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Aujourd'hui

Ce matin-là, un souvenir s'effaça.
Le souvenir de ma nuit.
Le souvenir de ce cauchemar.
Le souvenir que je voulais oublier. Toujours ce même souvenir qui remplissait mes nuits de douleur et de chaos. Comme toujours, à mon réveil, il partait malheureux pour revenir le soir, heureux. Quel que soit le jour, quelle que soit mon humeur.
Je me levais fatiguée, sans envie. Je marchais jusqu'à ma cuisine dans ce minuscule appartement qui était le mien. Je traînais les pieds, accablée d'un poids immense pour une jeune femme de seulement vingt ans.

Cet appartement je l'avais depuis seulement un an. Il était coloré de rouge et de noir qui bordait des milliers de photos. Comme si ma vie se résumait à ça. Des photos. Il y avait de tout: des photos de moi, de mes amis, de ma famille, des photos lointaines, des photos d'hier; des photos de tout et des photos de rien. Un instant capturé  sur une feuille accrochée à un mur. J'aimais me rappeler de ces moments heureux ou malheureux. Sans cela, je savais que je les oublierai. Le seul que j'avais vraiment envie d'oublier me revenait chaque nuit sans qu'aucune photo ne me le rappelle. Mon coeur voulait l'oublier alors mon cerveau le lui rappelait. C'était injuste mais c'était ma vie depuis maintenant un an.

Le jour était déjà levé depuis longtemps, il ne m'avait pas attendu pour illuminer la vie des gens. Et moi, je ne l'avais pas suivi.

Sans attendre une seconde de plus, mon manteau et mes chaussures déjà bouclées, je descendis les escaliers, ouvris la porte et me dirigeai vers la gare. Un lieu de travail insolite pour moi mais dans lequel j'avais réussi à trouver le bonheur. Mon adolescence n'avait pas toujours été rose , j'y avais vécu des choses qui m'avaient changé à jamais et pourtant je ne regrettais pas la femme que j'étais devenue. Mon seul regret était de ne pas avoir eu la chance de vivre une vie de famille calme et paisible. J'avais souffert. Beaucoup, mais j'avais réussi à m'en sortir malgré tout. Les seules choses qui me rattachaient encore à mon passé étaient ces photos heureuses et ce souvenir, horrible. Ces photos c'étaient un choix et ce souvenir, un supplice. Je n'avais plus envie de souffrir comme j'avais souffert, et je ne le souhaitais à personne. On pouvais dire que j'avais fuis, que j'avais abandonné, que je n'étais qu'une lâche, mais dans la vie, deux choix s'offraient à nous: nous battre ou abandonner. J'avais choisi le deuxième car je ne pouvais plus me battre. J'étais trop faible, trop abattue . Peut-être aurais-je dû continuer malgré la souffrance. Peut-être n'étais-je vraiment qu'une lâche mais au moins, j'étais une lâche en vie et qui pouvait enfin de nouveau espérer au bonheur. Cette souffrance m'avait rendu plus forte, m'avait fais grandir, m'avait appris à vivre, à profiter du bonheur, à me battre pour les choses importantes pour moi. Or j'avais abandonné mon passé avant tout car ce n'était plus important pour moi, je n'en voyais plus la fin, je n'en voyais plus l'éclaircie.
Perdue dans mes pensées, je n'avais pas remarqué que j'étais déjà arrivée à la gare du Nord. Il y avait foule. On sentait de l'excitation dans l'air, l'excitation des vacances qui arrivaient. Pas n'importe lesquelles en plus, les vacances d'été, ces grandes vacances de pose, de détente et de plaisir.

- Anna !

Je tournai la tête à l'appelle de mon prénom.

- Ici, derrière toi me dit enfin Lilla.

Je me retournai donc en reconnaissant la voix de ma collègue et amie. Une grande femme bronzée, aux jambes interminables et à la robe bordeaux se dressait devant moi. Lilla avait été ma première amie ici. J'étais arrivée il y a un an à Paris. Je venais d'avoir dix-neuf ans, j'étais seule, un peu perdue et surtout horriblement malheureuse. Mon mal-être se voyait dans mes yeux m'avait-elle dit la première fois. J'avais trouvé un petit boulot dans un petit café de la gare. C'était mon premier jour, comme elle, et la patronne nous avait présenté l'une à l'autre comme les deux nouvelles serveuses. Elle nous avait tout de suite mise en confiance et nous avait tout expliqué avant de nous donner notre tenue de travail. Ce qui m'a rapproché de Lilla, fut sa gentillesse et son sens de l'observation. Elle ne m'avait posé aucune question, elle m'avait juste dit qu'elle était là, près de moi, si j'avais besoin de parler.

L'inconnu de la  Gare du NordTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon