qui brillait dans ses yeux et rosissait son teint. Elle porta sa main à la bouche et pouffa de rire, gênée par cet excès de bonheur qui la grisait. Elle recula d'un pas, et les yeux fermés, s'adossa contre la commode. Le beau visage de Terry revenait en boucle dans son esprit, sa voix grave et tendre la faisant tressaillir de la pointe des pieds à la racine des cheveux. Elle se remémorait le moment magique de leurs retrouvailles, ce regard aux milles nuances qui avait capturé le sien, et cette sensation divine de délivrance qui l'avait saisie, si violemment qu'elle en avait eu la respiration coupée. Elle croisa ses bras autour d'elle pour retrouver la chaleur du contact de son corps contre le sien quand il l'avait enlacée et murmuré son prénom, à plusieurs reprises, pour s'assurer que c'était bien elle et non pas un songe éveillé. Elle frissonna, son cœur palpitant un peu plus vite. Les éclats de rire de Terry occupaient l'espace, entraînant un sourire complice sur son joli visage. Ces quelques heures en sa compagnie avaient passé si vite !

Elle soupira de ravissement et se mordit les lèvres pour ne pas hurler, submergée par ce flot d'émotions dont la folle intensité aiguisait chaque cellule nerveuse de son corps. Tremblante, elle se déplaça jusqu'au lavabo et se rafraîchit le visage et le cou d'un gant humide. Cela calma quelques secondes la fébrilité qui l'animait, laquelle reprit de plus belle quand la cloche de l'église du quartier fit tinter ses sept coups.

- Sept heures !... Sept heures seulement ?... - gémit-elle, les yeux écarquillés de consternation - Comment vais-je pouvoir attendre jusqu'à demain pour le revoir ? Comment vais-je pouvoir tenir aussi longtemps loin de lui ???

Elle pensa alors à Patty qui devait trépigner d'impatience dans sa chambre et sans perdre une minute, elle quitta la pension et remonta la rue en courant. Il n'était pas très convenable qu'une demoiselle de sa condition se comportât ainsi, mais elle n'en avait que faire. Elle était si heureuse ! Et elle voulait partager sa joie au plus vite avec son amie.

Quand, essoufflée, elle poussa la porte de la chambre de Patty, cette dernière, assise à une table, était en train de terminer son repas. Le séduisant docteur Biazini, assis à côté d'elle, leva les yeux vers Candy, et comprit immédiatement qu'elle venait de vivre un événement extraordinaire.

- Patty... - murmura Candy, la gorge nouée par l'émotion.

La jeune brune posa sa fourchette, pivota sur sa chaise et dirigea avec appréhension son regard vers son amie. Ce qu'elle lut dans ses yeux la rassura immédiatement. Elle poussa un soupir de soulagement et se précipita vers elle, manquant dans son excitation de renverser son plateau, puis prit ses mains dans les siennes, les serrant contre son cœur.

- Alors ?... Tu... Il... - demanda-t-elle, fébrile, les yeux brillants de larmes.

Candy opina frénétiquement de la tête.

- Oui, Patty, oui... - bredouilla-t-elle, la voix étranglée par un sanglot de joie.

Emportées par l'enthousiasme, elles laissèrent échapper en sautillant une rafale de cris hystériques que le médecin, effaré, s'empressa de modérer avec moult gestuelle pour éviter d'alerter tout le personnel de l'hôpital. Il les observait, toute à leur joie commune, et sentit rapidement qu'il était de trop. Il s'éclipsa discrètement, un peu déçu que son départ ne soit pas plus remarqué, et repartit vers son bureau en haussant les épaules, convaincu qu'il était inutile de chercher à sonder ces êtres insaisissables qu'étaient les femmes, d'autant plus si elles venaient d'Amérique...

Lettres à JulietteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant