Chapitre 18

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Le grand jour était enfin arrivé. On pouvait sentir l'agitation dans le château aller croissant au fur et à mesure que les heures s'écoulaient. On avait installé de grandes tables nappées de blanc dans le jardin, une estrade pour le petit orchestre qui accompagnerait en musique le repas, et des tentes autour de tout cela au cas où le soleil déciderait de leur faire faux bond. Il est vrai qu'on était à l'abri de rien en Angleterre !

Le Duc surveillait les derniers préparatifs avec attention. Tout devait être parfait. Bien que ce ne soit que des fiançailles, il voulait que cela soit une véritable cérémonie. Son fils avait fait le choix de ne pas se marier sur la terre de ses ancêtres, mais il pouvait lui offrir une belle fête, entouré de tout ce qu'il y avait de plus noble et de plus aristocratique. C'était sa façon à lui de le reconnaître définitivement aux yeux de tous comme son fils légitime, ce qui ferait peut-être grincer quelques dents mais il n'en avait cure. Le Duc de Grandchester n'avait de compte à rendre à personne ! C'était d'ailleurs ce message qu'il avait fait passer à son épouse Béatrix, laquelle lui opposait une résistance farouche quant il s'agissait de Terry. Il restait pour elle ce bâtard qu'il lui avait imposé et qu'elle avait dû supporter durant des années, cet enfant rebelle à toute discipline qui la toisait à travers les yeux de celle que son époux n'avait jamais cessé d'aimer. Chaque fois que le garçon s'approchait d'elle, elle éprouvait une jalousie féroce et le chassait violement pour qu'il disparaisse au plus vite de sa vue et de ses pensées. C'était elle qui avait tenté de l'envoyer en pension dès l'âge de six ans, mais le Duc lui avait opposé un refus catégorique. Elle était néanmoins parvenue à ses fins quand il avait atteint les dix ans, et avait proposé Gordonstoun School, au nord-est de l'Ecosse, avec comme raison que des têtes couronnées y avaient étudié. Le Duc avait bien compris que si elle avait pu trouver un pensionnat en Laponie, son choix se serait porté sur celui-ci, tant elle voulait éloigner Terry de sa famille. C'est pourquoi il avait proposé le Collège Saint Paul qui n'était pas très loin de Londres et qui lui permettrait de rendre visite à son fils quand bon lui semblait. Leurs relations étaient toujours aussi tendues mais il avait préféré, le caractère de Terry s'affirmant de plus en plus, le garder non loin de lui pour veiller sur lui. Ils en avaient connu des disputes et des affrontements, mais il était très fier de son fils qui avait su tracer son propre chemin, se bâtir une carrière admirée de tous, et se faire aimer de cette délicieuse blonde qui apportait de la gaieté dans toute la maison. Il s'était même bien habitué à la présence de Cookie et à l'esprit vif et fin qui le caractérisait, à son humour sarcastique qui témoignait du recul qu'il avait sur la vie et sur les gens. Rien ne l'impressionnait, et encore moins Beatrix qui l'évitait comme la peste. Elle n'avait pas diné avec eux depuis son retour, prétextant à chaque fois un mal de tête ou une extrême fatigue. Seule Sybille se hasardait par sa présence, mais ses piques blessantes ne parvenaient jamais à passer la barrière ironique que Cookie lui dressait, trop soucieux qu'il était de vouloir défendre Candy et Terry.

Le Duc restait néanmoins sur ses gardes quant à l'attitude de son épouse. Celle-ci lui avait annoncé avec grandiloquence qu'elle ne participerait pas à cette mascarade, ce qui revenait à se demander pourquoi elle était revenue au domaine familial alors qu'elle aurait pu rester tranquillement à Bath. Il en connaissait la raison : c'était tout bonnement pour le contrarier, pour le défier comme de coutume, mais cette fois, il n'avait pas l'intention de céder pour avoir la paix, et c'est très menaçant qu'il lui avait déclaré :

- Madame, je ne requiers pas mais ordonne votre présence le jour des fiançailles. Dès l'instant où le premier invité posera un pied dans l'allée, je vous veux présente pour l'accueillir. Et ne vous méprenez pas. Je suis tout disposé à venir vous tirer du lit et à vous traîner en chemise de nuit devant tout le monde. Vous m'en verriez navré, mais vous le seriez plus encore !

Lettres à JulietteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant